ACCAP-Québec a interpellé le ministère de la Santé du Québec sur des solutions qui permettraient de rendre plus équitable le prix que paient pour les médicaments les assureurs privés, par rapport au régime public.

Lors d’une conférence organisée à Montréal le 11 février par l’Association de la retraite et des avantages sociaux du Québec (ARASQ), la présidente d’ACCAP-Québec, Lyne Duhaime, a annoncé un coup d’éclat. Après quelques mois d’existence, le nouvel organisme a réussi à faire apposer 41 signatures de promoteurs de régimes à une lettre qui demande entre autres au ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Gaétan Barrette, de mieux encadrer les honoraires des pharmaciens.

Des frais égaux pour tous

Mme Duhaime a renchéri en profitant de la commission parlementaire qui s’est déroulée le 24 février à Québec sur le projet de loi 81 (Loi visant à réduire le cout de certains médicaments couverts par le régime général d’assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d’appel d’offres). Elle y a demandé en gros que les frais facturés par les pharmaciens soient les mêmes pour tous les Québécois, qu’ils soient couverts par le volet public ou le volet privé du régime général d’assurance médicaments.

Regroupement apparenté à l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, ACCAP-Québec est né dans la foulée de la dissolution du Regroupement des assureurs à charte du Québec (RACQ), à l’automne 2015. Par ces deux actions, ACCAP-Québec reprend le flambeau du RACQ, mais de façon plus nette, a expliqué Mme Duhaime, en entrevue avec le Journal de l’assurance.

« Le RACQ avait été très actif dans ce dossier, mais nous avons pris une position plus ferme que par le passé. Nous demandons maintenant clairement deux choses. Tout d’abord, de la transparence dans la facture des pharmaciens. Ensuite, une diminution de l’écart entre le prix que paient les assureurs pour les réclamations en médicaments et celui que paie le régime public », précise la présidente d’ACCAP-Québec.

L’enjeu était depuis longtemps énorme pour le secteur privé. Il est rendu urgent par l’arrivée croissante de nouveaux médicaments couteux. En commission parlementaire, Mme Duhaime a soutenu qu’un écart s’était creusé au fil des ans, dans le cout des médicaments en pharmacie, selon que la personne est assurée par l’entremise du volet public ou du volet privé du régime général d’assurance médicaments.

« À l’heure actuelle, une personne détenant une couverture au privé paie en moyenne 17 % plus cher que la personne assurée par le volet public, et ce, pour le même médicament servi à la même pharmacie. Cet écart atteint même 37 % pour certains médicaments génériques. C’est profondément injuste pour les Québécois qui ne sont pas couverts par le régime public, soit plus de 60 % de la population », a-t-elle ajouté.

Source de l’écart

La présidente d’ACCAP-Québec croit que la source de cet écart tient principalement aux honoraires professionnels plus élevés que chargent les pharmaciens pour préparer une ordonnance destinée à un assuré du régime privé. De son côté, le Gouvernement impose des tarifs maximum aux pharmaciens, qui chargeront parfois au privé le double, voire le triple des tarifs qu’ils perçoivent du régime public, pour le même médicament et les mêmes services.

Les honoraires des pharmaciens sont établis par entente entre l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) et le ministre. L’honoraire maximal est d’environ 9 $, dit Mme Duhaime, qui ajoute que cette entente est publique.

Une facture plus transparente au privé insufflerait donc de l’équité dans l’équation. La présidente d’ACCAP-Québec a rappelé que Québec demeure la seule province où la facture du pharmacien ne distingue pas le cout du médicament de celui de ses honoraires. « Je me demande combien de Québécois savent que non seulement les honoraires des pharmaciens ne sont pas encadrés, mais qu’ils varient d’une pharmacie à l’autre », a lancé Mme Duhaime lors de la commission parlementaire.

Taxe indirecte

En attendant, tolérer l’écart qu’elle dénonce revient à subventionner indirectement le volet public, par une taxe sur la masse salariale. Cela pourrait se justifier si le volet public était un régime d’assistance, ce qui n’est pas le cas, observe Mme Duhaime.

Sur plus de trois millions de personnes assurées en vertu du régime public pour leurs médicaments, 476 000 reçoivent de l’aide sociale, dit-elle, en se fondant sur les statistiques du régime public au 31 mars 2015. « Les gens qui reçoivent de l’aide sociale bénéficient déjà d’un congé de leurs primes ».

Les 65 ans et plus comptent pour près de 1,25 million des adhérents du régime, dont une grande partie, soit 682 435 personnes, est en assez bonne posture pour ne pas être admissible au supplément de revenu garanti. Les autres adhérents, totalisant 1,8 million de personnes, sont en majorité des travailleurs autonomes.

« L’assuré typique du volet privé est un travailleur syndiqué dont le salaire médian est d’environ 40 000 $. Est-ce normal que cette personne paie ses médicaments plus cher qu’un travailleur autonome, un professionnel ou un administrateur de sociétés qui gagne très bien sa vie, mais qui est assuré au public », s’interroge Mme Duhaime.

La commission réceptive

Outre le ministre Barrette, il y avait autour de la table de la commission des représentants du Parti québécois et de la Coalition Avenir-Québec, a révélé Mme Duhaime. Elle a qualifié de positive l’attitude des diverses parties.

« L’impression générale est qu’il y avait unanimité sur ce que l’on disait. Nous avons eu beaucoup de questions, mais tous étaient d’accord sur le fait qu’il existe un écart préoccupant. Ils ont aussi eu une bonne réaction sur nos demandes de transparence de la facture des pharmaciens. Nous leur avons dit que nous voulions voir sur les factures quels sont les frais, les honoraires et le prix de la molécule. »

En guise de conclusion, ACCAP-Québec a recommandé au ministre de mettre en place un groupe de travail qui aurait le mandat de lui proposer des solutions. Parmi elles, un mécanisme qui permettra de réduire progressivement l’écart entre les honoraires facturés par les pharmaciens aux assurés des régimes privés et ceux facturés au régime public. Mme Duhaime aimerait voir les solutions proposées mises en place avant le rapport du ministre attendu le 1er octobre 2017. Il s’agit du rapport du comité, sur l’impact, pour les assureurs et les régimes privés, des différentes mesures concernant les médicaments et les services pharmaceutiques.

En attendant, ACCAP-Québec continue de recueillir des signatures. Dans sa première salve, l’organisation a recueilli de gros noms : Québecor, BCE, Molson Coors Canada et TC Transcontinental… Les 41 premiers signataires disaient représenter plus de 100 000 personnes. ACCAP-Québec a retenu les services de National pour la suite. La firme de relations publiques s’affaire actuellement à entrainer une deuxième vague de signatures, a confié Mme Duhaime. « On met dit que cela va bon train », a-t-elle ajouté.