Certas Direct, une filiale de Desjardins Assurance, a réussi à faire rejeter une demande introductive d’instance Toyota Crédit Canada après qu’une assurée se soit fait voler son véhicule de location.
En janvier 2019, Toyota avait mis Certas en demeure de lui rembourser 17 000 $, soit la valeur d’un véhicule volé et accidenté un an auparavant. Une demande introductive d’instance avait été déposée au mois de juin suivant.
La décision de la Cour du Québec, rendue le 18 mars dernier, s’est jouée sur la notion du délai de prescription, soit la période de temps pendant laquelle il est possible d’exercer un recours ou une poursuite.
Ainsi, dans ce litige, il était question de la Loi sur les assurances de l’Ontario (LAO) et du fait de prendre en considération ou non la loi québécoise, parce que l’assurée avait transféré son immatriculation au Québec peu de temps avant le vol de la voiture de location. Le délai de prescription au Québec étant de trois ans, tandis qu’en Ontario, il est d’une année.
Les faits
L’assurée, Yulia Lukiyanova, a signé en 2015 un « bail avec option d’achat » pour se procurer une Toyota Corolla de l’année. La transaction s’est déroulée en Ontario, car Mme Lukiyanova y résidait à l’époque.
Elle avait donc souscrit une assurance automobile auprès de Certas, qui comprenait une « assurance de biens couvrant la perte ou le dommage à la voiture et une assurance responsabilité » pour tout ce qui concerne « les conséquences pécuniaires de son obligation de réparer le préjudice causé à autrui par l’usage de la voiture », précise la juge Dominique Gibbens, qui ajoute que Toyota était une « assurée aux termes de la police ».
Dès le 1er janvier 2018, Mme Lukiyanova a transféré l’immatriculation de son véhicule au Québec et a également mis fin à sa police d’assurance, car elle déménageait dans la Belle Province. « Toyota n’en est avisée que le 10 janvier 2018 par la réception d’un avis de Certas daté du 29 décembre 2017 », peut-on lire dans le jugement.
C’est toutefois dans la nuit du 31 décembre 2017 au 1er janvier 2018 que Mme Lukiyanova s’est fait voler le véhicule. Ce dernier a par la suite été impliqué dans un accident de la route et déclaré perte totale.
Toyota a été avisé le « 27 ou 28 février 2018 », et la locataire a cessé à ce moment de faire ses versements à l’entreprise. Ensuite ont suivi la mise en demeure en janvier 2019 et la demande introductive d’instance de Toyota envers Certas en juin 2019.
Deux points de vue
Certas Direct soulignait que d’après la police d’assurance souscrite par Mme Lukiyanova, « les actions et instances contre l’assureur fondées sur le présent contrat doivent être engagées au plus tard dans l’année qui suit la survenance du sinistre en ce qui concerne la perte de l’automobile ou les dommages qui lui sont causés ».
De plus, l’assureur a affirmé que la LAO « prévoit aussi un délai de prescription d’un an en ce qui concerne l’action pour pertes ou dommages à un véhicule automobile », peut-on lire dans le jugement.
Or, cela a été contredit par le fabricant automobile. Ce dernier expliquait que l’article 252 de la LAO « empêche un assureur ontarien de faire valoir un moyen de défense qu’il ne pourrait invoquer si la police avait été souscrite au Québec ».
Ainsi, d’après Toyota, parce que le délai de prescription au Québec est de trois ans, Certas ne peut invoquer celui d’un an.
L’assureur a réfuté cet argument, en soulignant que l’article 252 ne concerne que les réclamations basées sur la responsabilité, « alors que le recours en instance est fondé sur l’assurance de biens visant la perte ou les dommages au véhicule automobile assuré ».
Un ou trois ans ?
« Le Tribunal est d’avis que tout droit d’action auquel Toyota aurait pu prétendre à l’encontre de Certas était prescrit au moment de l’introduction du recours en l’instance », écrit la juge Dominique Gibbens dans son jugement.
Cette dernière a donné raison à l’assureur, en affirmant que l’article 252 de la LAO ne concerne que les réclamations en « assurance responsabilité ».
Selon la juge, « la réclamation de Toyota en l’instance est fondée sur l’assurance de biens pour la perte ou les dommages à la voiture », faisant en sorte que la loi québécoise n’est pas prise en compte et qu’un délai de prescription d’un an s’applique.
« Puisque le recours a été introduit 17 mois après la date du sinistre allégué et 15 mois après la date à laquelle Toyota soutient avoir été avisée du sinistre, il est clairement prescrit ».