Se tailler une place parmi les têtes dirigeantes d’entreprises financières ou technologiques, c’est le double défi auquel les femmes en fintech font face, concluent les panellistes de la discussion sur la diversité et l’inclusion dans le secteur, lors de la plus récente édition du Forum FinTech de Montréal.
La place des femmes reste encore marginale dans les postes de direction ou de cadres. Or, elles représentent 39,8 % de l’ensemble des propriétaires d’entreprises au Québec et plus de la moitié de nouveaux propriétaires, soit 51,4 %, selon l’Indice entrepreneurial québécois 2017.
« Les femmes apportent une richesse à l’industrie, dit Melissa Pauléat, vice-présidente du marketing chez mobeewave. Une diversité de personnes permet une diversité d’idées, de produits et de solutions. »
« Les femmes ne consomment pas les produits financiers ou les technologies mises à leur disposition de la même manière que les hommes », indique Jennifer McDonald chef des opérations chez Mylo.
Selon le rapport annuel mené par la fintech, les femmes ont tendance à utiliser les outils d’épargne de manière plus conservatrice, soit afin de réduire une dette ou d’établir des objectifs financiers atteignables. La somme des objectifs fixés par les femmes est d’ailleurs 42 % inférieure à celle des hommes, selon les données recueillies en 2019 par l’application.
« On arrive à un constat similaire en observant les différentes cultures. Les habitudes de consommation et d’utilisation des produits financiers ne sont pas les mêmes d’une culture à l’autre. C’est pourquoi il important d’avoir un plan d’inclusion dans au sein de son entreprise pour ainsi pouvoir rejoindre tout le monde équitablement », poursuit-elle.
« Il faut penser la diversité autrement qu’un coup de marketing ou pour enjoliver l’image de marque. Il faut que l’inclusion soit intégrée dans le fondement et le corps de l’entreprise. Il faut que le concept s’imprègne dans la culture de l’entreprise, dit Daisy Dedeian fondatrice et responsable du comité diversité et Inclusion chez ch&co. De la diversité, souvent émergent de nouvelles avenues, de nouvelles idées et de nouveaux concepts. »
Penser hors des limites du cadre
Lors du panel, les intervenantes ont exprimé avoir observé une grande diversité au bas de la pyramide hiérarchique. « On le voit quand on recrute. Mais plus on grimpe les échelons, moins il y a une représentativité et plus on se rend compte que les postes de cadre sont occupés par des hommes généralement blancs », dit Mme Dedeian.
Les autres panélistes ajoutent qu’il faut favoriser l’inclusion pour arriver à briser le carcan établi depuis très longtemps. Mais ce n’est pas tout, « il faut aussi encourager et offrir un modèle aux jeunes femmes et aux autres cultures pour favoriser leur rayonnement et leur participation au sein de l’entreprise. Il faut offrir du support et du mentorat aux minorités pour mieux les encadrer dans leur développement, souligner leurs réalisations et encourager les nouvelles générations vers le domaine », dit Valérie Castaigne, vice-présidente, services analytiques de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ).
« Au haut de la pyramide, on ne développe pas de nouvelles technologies ou de produits. Ce qu’on vend ce sont des gens. L’engagement auprès de la diversité revêt donc un critère essentiel en 2019. Cet engagement auprès de la diversité ne peut se produire si elle reste à l’état perception et si on ne fait qu’en parler sur notre site web. Et c’est en fait un problème de promouvoir une telle diversité avant d’y avoir réfléchi et d’avoir mis en place une stratégie de recrutement », ajoute Mme Dedeian.
À la CDPQ, la diversité est une priorité définie comme « stratégique », dit Mme Castaigne. La CDPQ est d’ailleurs l’une des premières compagnies à avoir brisé le plafond de verre en matière d’inclusion et fait partie des sociétés qui possèdent une grande représentativité pour ses postes de directions dans le monde, notamment avec Anita Marangoly George qui occupe le poste de directrice générale en Asie du Sud et en Inde.
« Dans le milieu des fintechs, nous sommes ici pour faire les choses différemment. On croit en l’innovation. Chez Mylo, on croit que les fintechs ont le potentiel de rendre les services d’investissements plus efficace, mais aussi plus inclusif », explique Jennifer McDonald, qui a travaillé à créer des produits financiers pour les femmes dans certains pays d’Afrique alors que beaucoup d’entre elles n’avaient jamais utilisé de compte bancaire.
Pas partout pareil
« De ce que j’ai pu constater au Canada et en Amérique du Nord, la discussion est en général beaucoup plus ouverte que dans d’autres pays. Selon mon expertise, je confirme que les femmes, les différentes communautés ethniques et LGBTQ+ n’ont pas toutes les mêmes opportunités de carrières. En Italie, où je travaillais, les femmes se font encore demander si elles souhaitent avoir des enfants avant de se faire offrir une promotion », mentionne Daisy Dedeian.
« Même si on crée une success-story à Montréal, on ne peut pas se servir de la même recette ailleurs dans le monde même si les cultures sont ressemblantes. Les priorités et la structure de l’entreprise ne sont souvent pas les mêmes dans les autres pays », poursuit la responsable du comité diversité et inclusion chez ch&co.
Les femmes s’entendent qu’un plan d’inclusion qui fonctionne très bien dans un pays ou même dans une région, une province ou un état à de fortes chances de ne pas fonctionner ailleurs. Les réalités sont souvent trop différentes et les cultures hétéroclites. Ce n’est pas une question de ressources humaines, mais du fonctionnement de l’entreprise.
À quoi s’attendre pour la suite
« Il y a clairement un manque de données sur le sujet qui nous empêche parfois de dresser un portrait juste et de planifier l’avenir ou même de mieux comprendre par où on est passé ou par où on s’en va. Une banque de données nous permettrait d’avoir un portrait global de chaque industrie pour mieux bâtir notre stratégie », dit Mélissa Pauléat.
La fintech Mylo dit que « pour que les femmes obtiennent la parité financière avec les hommes, tout doit commencer par un salaire égal pour un travail égal », citant le Rapport 2019 sur les habitudes d’épargne et d’investissement des hommes et des femmes.