C’est en jouant bien leurs rôles d’accompagnateur et de conseiller qu’assureurs et courtiers réussiront à faire valoir leur valeur ajoutée en assurance aux entreprises. C’est ce qu’ont affirmé deux ténors du Québec inc., lors de la récente Journée de l’assurance de dommages 2013.
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) mène périodiquement un sondage auprès de ses membres pour connaitre leurs préoccupations : le Baromètre mensuel des affaires. En février 2013, les couts reliés à l’assurance faisaient partie des principales pressions vécues par les entrepreneurs, en quatrième position.
De plus, le Baromètre montre que l’assurance est une préoccupation constante chez les entrepreneurs canadiens. Au cours des quatre dernières années, l’assurance faisait partie des préoccupations d’au moins le tiers d’entre eux, dit Martine Hébert, vice-présidente, Québec, de la FCEI.
La FCEI a aussi sondé spécifiquement ses membres pour savoir quels étaient les défis relatifs à l’assurance. « La question du langage et des notions complexes est importante. Les entreprises de très petite taille n’ont pas un département de comptabilité ou une batterie d’avocats comme les grandes entreprises pour les aider », dit Mme Hébert.
Elle prend en exemple la règle proportionnelle associée à certains contrats, qui peut être difficile à interpréter pour certains entrepreneurs. Elle en a cité une particulièrement complexe, tirée d’un contrat en assurance aux entreprises : Par rapport à la valeur et au jour du sinistre des biens garantis, l’assuré est tenu de maintenir une assurance concordante avec la présente assurance et d’un montant au moins égal au produit de ladite valeur multiplié par le pourcentage de la condition particulière stipulée de l’article en cause, à défaut de quoi il suppose une part proportionnelle des dommages à l’insuffisance.
« Marcel, mon garagiste à St-Pie-de-Bagot, doit se gratter le dessus de la casquette, en se demandant ce que ça peut bien vouloir dire. La question du langage complexe, c’est inhérent à l’industrie de l’assurance. C’est un défi », dit Mme Hébert.
La volatilité des prix en assurance est un autre défi pour l’industrie, selon la vice-présidente, Québec, de la FCEI. « Les gens d’affaires aiment ce qui est stable et prévisible. Quand on considère que les deux tiers des entreprises ont un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 $, on peut tout de suite comprendre qu’une hausse importante des couts d’assurance sur une année peut avoir un impact important pour elles », dit-elle.
Autre défi : la sous-assurance, soit comment déterminer la bonne valeur à assurer et choisir la bonne couverture. « Les PME ont besoin d’information. On peut faire un petit bout pour les aider, mais nous ne sommes pas les spécialistes dans le domaine », dit-elle.
Les solutions
La FCEI a publié, en 2007, un guide sur l’achat d’assurance à l’intention de ses membres, dans lequel certains éléments de réflexion avaient été soumis aux entrepreneurs canadiens. Il a été fait de concert avec le Bureau d’assurance du Canada (BAC) et l’Association canadienne des courtiers d’assurance (IBAC).
La FCEI y soumet certaines suggestions, notamment celle de prévoir le cycle du marché et de demander de l’information sur ce sujet à son courtier ou agent, car ceux-ci détiennent cette information et peuvent la communiquer à l’entrepreneur.
« On leur recommande aussi de devenir un compte convoité et de positionner l’entreprise comme un bon risque, en faisant valoir ses atouts à l’assureur. Quelles sont les politiques, procédures, pratiques et aspects favorables qui seraient importants que votre assureur connaisse ? », dit Mme Hébert.
La FCEI recommande aussi à ses membres d’être exhaustifs et concis lors de leur renouvèlement. « On leur suggère de rédiger une demande facile à lire et à comprendre. Il ne faut pas que ce soit une thèse de doctorat. On leur dit aussi d’être proactifs, lorsqu’il y a des changements qui surviennent dans l’entreprise », dit Mme Hébert.
Améliorer la gestion des risques et de la sécurité est une autre avenue à envisager pour les entrepreneurs, croit Mme Hébert. « Il faut bien la communiquer dans son entreprise, mais aussi aux assureurs. C’est important », dit-elle.
