Québec pourrait mettre en place un service de transport interhospitalier par hélicoptère s’il se base sur l’analyse des besoins qu’a réalisée l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS).
L’implantation d’un service de transport médical par hélicoptère fait l’objet de discussions au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) depuis deux décennies. À ce jour, cette option a toujours été repoussée même si de nombreux hôpitaux québécois disposent d’héliports et que le Québec accuse énormément de retard par rapport aux autres provinces canadiennes et les États américains. Le transport médical par hélicoptère forme pourtant une composante importante d’un système de transport préhospitalier, reconnaît le ministère, qui envisage à nouveau la création d’un tel service.
Au printemps 2019, le MSSS avait confié à l’INESSS le mandat d’identifier les conditions cliniques prioritaires pouvant nécessiter un service de transport médical par hélicoptère (TMH) et d’estimer le volume de personnes qui présentent ces conditions dans les zones de desserte qu’il a établies. Ralenti par la pandémie de COVID-19, il a fallu trois ans pour que le rapport de l’INESSS voit le jour.
Services héliportés offerts au privé
Le Québec possède un service de transport aérien public opéré par l’Évacuations aéromédicales du Québec (EVAQ), mais il dispose uniquement d’avions, pas d’hélicoptère. Le seul service médical héliporté disponible dans la province est offert par le privé. Le principal joueur est Airmedic. Fondée en 2012, cette entreprise dispose d’une flotte d’hélicoptères et d’avions, de personnel médical, de pilotage et d’entretien ainsi que de toutes les infrastructures pour offrir un service d’évacuation et de transport médical aérien. Elle dit avoir investi au-delà de 90 M$ en immobilisations et équipements depuis dix ans.
À ce jour, Airmedic a assuré plus de 10 000 transferts, précise-t-elle. Beaucoup de blessés ou de patients transportés sont des chasseurs, des pêcheurs et des amateurs de plein air. Plus de 70 % des zones éloignées qu’elle dessert se situent dans des territoires autochtones. Ce transporteur médical, qui compte Beneva parmi ses partenaires, vient aussi de renouveler son contrat avec l’EVAQ pour desservir l’Ouest de la province.
Un nouveau joueur privé cherche à se tailler une place dans le même marché, Helico Secours. Il se décrit comme la première coopérative de solidarité spécialisée dans le transport médical aérien et héliporté en Amérique du Nord. Elle a entrepris ses opérations en mars dernier avec deux hélicoptères et prendra bientôt possession d’un autre. Elle compte parmi ses membres supporteurs Beneva et Croix-Bleue. Helico Secours fait de l’évacuation médicale dans des territoires non organisés (TNO), du transfert interhospitalier, de la recherche et du sauvetage pour les gens qui disposent d’un système de détection RECCO, ainsi que du raccompagnement humanitaire. La jeune coopérative s’est notamment vue confier la mission du transport héliporté d’urgence lors de la visite du pape François.
Un transport interhospitalier par hélicoptère
Les experts consultés par l’INESSS affirment que le transfert interhospitalier de patients par hélicoptère optimiserait les bénéfices pour cinq conditions cliniques : en cardiologie, neurologie et neurochirurgie, en néonatalogie pour le transport d’une expertise médicale au chevet du nouveau-né et en pédiatrie pour des cas graves. En revanche, le service serait contre-indiqué ou ne serait pas pertinent pour le transport des nouveau-nés, en obstétrique à moins d’un traumatisme important chez la mère et en pneumologie.
4 zones de desserte pour 44 centres hospitaliers
L’INESSS a identifié quatre zones de desserte héliportée qui rejoint 44 centres hospitaliers à travers la province. Le service pourrait être accessible pour les personnes habitant les régions situées à vol d’oiseau entre 75 km et 275 km de Montréal et de Québec, un rayon qui s’étend à l’est jusqu’à Rimouski, au nord à Dolbeau-Mistassini et La Tuque, au sud à Coaticook et à l’ouest et le nord-ouest jusqu’à Mont-Laurier et Pontiac dans l’Outaouais. Au total, 1 550 patients seraient annuellement admissibles à un transport interhospitalier par hélicoptère.
Pas de recommandations ni de budget
C’est à ce calcul que s’arrête l’analyse et le mandat de l’INESSS. Elle n’a pas établi de budget de démarrage ou d’opérations et ne suggère pas non plus au ministère de la Santé de créer son propre service public ou de donner ce mandat au privé par voie d’appels d’offres.
Le résultat, c’est qu’Airmedic et Hélico Secours sont dans le noir total vis-à-vis des intentions du gouvernement actuel après ce rapport : ira-t-il de l’avant et s’il le fait, demandera-t-il à l’EVAQ de se charger de cette mission en procédant à l’achat d’hélicoptères et en recrutant des pilotes ou, à l’inverse, confiera-t-il cette responsabilité au privé ? Personne ne connaît pour l’instant ses intentions à quelques semaines des élections. La santé formera l’un des enjeux majeurs de la prochaine campagne électorale, mais reste à savoir si, pour les électeurs, l’accessibilité aux soins et aux médecins tient compte de la création d’un service de transfert par hélicoptère qui pourrait bénéficier à 1 500 patients.
Chez Airmedic, on applaudit le rapport de l’INESSS et on espère que le gouvernement offrira ce service interhospitalier, mais on souhaite qu’il le délègue au privé, qui possède déjà les appareils, le personnel, les infrastructures et l’expérience. Difficile de comprendre le choix de partir de zéro alors que le privé dispose déjà des appareils, des ressources professionnelles et pourrait s’en charger avec rapidité, efficacité et peut-être à moindre coût.
Du côté d’Helico Secours, on se réjouit aussi de l’analyse de l’INESSS et de l’intérêt du ministère de la Santé envers un service de transport médical héliporté entre hôpitaux. On croit qu’il pourrait s’agir d’une première étape en vue de la création d’un service médical héliporté plus large qui pourrait intervenir sur le site d’événements ou de tragédies majeures comme cela se fait dans le reste du Canada, les États-Unis et plusieurs pays européens.