Le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, a déposé son budget 2022-2023 le mardi 22 mars. Il prévoit un solde budgétaire déficitaire de 6,1 milliards de dollars (G$) après l’utilisation de la réserve de stabilisation de 1,2 G$, laquelle sera épuisée au 31 mars 2022. 

Au sens de la Loi sur l’équilibre budgétaire, cette réserve de stabilisation atteignait 12,4 G$ au 31 mars 2020, grâce aux surplus budgétaires accumulés depuis 2015. Près de 10,8 G$ ont été utilisés en 2020-2021, durant la première année de la pandémie de COVID-19. 

Pour l’année qui se termine le 31 mars 2022, le déficit du Québec comprend un versement de près de 3,5 G$ au Fonds des générations, de même que les 3,2 G$ qui seront remis en crédits d’impôt à 94 % des contribuables pour combattre l’inflation.

Main-d’œuvre et immigration 

Le discours du budget comprenait plusieurs mesures pour contrer la rareté de la main-d’œuvre qui frappe tous les secteurs d’activité. Éric Girard avait déjà annoncé plusieurs mesures à cet égard lors de sa mise à jour budgétaire en novembre dernier. 

Améliorer les qualifications de la main-d’œuvre contribue à la vigueur de l’économie, estime le ministre Girard. Il annonce un investissement de plus de 2,8 G$ sur cinq ans en éducation et en enseignement supérieur. Plus de 1,5 G$ iront au soutien de la réussite et de la persévérance scolaire et près de 1,3 G$ seront consacrés à améliorer l’accès et la diplomation aux études supérieures. 

Le gouvernement prévoit 290 M$ sur cinq ans pour favoriser l’intégration en emploi des personnes immigrantes. Pour favoriser l’attraction des immigrants en région, il ajoute 80 M$ sur quatre ans pour réduire les frais de scolarité des étudiants étrangers qui font des études collégiales ou universitaires. Le gouvernement promet aussi d’accélérer le traitement des demandes d’immigration et près de 12 M$ sont prévus sur cinq ans à cette fin. 

Recherche et innovation 

Le ministre Girard ajoute 1,3 G$ pour la mise en place de la nouvelle Stratégie québécoise de recherche et de l’innovation (SQRI) pour la période 2022-2027. 

Le gouvernement ajoute une enveloppe de 600 M$ pour soutenir la création et la croissance d’entreprises innovantes, soit 500 M$ qui seront réservés à des fonds de capital d’investissement et 100 M$ pour le programme Impulsion PME. 

Les crédits d’impôt à la recherche et au développement (R&D) offriront un soutien de plus de 2,7 G$ pour la période 2022-2027 et profiteront à environ 4 000 entreprises. Le crédit accordé pour les PME correspond à 30 % des dépenses admissibles en R&D, comparativement à 14 % pour les grandes entreprises. 

Impôts des sociétés 

Les revenus provenant des impôts des sociétés ont atteint 12 G$ en 2021-2022, en hausse de 34 % comparativement à l’année précédente. Ils seront en baisse de 9,2 % en 2022-2023 et l’année prochaine, à 10,9 G$.

Cette évolution est influencée par la variation prévue de l’excédent d’exploitation net des sociétés, en partie soutenue par les mesures gouvernementales de soutien. Elle reflète aussi les mesures de réduction du fardeau fiscal mises en place depuis quatre ans, notamment la baisse du taux d’imposition des PME annoncée il y a un an. 

Solde budgétaire 

Pour l’année qui commence le 1er avril, Éric Girard prévoit un déficit de 6,5 G$, incluant un versement de près de 3,5 G$ au Fonds des générations. Le déficit structurel qui était estimé à 6 G$ il y a un an est désormais limité à 3 G$. 

La dette brute du Québec au 31 mars 2022 s’établira à 43,1 % du produit intérieur brut (PIB), soit à un niveau inférieur par rapport à l’objectif de 45 % établi dans la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations. Ce ratio devrait atteindre 41,9 % dans quatre ans. 

Par contre, l’autre objectif qui vise à ne pas excéder la barre de 17 % du PIB pour la dette représentant les déficits cumulés ne sera pas atteint. Il est prévu que ce ratio soit de 19,2 % au 31 mars 2026. 

Revenus et dépenses 

Les revenus de l’État ont atteint 135 G$ en 2021-2022, soit une hausse de 10,5 % sur l’année précédente. Le ministre Girard prévoit une hausse plus modeste (2,2 %) pour l’année qui vient. 

Les revenus autonomes du gouvernement, en excluant ceux des entreprises étatiques, ont augmenté de 9,4 G$ (10,3 %) de plus que prévu en 2021-2022, grâce à la reprise économique plus forte qu’anticipée il y a un an. La croissance du PIB nominal en 2021 a atteint 5,3 % au Québec. 

Si les revenus ont grimpé en 2021-2022, les dépenses ont suivi avec une hausse de 14,5 % en un an, à 130 G$. Le gouvernement prévoit une hausse de 4,8 % des dépenses en 2022-2023, une augmentation similaire à celle du service de la dette, lequel atteindra 8,9 G$. 

Réactions des milieux d’affaires 

Les réactions des milieux des affaires soulignent le problème récurrent de la rareté de la main-d’œuvre et les mesures insuffisantes annoncées par le ministre Girard pour relever ce défi. 

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) constate que le ministre Girard n’a pas prononcé le mot PME lors de son discours et que ce terme apparaît seulement deux fois dans son plan budgétaire de 470 pages. « Si l’on veut poursuivre la croissance économique à court, moyen et long terme, il est urgent de répondre aux enjeux des PME, ce que le budget ne fait pas », indique François Vincent, vice-président pour le Québec de la FCEI. Le budget Girard n’aide pas les PME à régler les enjeux que sont la pénurie de main-d’œuvre et le fardeau fiscal des entreprises, ajoute la FCEI. 

Du côté de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), le PDG Charles Milliard estime aussi que des mesures supplémentaires auraient nécessaires pour répondre à la rareté de la main-d’œuvre. La FCCQ souligne l’effort de l’État en matière d’intégration des personnes immigrantes. 

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) déplore lui aussi que le gouvernement omette de relever à court terme le défi de la pénurie de main-d’œuvre. Parmi les mesures absentes, le CPQ cite les besoins de formation en entreprise et la nécessité d’accroître le bassin de travailleurs, notamment des incitatifs au travail et au prolongement de la vie active, de même l’accompagnement des entreprises dans l’embauche de travailleurs étrangers temporaires. Karl Blackburn, PDG du CPQ, voit d’un bon œil les mesures visant à augmenter la productivité, stimuler l’investissement en nouvelles technologies et l’innovation.

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) souligne l’importance de pallier la pénurie de main-d’œuvre et d’éviter des mesures susceptibles d’alimenter l’inflation. Selon son président Michel Leblanc, le gouvernement aurait dû concentrer ses interventions pour lutter contre l’inflation sur les citoyens les plus vulnérables. Il estime que le gouvernement doit assurer un suivi pour déployer l’Opération main-d’œuvre présentée lors de la mise à jour de l’automne 2021 et décaisser plus rapidement les sommes prévues dans ce programme.