Les entrepreneurs ont aussi avantage à bien établir la valeur de leurs biens, en cherchant à obtenir une évaluation exacte de leurs actifs. « C’est quelque chose qu’on conseille de faire, mais les entreprises ne sont pas nécessairement capables de le faire elles-mêmes. On invite aussi les entrepreneurs à repérer et évaluer les risques, à investir en sécurité et prévention et à transférer le risque, lorsque c’est possible. Ce sont des choses qui peuvent se rentabiliser très vite », dit la vice-présidente, Québec, de la FCEI.
Selon Mme Hébert, les attentes des entrepreneurs envers l’industrie de l’assurance de dommages ont trait à trois éléments. Tout d’abord, elles visent les primes concurrentielles, stables et prévisibles.
« Le meilleur conseil qu’un agent ou un courtier pourrait donner à un entrepreneur est de lui faire comprendre qu’il est certain que les couts de son assurance vont fluctuer. Qu’il y aura des années où ça sera mieux, et des années où ça sera moins bien. La question du budget pour les assurances doit être considérée comme celle de l’électricité. C’est le message qu’on tente de faire passer aux entrepreneurs. Garder son budget d’assurance toujours au même niveau demeure le meilleur moyen de se prémunir contre les montagnes russes liées aux aléas du marché, lorsqu’ils deviennent moins bons », dit-elle.
Les entrepreneurs veulent aussi un courtier ou un agent qui les aidera à trouver le niveau de protection adéquat. Il s’agit là d’un élément capital, selon Mme Hébert, car le professionnel en assurance de dommages les aidera à comprendre leurs besoins et leur protection, par la suite. « L’entrepreneur est souvent un homme qui travaille seul, ou alors avec un membre de sa famille qui l’aide. Il se retrouve complètement démuni devant la question de l’assurance », dit-elle.
Mme Hébert ajoute que le rôle d’accompagnement auprès de l’entrepreneur doit aller au-delà de la vente du produit et de son cout. « C’est particulièrement vrai pour le petit entrepreneur. Il est souvent démuni et ne comprend pas ce qu’il achète. Souvent, quand un entrepreneur voit que des courtiers font affaire avec un seul entrepreneur, il se questionne quant à la valeur ajoutée que celui-ci amène. Il est important de faire valoir cette valeur ajoutée auprès des entreprises, car il y en a une », dit-elle.
Dernière attente : un langage moins complexe et accessible à tous les propriétaires de PME. « Toutes les entreprises sont différentes au Québec. Ce qu’on veut que nos membres retiennent, c’est qu’ils fassent une gestion adéquate des risques. Ça va s’avérer des plus payants pour eux. Ils s’attendent à des couts d’assurance raisonnables, mais aussi à avoir l’aide complète d’un professionnel pour comprendre de quoi il en retourne », dit Mme Hébert.
Un rôle particulier
Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat du Québec (CPQ), a travaillé cinq ans au sein d’un assureur de personnes. Il se rappelle une comparaison qu’il faisait à l’époque avec des collègues : l’assurance de personnes est un produit qui se vend, alors que l’assurance de dommages est un produit qui s’achète.
« C’est une grande différence. Les gens en assurance de dommages, tant le manufacturier que l’intermédiaire ont donc un rôle particulier qui est celui de bien accompagner les entrepreneurs dans l’évaluation des besoins, et d’y trouver une solution », dit-il.
Pour M. Dorval, l’assurance revêt une importance particulière pour les grandes entreprises parce qu’elle contribue à la gestion des risques. « Qu’est-ce que ça veut dire pour eux ? Ils vont commencer par faire une liste des principaux risques et l’impact qu’ils ont. Il s’agit d’éliminer les risques, mais aussi de les atténuer et de mitiger leurs impacts. Pour nos membres, la spécialité des assureurs est d’externaliser les risques. C’est une job extraordinaire, car il y a des risques dans tous les domaines. La minute qu’il y a plus qu’une entreprise qui vit le même risque, il y a tout de suite un avantage pour l’assureur. Il peut mutualiser ce risque et faire en sorte d’offrir une composante. L’assurance représente une valeur intrinsèque pour toutes les organisations », dit-il.
