Cet article est un Complément au magazine de l'édition d'octobre 2022 du Journal de l'assurance.

 

Pierre Hamel avait une bonne nouvelle à communiquer aux promoteurs de régimes privés en cette 25e année d’existence de la Société de compensation en assurance médicaments du Québec (SCAMQ ou Société de compensation). Directeur général de la SCAMQ, il prévoit que les coûts de compensation baisseront en 2023, ce qui fera diminuer les coûts dans les régimes privés du Québec.

La Société de compensation est née dans la foulée de Loi sur l’assurance médicaments de 1997. Entité sans but lucratif, la Société de compensation relève de l’industrie. Tous les régimes d’assurance collective privés y sont soumis au Québec, et tout assureur ou administrateur de régimes doit y participer. Elle a pour rôle de voir à ce que les assureurs mettent en commun les coûts des régimes qui excèdent les seuils établis chaque année, selon la taille du groupe assuré. La Société de compensation établie également des facteurs annuels : il s’agit de la partie de la prime d’assurance collective facturée à l’employeur qui servira à la mutualisation. Les participants à la mutualisation ayant payé davantage de réclamations seront compensés par ceux en ayant payé moins.

Pierre Hamel rappelle que cette mise en commun reflète le coût des médicaments dispendieux dans les régimes. « Les réclamations pour des médicaments dont le coût est inférieur aux seuils, je ne les vois pas passer. Si les prix de mutualisation augmentent, c’est que le coût des médicaments dispendieux dans les régimes privés a aussi augmenté », explique-t-il. Or, la hausse du coût des médicaments dispendieux ne suit plus la courbe exponentielle que l’industrie a connue, estime le directeur général de la Société de compensation en assurance médicaments du Québec.

« J’ai vu des chiffres préliminaires des actuaires et je ne m’attends pas à ce que les coûts se jouent en haut des seuils en 2023, mais plutôt en bas des seuils », dit M. Hamel. De plus, il ne croit pas que les facteurs annuels bougeront. Il attribue cette bonne nouvelle à l’entrée en vigueur de la transition aux médicaments biosimilaires en avril 2022 dans le régime public québécois entraînera ce mouvement.

Jusqu’à 40 % de moins

Sauf exception, les médicaments biologiques sont remplacés par leur contrepartie biosimilaire depuis le mois d’avril 2022 pour les assurés du régime public québécois. Il s’agit que le médicament biosimilaire correspondant soit inscrit à la liste des médicaments assurés par le régime général d’assurance médicaments (RGAM).

La transition vers les biosimilaires pourrait faire baisser les coûts de 30 % à 40 %, ce qui est majeur ! - Pierre Hamel

Environ 55 000 patients québécois couverts par le régime public d’assurance-médicaments (RPAM) sont visés par cette transition sur les 2,5 millions de personnes assurées par le régime public, avait-on précisé à Québec en février 2022. Le gouvernement entrevoyait alors des économies annuelles de 100 millions de dollars grâce à ce virage.

« L’entrée en vigueur de cette transition vers les biosimilaires en avril 2022 produira son plein effet dans l’industrie privée en 2023. » Pierre Hamel observe que l’industrie a déjà agi en ce sens, optant pour la transition des assurés vers les biosimilaires dans les régimes offerts aux clients. « La transition vers les biosimilaires pourrait faire baisser les coûts de 30 % à 40 %, ce qui est majeur ! »

Autres coûts en vue

L’arrivée de nouveaux médicaments pourrait gâcher cette embellie dans les prochaines années, puisqu’aucun biosimilaire n’existe encore pour les remplacer. « Chaque année, il en arrive un ou deux », remarque Pierre Hamel. En septembre 2021, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a confirmé l’ajout du médicament Trikafta à la liste des médicaments assurés par le RGAM, à la recommandation de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS).

Ce médicament du fabricant Vertex traite la fibrose kystique de façon plus efficace que ses prédécesseurs, selon M. Hamel. « Le Trikafta n’existait pas il y a un an, et est aujourd’hui en croissance exponentielle. Il remplace trois autres médicaments. Plus de gens y ont accès. Le coût de ce médicament est de l’ordre des 200 000 $ à 300 000 $ par année », signale-t-il. Il est selon lui possible d’avoir une centaine de ces réclamations à mutualiser l’an prochain.

L’arrivée d’un nouveau médicament destiné à une maladie pour laquelle il n’existait aucun traitement peut également provoquer une explosion soudaine des coûts. Ce qui s’était produit avec l’hépatite C il y a quelques années, rappelle le directeur général de la Société de compensation. Il croit malgré tout que la partie se jouera « en bas des seuils » en 2023, grâce à la transition des biosimilaires.

Les nouvelles pilules anticancers pourraient aussi ébranler les régimes privés. « Ces médicaments n’existaient pas avant, et les résultats cliniques de certains d’entre eux démontrent qu’ils sont meilleurs que la chimiothérapie et présentent moins d’effets secondaires », observe Pierre Hamel. De plus, ils s’adressent selon lui à une population importante. « C’est une source d’augmentation des coûts. Pas pour 2023, mais peut-être dans les quatre à cinq prochaines années », croit-il.

M. Hamel croit malgré tout que les seuils et les facteurs annuels de 2023 résisteront à ces poussées sur les coûts dans les régimes privés. La Société de compensation en assurance médicaments du Québec doit faire connaître ses modalités de 2023 vers la fin du mois d’octobre 2022.

Le coût de la mutualisation baissera dans plusieurs entreprises en 2023

La Société de compensation en assurance médicaments du Québec (SCAMQ ou Société de compensation) a fixé à 10 000 $ le seuil de mutualisation d’un groupe de moins de 25 certificats (employés assurés) en 2023. Cela signifie qu’un régime de moins de 25 employés assurés ne devra par exemple assumer que les premiers 10 000 $ d’une réclamation de 50 000 $. L’excédent de 40 000 $ sera mutualisé entre les participants à la compensation, explique Pierre Hamel, directeur général de la SCAMQ.

Dans cet exemple d’un groupe de moins de 25 employés assurés, le facteur annuel d’un employé avec personnes à charge s’établit à 771 $ en 2023 et celui d’un employé sans personnes à charge s’établit à 276 $, soit un niveau identique à celui de 2021 pour ces deux facteurs. Les facteurs annuels demeurent aussi au même niveau chez les groupes de 25 à 49 employés assurés.

Dans les plus grands groupes, les facteurs sont à la baisse, sauf exception. Pourquoi le facteur annuel décroît-il avec la taille du groupe ? La Société de compensation explique qu’un grand groupe est davantage en mesure d’absorber des réclamations élevées, à même la somme des primes ou cotisations versées. Ainsi, plus le groupe compte de certificats, plus le seuil de mutualisation est élevé et plus le facteur annuel est faible.

La Société de compensation établit et valide ses modalités de mutualisation à partir d’un test de raisonnabilité (appelé test de Monte-Carlo) qui se fonde sur plusieurs hypothèses actuarielles. Ces hypothèses tiennent compte des réclamations antérieures, ainsi que du coût et de l’utilisation des médicaments, précise-t-elle.

 (Alain Thériault)