Le 1er juillet 2013, l’Australie a elle aussi aboli les commissions, allant même plus loin. La loi à l’origine de cette interdiction a aussi réglé la question de la rémunération conflictuelle, un concept qui englobe toute rétribution en argent ou non.« Sur le plan de la rémunération, l’industrie a changé. De nos jours, on autorise très peu de modes de paiement entre un fournisseur, un distributeur et un conseiller », signale Martin Codina, directeur des politiques et des marchés internationaux au Financial Services Council, l’organisme qui représente les gestionnaires de fonds d’investissement et les utilisateurs des conseils financiers en Australie.

L’Australie compte entre 16 000 et 17 000 planificateurs financiers. Leur rôle en tant que principaux fournisseurs de produits et de conseils financiers a cependant été relégué au second plan avec l’arrivée du régime de retraite garanti (appelé Superannuation Guarantee), qui correspond en fait à une contribution de retraite obligatoire versée par l’employeur pour le compte de ses employés.

Contribution de l’employeur

En vertu de ce régime amorcé en 1992, la plupart des employeurs devaient d’abord verser une contribution correspondant à 3 % de leur masse salariale. Cette somme a maintenant grimpé à 9,25 %, et devrait passer à 12 % d’ici juillet 2019. La contribution est prélevée à même la paie de l’employé et, dans certains cas, celui-ci peut l’augmenter.

Dans ce cas de figure, les entreprises dirigent leur contribution au régime de retraite garanti dans une « super caisse de retraite » de leur choix si l’employé ne manifeste pas d’autre préférence. « Un conseiller peut certes recommander à un employé de privilégier un fonds en particulier, mais la plupart des Australiens ne font pas de choix en tant que tel et se retrouvent à contribuer au fonds proposé par défaut », constate M. Codina. Les employés qui placent de l’argent dans la « super caisse » profitent ensuite d’avantages fiscaux.

Comme le précise M. Codina, le rôle du conseiller devient plus important lorsque celui-ci intervient auprès de clients fortunés ou approchant de la retraite. Cela ne les empêche pas de donner des conseils généraux au client qui le désire, allant de l’établissement d’objectifs financiers à la gestion de dettes.

La crise mondiale survenue en 2008 est associée à l’effondrement de nombreuses sociétés de placements. Selon une enquête menée à l’instigation du gouvernement, il y a consensus sur le fait que bon nombre d’Australiens ont alors perdu une grande partie de leurs économies.

Cette situation a peut-être exacerbé le débat entourant l’abolition de la rémunération sous forme de commissions, mais M. Codina affirme que celui-ci était déjà amorcé depuis quelque temps, surtout après l’avènement du régime de retraite garanti.

« On a fait valoir que, dans le cas d’un système obligatoire, il n’était pas indiqué que le conseiller perçoive une commission. On ne pouvait pas justifier qu’il soit ainsi rémunéré pour le simple fait d’avoir dirigé quelqu’un vers un certain fonds, il y a 10 ans, illustre-t-il. Toutefois, si le régime n’avait pas été obligatoire, je ne suis pas sûr qu’on aurait éliminé les commissions aussi rapidement, ou même, qu’on les aurait éliminées tout court. »

En Australie, aucune commission n’est intégrée aux produits financiers en placement depuis le 1er juillet. Toutefois, le conseiller qui vend un produit comme une simple assurance vie dépourvue de toute composante placement peut encore percevoir une commission, assure M. Codina. De nos jours, la plupart des conseillers ne peuvent gagner leur vie autrement qu’en facturant des honoraires à leurs clients, et non en obtenant une rétribution du fabricant du produit – à moins d’être salariés d’une firme, signale Dante De Gori, directeur général, politiques et normes de conduite, à la Financial Planning Association of Australia (FPAA), principale association de planificateurs financiers en Australie. « Le conseiller peut faire part de ses honoraires à chaque client, voire les négocier et s’entendre avec lui, tout comme le client peut les refuser quand bon lui semble s’il trouve une meilleure offre ailleurs », mentionne-t-il en entrevue.