Démontrer sa valeur ajoutée
Comment l’assureur peut-il démontrer sa valeur ajoutée ? Selon M. Dorval, l’assureur doit considérer la possibilité que des entreprises différentes puissent être confrontées aux mêmes risques. Il y a aussi de bonnes chances que ces risques similaires soient présents ailleurs dans le monde, dit-il.
« Dans une économie globale, il faut voir comment on peut accompagner les gens qui voyagent : dans leurs opérations ou leurs responsabilités ? Ça devient particulier. On peut prendre en exemple le risque de réputation.
Les valeurs peuvent être différentes d’un pays à l’autre. Il faut le prendre en considération. Néanmoins, quand c’est bien fait, on peut en retirer des bénéfices et les appliquer ici. C’est vrai aussi en assurance », dit M. Dorval.
Il mentionne aussi que les occasions sont infinies pour les assureurs. « Il y a des risques et, parfois, ils ont besoin d’être externalisés. Les assureurs ont des possibilités infinies. C’est assez extraordinaire d’œuvrer dans un tel domaine. Il reste à faire une bonne analyse de ces possibilités », dit le président du CPQ.
Selon M. Dorval, le plus gros défi des intermédiaires en assurance de dommages, c’est de démontrer leur valeur ajoutée. « Les perceptions ne sont pas compliquées. Quand on fait affaire avec une certaine liste de fournisseurs, les gens estiment que vous n’avez pas nécessairement couvert l’ensemble des possibilités, et que vous avez probablement une rémunération attachée au volume attitré au nombre de polices vendues auprès de tel ou tel fournisseur. Ce sont des dangers. La réalité, c’est que les courtiers et les analystes sont essentiels pour avoir une distance par rapport au fournisseur et pour accompagner le client », dit M. Dorval.
L'importance de la concurrence
Il précise toutefois que la concurrence est meilleure quand elle jouée de toutes les façons, comme c’est le cas actuellement. « Ça fait qu’il y a un rôle important à jouer par des spécialistes, tels des courtiers et des compagnies spécialisées. Il y a aussi des rôles pour les compagnies plus généralisées. Ça présente des avantages et des inconvénients, mais tout dépend des besoins de l’entreprise. Ultimement, c’est la relation de confiance qui va s’établir entre les différents partenaires qui va faire la différence », dit M. Dorval.
À son avis, les entrepreneurs sont à la recherche d’un processus rapide et transparent. « La transparence est une chose très importante, aujourd’hui. Si on prend l’exemple des fonds communs ou la gestion des caisses de retraite, l’accent n’est plus uniquement mis sur le rendement. La gestion des couts d’administration entre aussi en ligne de compte. Il s’agit de voir quelle est la valeur ajoutée du service donné, en fonction de cette administration et des impératifs que le fournisseur va avoir », dit-il.
Avoir une attitude constructive pour bâtir une relation gagnante jouera aussi en faveur des assureurs et des intermédiaires, selon M. Dorval. « Il faut que tout le monde y trouve son intérêt : entrepreneur, assureur et intermédiaire. Si on ne le trouve pas, la relation ne sera pas gagnante pour personne », dit-il.
Le président du CPQ note aussi que le secteur de l’assurance a tout intérêt à tirer parti des occasions d’affaires en émergence. Il cible notamment l’assurance responsabilité des administrateurs, entre autres pour les risques en matière de gouvernance et d’éthique.
« En matière de réputation, il y a de plus en plus de besoins. Siégeant sur quelques conseils d’administration, je donne de la formation aux gens à cet effet. La première question qu’on me pose a souvent trait au type de couverture offert par un conseil d’administration. De plus en plus, ça devient une question importante. Il y a là un champ d’intérêt pour le secteur de l’assurance », dit-il.
La mondialisation du partage des risques présente aussi des occasions intéressantes, croit M. Dorval. « Une des choses importantes à faire pour l’assureur et l’intermédiaire est de voir comment amener l’entrepreneur à diminuer son exposition aux risques à l’interne », dit-il.
Il donne en exemple la mise en place d’un programme de responsabilité sociale, appliqué lors de l’une de ses expériences de travail. « Ça avait amené, de façon très claire, les différentes parties prenantes à prendre en main plusieurs obligations en termes d’éthique et autres. Le fait d’avoir mis en place un processus de responsabilité sociale vérifié par une firme extérieure réduisait les risques », dit-il.
