Le Commissaire à l’environnement et au développement durable, qui relève du bureau du Vérificateur général du Canada (BVG), a récemment déposé son rapport 2025 au parlement à Ottawa. Le premier chapitre du rapport est consacré à la Stratégie nationale d’adaptation lancée en 2023. Selon le commissaire Jerry DeMarco, celle-ci comporte de nombreuses lacunes.
La stratégie n’a pas été conçue de manière efficace, notamment parce qu’elle n’a pas hiérarchisé l’importance des risques liés aux changements climatiques. Elle ne comporte pas d’analyse économique servant à attribuer les ressources ni de cadre efficace pour évaluer les résultats et les communiquer.
Le Plan d’action pour l’adaptation n’est ni systématique ni complet, ajoute le commissaire. Il comporte 73 mesures, issues de nouveaux programmes, mais aussi d’anciens programmes du gouvernement fédéral. Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) ne connaissait pas le total des engagements financiers pris à leur égard.
Peu de mesures préliminaires ont été mises en place dans les sept programmes analysés. L’optimisation des ressources n’a été considérée que pour trois de ces sept programmes, ce qui ne permettra pas de savoir si les dépenses ont contribué aux résultats attendus, souligne le commissaire.
Dès 2006, le commissaire fédéral a réclamé l’élaboration d’une stratégie canadienne d’adaptation aux changements climatiques. « Bien que la publication de la Stratégie nationale d’adaptation en 2023 constitue un premier jalon important, il faut porter une attention immédiate à la situation pour obtenir des résultats significatifs. Plus le Canada agira vite, plus les résultats pour la santé, la sécurité et les modes de subsistance des gens seront durables », indique M. DeMarco dans le communiqué accompagnant son rapport.
Santé humaine
Le commissaire souligne que le Plan d’action, lancé en même temps que la stratégie, ne comprend pas de cibles pour certains risques à la santé humaine associés aux changements climatiques. À cet égard, M. DeMarco mentionne notamment la maladie de Lyme, dont le nombre de cas signalés chez l’humain a augmenté de 1 500 % entre 2009 et 2022.
Il souligne aussi l’impact de la fumée des feux de forêt, ce qui pose problème dans la mesure où les superficies incendiées ont grandement augmenté ces dernières années. Entre 2013 et 2018, Santé Canada estimait que 240 personnes perdaient la vie chaque année au Canada en raison d’une exposition à la pollution causée par les feux de forêt.
Des pièces manquantes
Outre le Plan d’action, deux autres pièces majeures de la stratégie sont toujours attendues, soit le programme touchant la participation des communautés autochtones de même que les plans d’action bilatéraux entre le gouvernement fédéral et les provinces. ECCC confirme que ces plans seront parachevés d’ici le printemps 2026.
ECCC doit collaborer avec Santé Canada, Ressources naturelles Canada, Sécurité publique Canada et Logement, Infrastructures et Collectivités Canada pour élaborer un plan qui définit les produits livrables précis, estime-t-on dans le rapport.
Par ailleurs, ECCC ne devait produire qu’un seul rapport d’étape avant de publier la nouvelle version de la stratégie, prévue en 2030. Une mise à jour plus rapide et plus fréquente des progrès serait importante pour que le ministère puisse déterminer si le processus fonctionne et s’il faut corriger le tir au besoin, constate le commissaire.
La stratégie comporte 32 objectifs et 25 cibles. Le commissaire constate que 12 de ces objectifs ne prévoyaient pas une cible à atteindre. Les 25 cibles n’ont pas été établies selon les principes SMART, soit spécifiques, mesurables, atteignables, pertinents et définis dans le temps.
Plus de la moitié des cibles ne seront pas atteintes avant 2028 ou plus tard. Le gouvernement fédéral aurait dû établir des cibles intermédiaires pour guider la mise en œuvre et adopter au besoin des mesures correctives, indique le commissaire.
Le gouvernement estime avoir déjà investi plus de 6,6 milliards de dollars (G$) dans des mesures d’adaptation aux changements climatiques depuis 2015, dont plus de 1,6 G$ pour la mise en œuvre de la stratégie. Selon ECCC, chaque dollar consacré à ces mesures permettrait d’économiser de 13 à 15 dollars à long terme.
Pour chacune des recommandations du commissaire, ECCC a exprimé son accord et a prévu un échéancier pour leur mise en œuvre.
Réaction du BAC
Dans un communiqué publié le 10 juin, le Bureau d’assurance du Canada (BAC) a commenté le rapport du commissaire par l’entremise du vice-président Craig Stewart. Ce dernier est responsable des changements climatiques et des affaires fédérales au sein de l’organisme de représentation des assureurs de dommages.
« Les conclusions du commissaire indiquent clairement que, malgré des années d’efforts consacrés à la réduction des émissions, le gouvernement fédéral n’a pas respecté ses engagements visant à protéger les Canadiens contre les feux de forêt, les inondations, les tempêtes de vent et les tempêtes de grêle qui touchent des centaines de milliers de Canadiens aujourd’hui », souligne-t-il.
Comme les risques liés aux conditions météorologiques continuent de s’intensifier d’année en année, le gouvernement fédéral doit accroître ses investissements en capital pour assurer la sécurité du Canada et de ses collectivités, selon M. Stewart.
Au cours des dix dernières années, le gouvernement fédéral canadien a investi 41,8 milliards de dollars pour soutenir des mesures de réduction des émissions, ce qui réduira les risques auxquels le Canada est exposé d’ici 20 à 30 ans, rapportait le BAC dans une estimation faite en janvier 2025.
« Seulement 4,1 milliards de dollars — soit seulement un dixième du total investi dans l’atténuation des changements climatiques — ont été investis dans des mesures visant à réduire les risques auxquels les Canadiens sont déjà confrontés aujourd’hui. Il est temps de remédier à cette disparité », indique Craig Stewart.