Les répercussions

On a appliqué un droit acquis aux commissions de transactions réalisées avant le 1er juillet, mais rien n’empêche le client de décider de rouvrir une entente ou de faire affaire avec un nouveau conseiller.

Seulement un Australien sur cinq obtient des conseils financiers, probablement à cause du régime de retraite garanti créé au pays, le fameux Superannuation Guarantee, auquel tous les employeurs doivent contribuer à hauteur de maintenant 9,25 % du salaire de leurs employés. Règle générale, les employés se retrouvent dans la « super caisse » de l’entreprise où ils travaillent.

Les clients de cette caisse de retraite peuvent obtenir des conseils à prix abordable, mais il s’agit d’information de nature générale, par exemple sur l’orientation du fonds en matière de placement, explique M. De Gori.

Le travail du planificateur financier s’inscrit dans une démarche globale, mais l’épargnant qui le désire peut obtenir des conseils précis et ciblés, ce qui lui permet en principe de retenir une démarche plus efficace et rentable, ajoute M. De Gori.

Des clients chiches

Le hic, c’est que bon nombre de clients croient à tort qu’ils ne payaient pas un sou avant l’abolition du système actuel, et ils ne sont pas disposés à payer plus de 300 $ environ pour se faire conseiller. Résultat? Les employés à revenus faibles ou moyens pourront trouver que ces conseils leur coutent une fortune, pense M. De Gori. Comme les investisseurs à valeur nette élevée ont toujours été prêts à payer pour obtenir des conseils éclairés, certains conseillers se contentent désormais de ne viser que ce marché. Et bon nombre d’épargnants attendent d’avoir atteint la cinquantaine avancée avant de voir un conseiller.

En 2009, on a mené une enquête sur le problème de la rémunération des conseillers, et c’est à ce moment-là que la FPAA a décidé d’interdire à ses membres de percevoir des commissions, peu importe les conclusions de l’enquête.

« À l’époque, la chose n’a pas été bien accueillie par les conseillers. Ça a été un coup dur pour eux », rappelle M. De Gori. Prenant les choses en main, la FPAA a mis le soutien et les outils nécessaires au service de ses membres, en plus d’organiser des ateliers et de contribuer à la discussion.

Les membres de la FPAA ont compris qu’il s’écoulerait peut-être quelques années entre le moment où ils parlent à un client pour la première fois et celui où ils le conseillent en échange d’honoraires, mais la chose reste possible.

En fin de compte, ils ont progressivement adopté un an avant tout le monde la formule qui leur permet de limiter leur intervention à la prestation de conseils. Les autres ont ensuite dû faire des pieds et des mains pour les rattraper, relate M. De Gori.

De nombreux conseillers qui ont d’abord eu du mal à s’adapter aux honoraires payables à l’acte trouvent que la nouvelle règlementation les aide à agir au mieux des intérêts de leurs clients, affirme M. De Gori. Il aurait pu être possible, par le passé, qu’un conseiller ne fasse pas un sou s’il recommandait à son client de régler ses dettes au lieu d’acheter un produit financier, car il lui fallait réaliser une vente pour être rémunéré.

D’après M. Codina, le marché australien des fonds de communs de placement avait un problème de taille tant et aussi longtemps qu’on essayait de ménager la chèvre et le chou. « D’un côté, l’industrie clamait qu’il était important de se faire conseiller et de faire affaire avec un conseiller financier indépendant; parallèlement, elle payait ledit conseiller, et celui-ci gagnait sa vie en percevant une commission s’il vendait les produits d’un fournisseur. Compte tenu de cette réalité, il était difficile de véhiculer une image de conseillers professionnels et non de simples vendeurs. À un moment donné, il est temps de se décider : veulent-ils être des conseillers professionnels ou des vendeurs? »