La pandémie de la COVID-19 pourrait accroitre le présentéisme au travail, ont affirmé deux chercheuses en santé et mieux-être au travail lors de webinaires organisés par le Groupe entreprises en santé, auxquels le Portail de l’assurance a assisté.

Le présentéisme est le fait de travailler malade ou d’être présent au travail malgré des symptômes qui devraient amener l’employé à se reposer et s’absenter.

Bien que l’absentéisme soit souvent mis en avant par les organisations qui tentent de le réduire ou de l’éviter le plus possible, le présentéisme pourrait s’avérer plus grave au bout de la ligne, affirme Caroline Biron, professeure titulaire à la faculté des sciences et de l’administration à l’Université Laval.

Une bombe à retardement

Le présentéisme est 2 à 3 fois plus couteux que l’absentéisme qui lui représentait environ 20 milliards de dollars par année en 2012, a mentionné la chercheuse lors du webinaire. Selon elle, le présentéisme agit comme une bombe à retardement. « La personne malade qui travaille maintenant sera probablement en arrêt de travail plus longtemps que si elle s’était absentée et reposée », dit-elle.

Avec la pandémie et le stress engendré par le confinement, huit personnes sur dix ont fait du présentéisme dans la dernière année, affirme Sandra Salvoni, consultante, chercheuse et coach en promotion de la santé et du mieux-être organisationnel,.

Le présentéisme n’est pas associé au manque de motivation, un désengagement ou de la paresse, précise Caroline Biron. Il est souvent fait avec une bonne idée derrière la tête. « Par exemple, on aime son employeur, on a une belle relation avec nos collègues, notre maladie est considérée comme bénigne, ou alors, l’employeur offre la possibilité d’avoir des arrangements flexibles ou de faire du travail moins exigeant lorsqu’on est malade. Ce sont des facteurs positifs de présentéisme », dit-elle.

Les facteurs de pressions professionnels peuvent, par contre, entrainer un sentiment de culpabilité de manquer une journée de travail, surtout lorsqu’on est travailleur autonome, qu’on travaille dans une PME ou encore qu’on ait de la difficulté à respecter nos limites, ajoute-t-elle. La peur d’être submergé par le travail au retour de congé, de subir des répercussions négatives de son entourage au bureau, ne pas se sentir reconnu ou de ne pas se faire remplacer sont d’autres facteurs de pressions qui amène les gens à faire du présentéisme, explique Mme Biron.

Les gens qui travaillent plus de 50 heures par semaine sont à risque de pratiquer le présentéisme, estime Sandra Salvoni. Notamment en raison de la charge de travail, de la pression quant à l’assiduité au travail et à l’anxiété de performance. Les entreprises qui ont une politique de présence au travail peuvent parfois entrainer des effets néfastes, dit-elle.

Pour les travailleurs autonomes, les charges peuvent s’avérer nombreuses. À leur charge de travail s’ajoute les charges émotive mentale et financière visant à maintenir à flot leur carrière.

Souffrir en silence

La majorité des gens qui ont des symptômes du présentéisme n’en parleront pas. Près de 60 % des gens n’iront pas chercher de l’aide malgré la détresse, par peur d’être stigmatisé. « La plupart des gens croient que leurs symptômes ne sont pas assez graves pour aller chercher de l’aide. Là est le problème. Plus l’attente est longue, plus le risque d’épuisement professionnel est grand », dit Mme Salvoni.

Pour l’employeur, la forme la plus importante de reconnaissance est de reconnaitre le changement de comportement chez l’autre. La chercheuse recommande de prendre le temps de s’entretenir avec l’employé. « Faire de l’écoute active et reconnaitre que l’employé en question semble tracassé et qu’on a reconnu ses tracas et son changement de comportement ».

Selon elle, le supérieur doit ouvrir le dialogue, mais aussi respecter que la personne n’est peut-être pas prête à en parler. « C’est la bienveillance qui va aider l’employé qui fait du présentéisme malsain, vers un présentéisme sain », dit-elle.

Pour le bien de son entreprise, le dirigeant doit adopter une position de leader bienveillant. Il doit démontrer une réelle préoccupation face à ce que vivent ses employés et traiter personnellement chacun d’entre eux sans tenter de normaliser les difficultés dans lesquelles ils sont.

Les paroles de bienveillance peuvent être brèves, mais leur écho résonne à l’infini, dit Sandra Salvoni, aussi vice-présidente de la recherche et du développement santé mieux-être organisationnel pour la firme Inpowr.

L’importance des facteurs psychosociaux

Les facteurs d’ordre psychosociaux sont souvent ceux qui importent le plus dans l’absentéisme ou le présentéisme. Par exemple, une charge de travail élevée lorsqu’elle est jumelée à un manque d’autonomie, à un faible soutien social ou à un déséquilibre entre les efforts fournis et la reconnaissance obtenue de la part de l’employeur ou du supérieur immédiat, soit en rapport avec le salaire, l’estime ou le respect, est un facteur susceptible d’imposer un poids sur les épaules d’un employé. Il se sentira ainsi plus facilement dépasser par les événements et sera tenté de pratique le présentéisme ou l’absentéisme, explique Mme Salvoni.

Les conséquences sont similaires lorsqu’il y a un manque de communication de la part de la direction. « Il est toujours question de confiance et de communication dans une entreprise. Et surtout de la qualité de la communication », précise-t-elle.

Actuellement, 54 % des employés songent à quitter leur emploi. Dans 43 % des cas, les employés estiment que leurs employeurs n’ont entrepris aucune mesure pour contribuer à leur bien-être.

Le manque d’interaction social et l’isolement, tout comme la surcharge de travail et le manque de temps pour tout faire nuisent à l’efficacité et au bien-être de l’employé. L’environnement de travail inadapté contribue aussi à l’efficacité et au bien-être de l’employé.

Signes avant-coureurs

Les signes d’une détresse psychologique sont graduels. L’employeur doit donc agir rapidement s’il veut avoir un impact positif sur la situation et minimiser l’impact, l’intensité et la durée des symptômes. Un changement de comportement ou des habitudes normales d’une personne devraient alarmer le supérieur immédiat.

L’attitude négative, la perte de sourire, la baisse de concentration, l’isolement, la mine fatiguée, la passivité, l’appel à l’aide et l’absence sont quelques-uns de ces signes avant-coureurs. Si les signes perdurent plus que deux semaines, il faut prendre des mesures, dit Sandra Salvoni. « D’ailleurs, le manque de concentration est le premier signe à apparaitre et il est aussi le dernier à revenir », ajoute-t-elle.

Types de présentéisme

Il existe différents types de présentéisme.

Lorsque le travail est un refuge pour l’employé, mais que celui-ci y est improductif ou sous-performant, le présentéisme y est décrit comme étant thérapeutique. C’est de ce type de présentéisme dont il est question lorsqu’il y a un retour au travail progressif, notamment.

Le présentéisme dysfonctionnel signifie que la santé et la performance de l’employé sont mauvaises. Cette personne devrait être arrêtée et elle ne devrait pas continuer à travailler, dit la dame. « Dans les deux cas, la santé n’est pas optimale », explique Mme Salvoni.

Dans le cas du présentéisme fonctionnel, il s’agit de l’ajustement des contraintes de la santé et des demandes de performance.

Tandis que le présentéisme excessif signifie que l’employé performe au travail au détriment de sa santé. Cette forme de présentéisme compense parfois des lacunes au niveau de la vie personnelle de l’employé ou caractérise un bourreau de travail.