Un important ouragan technologique attend les conseillers, croit Henri-Paul Rousseau. Il a néanmoins livré un vibrant plaidoyer en faveur de la profession lors du Congrès 2017 de l’assurance et de l’investissement.
Le vice-président du conseil de Power Corporation et de la Financière Power a abordé un sujet au cœur des enjeux de l’industrie : le virage numérique, la (re)règlementation et la nécessité de professionnaliser le conseil financier au profit du client.
Selon M. Rousseau, qui a aussi été président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec, le conseiller financier fait aujourd’hui face à un « ouragan technologique » alimenté par cinq foyers. Le premier : une puissance de calcul phénoménale disponible partout et à faible coût. Viennent ensuite diverses avancées technologiques, entre autres l’infonuagique, qui réduisent radicalement le cout de créer des entreprises et de servir des clients. Les trois autres foyers sont la connectivité rapide et massive des réseaux, la création massive de données en accélération et les nouvelles attitudes et exigences des consommateurs.
« La numérisation change tous les aspects du métier de conseiller financier : nouveaux produits, nouveaux portefeuilles, nouvelles techniques d’analyse, l’intelligence artificielle, le rôle des réseaux sociaux et de ce qu’on appelle l’omnicanal, et j’en passe. Dorénavant l’information de portefeuille sera disponible en temps réel et par le biais de multiples canaux, tant pour les consommateurs que pour les fournisseurs. À elle seule, l’agrégation des données, également favorisée par les avancées juridiques, a le potentiel de transformer profondément la relation client-conseiller. L’information générée par et sur le client appartiendra exclusivement aux clients. Cet environnement technologique continuera de se développer à une vitesse folle. »
Un tsunami réglementaire
Deuxième perturbation : un « tsunami réglementaire » soulevé par la crise financière mondiale de la fin des années 2000 qui a miné la confiance des épargnants dans le système. Les objectifs des diverses réglementations : stabilité du système, répression des comportements abusifs des opérateurs et meilleure protection des consommateurs. Le Canada et le Québec n’échappent pas à « l’activisme des autorités réglementaires ». Henri-Paul Rousseau donne l’exemple de la dernière proposition des autorités réglementaires canadiennes, désignée comme étant la phase 3 du Modèle de relation client-conseiller (MRCC3), qui fait état d’un élargissement des exigences de divulgation.
« Cet activisme ne touche pas que la transparence, précise-t-il. Les obligations des inscrits sont rehaussées, l’encadrement des banques accru, les conflits d’intérêts pourchassés et de nouveaux organismes de réglementation voient le jour. Il n’y aura pas de répit sur ce front non plus. »
La relation client-conseiller en eaux troubles
« Ça brasse dans la relation client-conseiller et ça se comprend ! », dit Henri-Paul Rousseau. Il identifie trois causes en s’appuyant sur des études récentes.
La première : le faible taux de littéracie financière. À peine 42 % des gens possèdent des connaissances minimales en finance. « L’univers des services financiers est un véritable capharnaüm, un méli-mélo de sigles et d’acronymes. C’est trop complexe pour le petit investisseur. Il faut faire un gros ménage là-dedans. »
Deuxième cause : la méfiance des clients à l’égard des conseillers financiers. Un préjugé tenace malgré le fait que 83 % des clients ayant un conseiller se déclarent satisfaits. C’est que 41 % de ceux qui n’en ont pas disent ne pas avoir confiance en la profession. « Parce que fortement médiatisés, les quelques moutons noirs causent un tort considérable à l’image du conseiller. Changer une perception, c’est long ! »
Troisième cause : le faible taux d’utilisation du conseil financier : au Canada, seulement 27 % des ménages qui ne sont pas prêts pour la retraite, 49 % des ménages prêts pour la retraite et 30 % de l’ensemble des ménages. « Le conseiller est confronté à une juxtaposition de défis : prouver sa pertinence, se conformer aux normes et règlements de plus en plus nombreux, coexister avec le conseil automatisé, se développer malgré la croissance de ses coûts et la baisse de ses revenus. Les modèles d’affaires sont-ils les bons ? On peut y voir des menaces pour l’avenir de la profession. Moi, j’y vois surtout des occasions d’affaires pour lesquels le conseiller financier dispose de grands atouts. »
Les atouts du conseiller financier
Dans ce contexte de révolution technologique, comportementale et médiatique, les conseillers prouvent leur valeur tous les jours. Toutes les études, dont celles du groupe Cirano, démontrent deux choses : les actifs supervisés par un conseiller financier croissent plus vite que les autres et cette croissance est proportionnelle à la durée. Avec la démographie vieillissante et le transfert de la richesse des baby-boomers à la génération suivante, le défi sera double.
« Vous devez être fiers de ce que vous avec accompli à ce jour ! s’est exclamé Henri-Paul Rousseau. Vous pratiquez un métier noble et valorisant. Vous avez bien rempli votre rôle d’aider les Québécois à vivre en meilleure santé financière. Bâtissez là-dessus. Approfondissez la connaissance de votre client, de ses besoins, de sa psychologie du risque, et personnalisez votre offre. Haussez la barre à l’intérieur de votre profession par la formation de base requise et par la formation continue. C’est ainsi que vous allez faire changer la perception du client et du régulateur. Vous avez tous les atouts pour réussir ! »