Les pharmaciens qui ont lancé une offensive médiatique soulignant l’utilité des services qu’ils dispensent ont été entendus par les assureurs. Loin de leur fermer la porte, ces derniers se disent ouverts à la discussion, mais à certaines conditions.Dans une sortie publique en début d’année, l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) avaient réclamé que les services supplémentaires qu’ils offrent aux assurés soient remboursés par les assureurs du secteur privé. Ils alléguaient que les coûts en soins de santé diminueraient de façon substantielle s’ils offraient des services de pharmacothérapie initiale, des opinions pharmaceutiques, des consultations poussées avec suivi.
Le régime public, géré par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), offre d’ailleurs le remboursement de ces services aux pharmaciens qui les dispensent. Une raison de plus, pense l’AQPP, pour que le secteur privé se penche à son tour sur la question.
De leur côté, assureurs et consultants conviennent que le rôle des pharmaciens dans le système des soins de santé est majeur et que leur contribution ne peut qu’aider à réduire les coûts, y compris ceux des médicaments, Richard Bell, PDG de SSQ Groupe financier, dit toutefois qu’il faudra entamer des négociations avant de rouvrir le débat sur l’ajout des services cognitifs ou des opinions pharmaceutiques dans le panier des régimes collectifs. Il dit ne pas comprendre pourquoi l’AQPP refuse d’offrir des conditions identiques aux assurés du secteur privé et du secteur public. Il rappelle que ce sujet revient sur le tapis de manière cyclique depuis des années.
« La RAMQ a signé une entente définissant les honoraires des pharmaciens lorsqu’ils remplissent une prescription. Ce n’est pas le cas au privé. Les honoraires sont invisibles. Ils ne figurent nulle part et font partie de l’ensemble de la facture que reçoivent les assureurs », déplore M. Bell.
Le PDG de SSQ se dit prêt à négocier avec les pharmaciens, mais que la question des honoraires qu’ils touchent devra aussi faire partie des discussions. « Je serais très ouvert à négocier avec les pharmaciens si l’on négocie tous les honoraires. On ne peut pas négocier des honoraires pour des services si on ne négocie pas ceux visant à remplir la prescription », note-t-il.
Même son de cloche à La Capitale. Mario Cusson, vice-président, assurance collective, serait prêt à ouvrir la porte aux pharmaciens s’ils acceptaient de revoir leurs honoraires. « On doit revoir le fonctionnement actuel. Il y a eu des démarches auprès du gouvernement pour que les maximums appliqués à la RAMQ soient aussi appliqués aux assureurs. Jusqu’à présent, le gouvernement ne s’en est pas mêlé. C’est à nous de discuter des options possibles avec l’AQPP », dit-il.
Johanne Brosseau, conseillère principale, gestion de la santé, pour le Groupe-conseil Aon, déplore que les pharmaciens parlent d’un manque d’ouverture de la part des assureurs privés, alors que de leur côté, ils n’ont jamais voulu revoir leurs honoraires. Elle croit qu’avec des conditions similaires à celles de la RAMQ, le remboursement des services cognitifs offerts par les pharmaciens serait envisageable.
« Par contre, tout comme à la RAMQ, quand on ouvre la porte à des services cognitifs comme ceux-là, on va vouloir avoir le même pouvoir d’audit. On va vouloir voir la qualité de l’intervention », prévient-elle.
Couverts et peu utilisés
En 2007, selon des données publiées par la RAMQ, la Régie a reçu quelque 34 772 demandes de remboursement pour des opinions pharmaceutiques. Ce qui signifie qu’en moyenne, chaque pharmacien de la province a émis 19,5 opinions pharmaceutiques en 2007. Il s’agit d’une baisse de 0,9 % par rapport à l’année précédente.
Selon Johanne Brosseau, ce sont toujours les mêmes pharmaciens ou presque qui émettent une opinion pharmaceutique à leurs clients. « Une faible minorité génère la majorité des suivis. Je pose la question aux pharmaciens: vous avez 50 % de la population pour laquelle vous êtes rémunérés pour rendre ces services. Pourquoi est-ce qu’il n’y en a pas eu plus que ça qui ont réclamé des services cognitifs? Qu’est-ce que les membres de votre profession attendent? » demande-t-elle.
Richard Bell croit que les pharmaciens facturent déjà ces services dans les honoraires qu’ils envoient aux assureurs privés. De plus, il estime que si peu de pharmaciens envoient leur facture à la RAMQ, cela ne les empêchent pas de donner une opinion pharmaceutique lorsque nécessaire.
« J’ose croire que quand les pharmaciens ont un service professionnel à donner, ils le donnent. Je ne sais pas pourquoi ils ne réclament pas leur rémunération à la RAMQ, mais mon opinion, c’est qu’ils donnent des services. Dans le cas des assureurs privés, je pense que c’est inclus dans l’honoraire moyen qu’ils nous facturent pour l’ensemble de la clientèle plutôt que de facturer pour un client en particulier », dit-il.
Nul doute pour Johanne Brosseau que si les pharmaciens créaient une méthodologie d’évaluation des impacts des services cognitifs dispensés en collaboration avec la RAMQ, ils seraient mieux équipés pour convaincre les assureurs privés du bienfait de leurs interventions. « Je ne nie pas les services à valeur ajoutée que les pharmaciens peuvent offrir. Au contraire, je suis la première à reconnaître que le pharmacien est dans une position clé pour améliorer la consommation de médicaments. C’est une raison de plus pour entamer des négociations », souligne-t-elle.
Desjardins Sécurité financière (DSF) n’a pas voulu commenter la situation pour le moment. Christiane Côté, conseillère en communications, a tenu à préciser que DSF préférait ne pas se prononcer sur la question puisque l’AQPP n’en était qu’à l’étape des campagnes publicitaires sur ce sujet.