Il donne aussi en exemple le secteur agricole, avec le concept de traçabilité. « Si, un jour, une entreprise agricole cause des dommages à cause d’une bactérie qui s’est développée dans ses murs, elle s’expose non seulement à un risque très important, car ça peut impliquer des rappels de ses produits, mais aussi à des poursuites. Plus l’entrepreneur mettra en place un processus robuste, plus il pourra faire un contrôle de la qualité. Normalement, le cout d’assurance s’en verra réduit parce qu’à la fin, le risque va être moins grand », dit-il.
M. Dorval souligne que l’entrepreneur a souvent le réflexe d’externaliser un risque, lorsqu’il a un moyen pour le faire. « Là où le partenariat peut être intéressant, c’est lorsque le partenaire assureur amène l’entreprise à dire qu’elle peut baisser sa facture si elle diminue son exposition aux risques. Pour la compagnie, il n’y a pas de pertes financières, car moins il y a d’exposition aux risques, mois elle va débourser. Elle va renforcer son lien d’affaires avec le client, et la compagnie va avoir montré sa valeur ajoutée », dit-il.
Selon M. Dorval, le rôle-conseil que jouent l’assureur et le courtier ne doit pas se limiter au paiement d’une prime en échange de la couverture d’assurance. « La valeur ajoutée va au-delà de ça. En tant que fournisseur, il doit voir comment aider l’entrepreneur à réduire ses couts sans enregistrer une perte. Cette relation sera analysée selon le cout, d’une manière ou d’une autre. Ultimement, tout le monde en sortira gagnant », dit-il.
Les critères des entrepreneurs pour choisir un assureur
Le Conseil du patronat du Québec a récemment sondé quelques-uns de ses membres pour connaitre quels sont les critères qu’ils utilisent pour choisir un assureur.
« La solidité financière et la solvabilité sont probablement des éléments plus importants pour la très grande entreprise que la petite. Vient ensuite le rapport qualité-prix. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut évaluer de façon tangible, mais c’est un élément qui sera évalué », dit son président, Yves-Thomas Dorval.
La vraie évaluation du représentant repose sur le service à la clientèle et la valeur ajoutée qu’il peut donner, dit le président du CPQ. « Malheureusement, en assurance, c’est quand un sinistre survient que cette ultime évaluation va se produire, soit lorsqu’il y a une conséquence, dans un cas qui n’est pas facile. D’ailleurs, c’est le métier d’un assureur d’être là quand arrive une conséquence négative et de faire en sorte que le client puisse passer au travers de cette situation de la meilleure façon possible. C’est là qu’on peut aller chercher l’essence de l’assurance, et non pas en la voyant comme une institution financière qui doit générer des profits. La valeur ajoutée, on la voit dans le comment il va se comporter par rapport à cela », dit-il.
La réputation comme payeur lorsque des évènements surviennent est un autre critère utilisé par les grandes entreprises pour choisir un assureur. « Ça peut être pris à double sens. Si l’assureur paie trop vite, les gens vont penser que leur prochaine facture leur coutera plus cher. En plus, si l’assureur paie à tout vent sans faire d’analyses ou de tri, c’est la facture de tous qui sera touchée. Malgré tout, s’il y a toujours des problèmes quand vient le temps de rembourser quelque chose, c’est un problème. Ça l’est moins dans la grande entreprise, puisqu’elle peut regarder le tout de façon globale, mais c’est quand même présent », dit M. Dorval.
Autre critère : la capacité de l’assureur d’agir comme partenaire financier de l’entreprise. « De plus en plus, on voit de la spécialisation et du regroupement dans les grands groupes financiers. Ultimement, tout se jouera autour de la facture. Souscrire un prix plus bas lors du renouvèlement et l’augmenter par la suite peut fonctionner au début, mais ça ne fonctionne pas très longtemps. Les assureurs ne doivent pas vendre de polices à rabais. Nous sommes dans une économie de développement durable. La durabilité fait en sorte qu’on ne peut pas jouer avec ça trop longtemps, car notre réputation est alors en jeu. Dans le domaine financier, la réputation, c’est ce qu’il y a de plus important », rappelle le président du CPQ.