Les médecins commettent des erreurs dans leur pratique et un certain nombre d’entre elles ont des répercussions graves sur la santé des patients. Les montants qu’ils ont versés pour dédommager ces personnes ayant subi des séquelles importantes à la suite d’interventions ou de traitements qui ont échoué se chiffrent au Canada à des centaines de millions de dollars. Pour la seule année 2020, l’Association canadienne de protection médicale (ACPM), à laquelle les médecins adhèrent pour leur défense ou pour compenser financièrement les victimes de fautes ou négligences graves, a versé 206 M$ en indemnisations à des patients canadiens. 

L’ACPM n’est pas un assureur. Il s’agit d’une société sans but lucratif en matière de responsabilité médicale qui fonctionne selon un principe de mutualité. Fondée en 1901, elle découle d’un fait survenu en 1896. Un jeune garçon de la région d’Ottawa était tombé d’un arbre et s’était fracturé l’avant-bras. Il avait été pris en charge par un médecin, mais le non-respect de ses directives avait entraîné des complications et la perte de l’usage de son pouce. Le père avait poursuivi le médecin pour négligence.

Deux fois, le médecin avait obtenu un jugement en sa faveur, mais cette affaire l’avait presque ruiné en frais d’avocats et il avait dû compter sur l’appui financier de ses collègues de la profession pour s’en remettre. C’est de cette affaire qu’est née l’Association canadienne de protection professionnelle. Forte de 103 075 médecins à travers le Canada, dont 21 023 du Québec, en 2020, elle soutient activement ses membres dans leur pratique, assure leur défense en cour lors de certaines poursuites ou verse des compensations aux patients pour les fautes médicales qu’elle reconnaît.

« L’erreur étant humaine, un patient peut être victime d’une erreur commise par un médecin. En pareil cas, il est juste que le patient soit compensé. C’est la position que défend, l’ACPM, depuis sa fondation il y a plus de 110 ans », écrit-elle.

Et ces indemnités sont colossales : entre 2015 et 2020, elle a versé 1,1 milliard de dollars à des Canadiens victimes de préjudices en raison d’erreurs cliniques ou de soins médicaux négligents commis par ses membres. Ce montant se ventile comme suit :

L’ACPM en a toutefois les moyens : elle indique dans son rapport annuel 2020 que son actif net s’élevait à 1 444 millions de dollars, en hausse de 264 millions par rapport à 2019. Cet argent provient des cotisations qu’elle perçoit auprès de ses membres, de ses placements et de ses filiales en propriété exclusive, soit La Cour du lac Dow Inc. (qui exerce ses activités sous la dénomination commerciale Saegis) et la Corporation de placements de l’ACPM, qui détient un certain nombre d’actifs investis. Au 31 décembre 2020, l’estimation actuarielle de la provision pour toutes les réclamations en suspens accumulées de l’Association s’élevait à 3 864 millions de dollars, soit une augmentation de 4 millions de dollars par rapport au 31 décembre 2019. 

Les compensations financières accordées aux patients au nom des membres, les frais de justice, les frais d’experts et les contrats d’assurance ont représenté́ 83 % des charges annuelles en 2020, à l’exclusion des variations de la provision pour réclamations en suspens. 

Actions en justice 

En 2020, dernière année où ces chiffres sont disponibles, des erreurs médicales au Canada ont entraîné 732 actions en justice, 4 183 plaintes auprès des organismes de réglementation de la médecin, à l'image du Collège des médecins (CMQ), et 1773 plaintes intrahospitalières.

Le Québec fait bande à part dans ces procédures : des 732 poursuites devant les tribunaux il y a deux ans, seulement 93 ont été entreprises au Québec, contre 365 en Ontario et 176 en Colombie-Britannique/Alberta. Des 206 millions que l’ACPM a versés en indemnités en 2020, 23 millions ont été versés à des patients québécois contre 112 millions en Ontario, province où les jugements dans des histoires de fautes médicales sont historiquement plus généreux qu’ici. 

Au Québec, la plupart des erreurs reprochées aux médecins il y a deux ans ont fait l’objet de plaintes au CMQ, de plaintes intrahospitalières ou adressées à l’organisme payeur, telle que la RAMQ. Quand les patients québécois sont insatisfaits des soins d’un médecin, ils portent d’abord plainte auprès du Collège ou de l’hôpital. L’action en justice vient au dernier rang. Ce faisant, ils se privent d’un important levier de recours, car une victime d’une négligence ou d’une erreur médicale qui veut être dédommagée financièrement par l’Association doit obligatoirement entreprendre une poursuite devant les tribunaux. Même si le Collège ou l’hôpital reconnaissent qu’il y a eu faute d’un médecin, ce n’est pas suffisant pour être compensé par l’ACPM. Il faut déposer un recours judiciaire. 

Par régions canadiennes 

La plupart des causes portées devant les tribunaux canadiens se concluent par voie de négociations et d’accords. En 2020 toujours, 645 dossiers ont été conclus avec des patients : dans 8 causes pour tout le Canada, le demandeur a obtenu gain de cause grâce à un jugement, 29 fois, les juges ont donné raison aux médecins, 259 règlements ont été négociés et conclus et 349 actions en justice ont rejetées ou abandonnées.

L’ACPM ne tient pas de statistiques par provinces, mais par régions canadiennes qu’elle a regroupées. Voici un tableau du nombre d’actions en justice et de plaintes selon ces régions en 2020 :