L'émission d'une police en assurance aux entreprises est souvent lente et remplie d'obstacles. Des spécialistes en gestion de risques ont trouvé le moyen de l'accélérer : il leur faut rendre ce risque attrayant aux yeux de l'assureur et le rassurer sur les irritants.C'est ce qu'ont démontré Robert Pellerin, directeur, clientèle en assurance de dommages et gestion de risques commerciaux, chez BFL Canada, et René Laporte, président de la firme de consultation en gestion de risques René Laporte et associés, lors du Congrès de l'assurance et de l'investissement 2009, tenu au Palais des congrès de Montréal en novembre.

Pour les deux spécialistes, la notion de gestion de risques est primordiale en assurance aux entreprises. Robert Pellerin affirme que c'est le concept de gestion de risques que les courtiers doivent vendre à leurs clients, plutôt que d'entreprendre immédiatement des discussions à propos du programme d'assurance. « Il faut avoir identifié les risques avant de parler d'assurance proprement dit », précise-t-il.

René Laporte abonde dans le même sens. Selon lui, la gestion des risques donne plusieurs outils au courtier pour bien travailler un dossier. Son principal avantage est qu'elle permet d'établir un programme sur mesure pour le client.

À cet effet, M. Laporte donne en exemple un programme d'assurance agricole destiné aux fermes d'élevage de poules qu'il a contribué à mettre en place il y a quelques années. Les producteurs de ce type d'élevage faisaient face à un problème. En cas d'incendie, il valait mieux pour eux de laisser bruler leurs animaux plutôt que de les sauver. En cas de perte totale, l'assureur leur versait une indemnité complète. Toutefois, s'ils les sauvaient, l'assureur ne leur versait rien. Or, puisque les poules avaient subi un stress important, leur productivité diminuait de 50 %, ce que les assureurs ne reconnaissaient pas.

« Plutôt que de laisser bruler les poules, nous avons cerné le problème de dépréciation. On a ensuite su le présenter aux assureurs par d'excellents courtiers. Ce sont des choses que les courtiers peuvent faire pour rendre des risques plus attrayants aux yeux des assureurs », dit M. Laporte.

Toutefois, dans un tel cas, il est important d'obtenir la pleine contribution de l'entrepreneur. Il sera difficile de rendre un risque attrayant pour l'assureur dans le cas contraire, dit Robert Pellerin. Le courtier doit ensuite faire valoir son expertise pour rendre le risque plus attrayant et obtenir des termes et conditions favorables.

Proposer à son client d'établir un plan d'action pour l'aider à mieux gérer son risque est une façon de rendre ce dernier plus intéressant pour le souscripteur. Ce plan d'action comprendra plusieurs éléments, tels un programme de prévention, un plan de mesure d'urgence et un plan de continuité des affaires. Il faudra aussi y documenter le protocole de contrôle de la qualité de l'entreprise et son infrastructure opérationnelle au niveau technique.
René Laporte lance toutefois une mise en garde : rendre un produit attrayant ne consiste pas simplement à changer l'emballage. « Il faut voir pourquoi l'assureur a un préjugé contre ce risque. Souvent, c'est parce qu'il a une méconnaissance du risque et qu'il a besoin d'être rassuré », dit-il.

À cet effet, Robert Pellerin propose aux courtiers de faire visiter l'entreprise à l'assureur auprès duquel il veut placer son risque. Une telle rencontre permettra de créer un lien d'affaires, dit-il.

Mise en situation


René Laporte propose aussi une autre méthode : la mise en situation. Il demande à ses clients de lui proposer deux scénarios catastrophiques qui pourraient survenir dans leur entreprise. En évaluant les dommages possibles, il est en mesure d'identifier les besoins réels de l'entreprise. « Nos scénarios de pertes catastrophiques sont l'un des outils que la gestion de risque nous donne pour mieux magasiner les assurances de nos clients. Plus nous avons de détails sur la situation avant et après le sinistre, mieux nous allons le servir », dit-il.

 

M. Laporte affirme aussi qu'il est primordial de prendre le temps de monter un bon dossier. « Il faut identifier les irritants et travailler les points où l'on sait que l'assureur va jeter un œil. On refuse des dossiers pour cette raison, parce qu'on n'a pas le temps de le préparer d'avance. Un programme préparé à la cinquième vitesse ne durera pas longtemps », dit-il.

De son côté, Robert Pellerin estime qu'il lui faut entre 90 et 120 jours pour monter un bon programme d'assurance. « Il faut se rappeler qu'on n'aura pas toute l'information qu'on veut dès la première journée. Une fois que nous l'avons, il faut assembler le programme pour le transmettre à l'assureur. Si l'information est acheminée longtemps d'avance, ça nous donne le temps de bien répondre aux questions de l'assureur. Dans le cas des grandes entreprises, on pourra prendre le temps de rencontrer le client avec l'assureur pour mieux démystifier les perceptions qu'il peut avoir face à une certaine industrie », dit-il.

M. Pellerin note plusieurs avantages d'une telle rencontre à trois. « L'assureur sera satisfait de voir que le courtier lui amène de bons clients. Par ailleurs, il pourra aussi mieux s'informer sur cette entreprise. De son côté, l'entrepreneur se sentira plus en confiance en rencontrant l'assureur. Une telle rencontre permet ainsi de créer un lien d'affaires puissant, qui permettra de bâtir une relation à long terme », dit-il.