Si les assureurs échangeaient plus entre eux sur leurs critères de sélection en automobile, les couts du vol auto seraient bien moindres, croit Aldo Arcaro, consultant et président de la firme Valori.

M. Arcaro est un visage bien connu en assurance de dommages au Québec, ayant œuvré au sein de plusieurs assureurs au fil de sa carrière. Il est notamment le père de nombreux programmes en assurance, dont Aladin, lancé au début des années 2000 alors qu’il travaillait pour L’Union Canadienne. Il est aussi vice-président du conseil d’administration d’Info-Crime.

C’est toutefois à titre personnel qu’il a désiré sensibiliser le Journal de l’assurance à la problématique du vol automobile, un phénomène qu’il a toujours suivi de près. Il dit déplorer que les assureurs ne s’entendent pas sur les systèmes de protection à exiger sur un véhicule donné.

Les consommateurs en sont les grandes victimes

Les variations d’exigences que l’on retrouve d’un assureur à l’autre avantagent les voleurs, dit-il. Les assureurs en sont les victimes. Les consommateurs en font aussi les frais, puisque la facture du vol auto leur est refilée via leur prime d’assurance.

Il souligne qu’il y a 20 ans, les assureurs n’hésitaient pas à partager leurs critères de protection. L’industrie présentait ainsi une réponse uniforme. Il en donne pour exemple la montée des solutions antivol par GPS au milieu des années 1990. Les voleurs savaient qu’ils n’avaient qu’à casser l’antenne sur les voitures pour les court-circuiter. Les assureurs n’ont pas tardé à annuler les rabais qu’ils offraient pour ce type de solutions. La course aux parts de marché a toutefois changé la donne, indique M. Arcaro.

« L’industrie fait sa publicité autour de rabais qu’ils offrent aux consommateurs. C’est correct que les assureurs veuillent gagner des parts de marché. Toutefois, quand on sait qu’un modèle donné de voiture est parmi les plus volés, pourquoi offre-t-on un rabais au client qui le possède ? Le Bureau d’assurance du Canada (BAC) ne cesse de marteler quels sont les véhicules les plus volés. Écoutons-les ! Les assureurs se doivent d’être plus uniformes. Les efforts de ceux qui ont des exigences sont annulés par ceux qui n’en ont pas. »

Les voleurs se parlent !

M. Arcaro prévient l’industrie : les voleurs se parlent. « Ils appellent les assureurs pour voir quelle protection est exigée pour quel véhicule. Quand ils voient qu’il y en a un qui demande moins de protections, ils le ciblent. »

Il signale aussi que la situation affecte les courtiers d’assurance. Lorsque son client subit un vol, ça affecte gravement le ratio de sinistre du portefeuille du courtier. Sa commission contingente s’en trouve amoindrie en fin de compte, dit M. Arcaro. « On n’aide pas à la diminution du vol auto avec les pratiques actuelles. »

Autre pratique que déplore M. Arcaro : les assureurs ne traitent pas de la même façon les automobiles en assurance des entreprises que les autres. « Un propriétaire d’un véhicule Infiniti, qui fait partie des modèles les plus volés, sera obligé d’installer un système de protection sur son véhicule. Or, s’il est propriétaire d’une flotte de véhicule et qu’il décide d’ajouter son véhicule Infiniti à celle-ci, il n’aura plus d’obligations de protection. Ça ne fait pas de sens. Le voleur se fout que ce soit un véhicule commercial ou non. Il veut le véhicule. Peut-on trouver une façon de s’entraider dans l’industrie pour adresser cet enjeu ? »

Être plus agressif envers les voleurs

Il implore ainsi les assureurs de ne pas s’adapter à leurs concurrents quand vient le temps d’établir des critères de protection. « Adaptez-vous aux voleurs ! », dit-il.

M. Arcaro ajoute que l’industrie doit en venir à être plus agressive envers ce type de pratiques. « Il faut se tenir face aux voleurs. Il faut leur faire mal dans leurs poches là où, en ce moment, ils font mal dans nos poches. »

Il rappelle aussi que le vol auto représente 10 % de la prime d’une police d’assurance automobile. « Le consommateur peut-il la ravoir dans ses poches ? C’est décevant ! Il me semble qu’on peut se parler un peu plus sur ce qu’il faut cibler. Tous les consommateurs pourraient ainsi avoir de gros rabais. La situation financière de l’industrie serait aussi bien meilleure. »

M. Arcaro dit aussi mal comprendre la réticence des assureurs en la matière. « Lorsque tu subis un vol chez vous, tu vas barrer tes portes par la suite, tu vas barricader les fenêtres et installer un système d’alarme. En matière de vol auto, l’industrie de l’assurance laisse les portes ouvertes. On voit des assureurs qui n’exigent rien. », dit-il.