Malgré la situation de crise économique causée par la pandémie de la COVID-19, le retour à l’équilibre budgétaire au Québec ne passera pas par des hausses d’impôts ou de taxes ni par des compressions dans les dépenses.

Le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, a fait une mise à jour des finances publiques ce lundi 16 novembre en compagnie des membres du Cercle finance du Québec et de l’Association des économistes du Québec (ASDEQ), par l’entremise d’une conférence virtuelle. Plus de 1000 personnes étaient connectées au début de l’activité. La mise à jour budgétaire avait été rendue publique le jeudi 12 novembre à l’Assemblée nationale.

Le déficit budgétaire pour l’année courante reste le même que celui prévu en juin dernier lors de la première mise à jour économique, à 15 milliards de dollars (G$). Cela inclut une provision pour éventualité de 4 G$, de même que le versement de 2,65 G$ au Fonds des générations, qui sert à réduire la dette.

La loi sur l’équilibre budgétaire s’appliquera à partir de 2021-2022. La première année du « retour à la normalité » sera 2022-2023, où le solde budgétaire sera toujours déficitaire de 7 G$. Le ministre Girard promet le retour au budget équilibré en 2025-2026.

M. Girard estime le déficit structurel à une somme variant entre 5,5 et 7 G$. Le gouvernement réitère qu’il rétablira l’équilibre sans alourdir le fardeau fiscal, en respectant la capacité de payer des Québécois du côté des dépenses. Le Québec poursuivra ses efforts de réduction de la dette en améliorant la performance et la productivité de l’économie québécoise.

Près de 13 G$

Quelque 12,7 G$ ont été investis depuis mars pour gérer la crise sanitaire et soutenir l’économie. Le gouvernement a dû investir 5 G$ pour renforcer le système de santé (personnel supplémentaire, primes, matériel de protection, dépistage du virus et traitement des tests, etc.).

Quelque 5,9 G$ ont été investis dans des mesures visant à soutenir les Québécois et les entreprises. Un autre montant de 1,8 G$ en nouvelles mesures a été annoncé lors de la mise à jour. De plus, le Québec souhaite hausser les dépenses en infrastructures de près de 3 G$ dès 2020-2021.

Les mesures de relance économique se poursuivront en 2021-2022. « Dans les six prochains mois, la pandémie sera toujours présente. On doit se préparer pour ce qui va suivre », ajoute M. Girard.

Quelque 459 millions de dollars (M$) sur deux ans serviront aux mesures de formation de la main-d’œuvre et de réinsertion au travail. Le gouvernement achètera des places de formation et les recrues seront payées durant cette période.

PIB potentiel

Lors des échanges avec Luc Godbout, professeur de fiscalité à l’Université de Sherbrooke, Éric Girard a rappellé que le plan budgétaire soumis juste avant la pandémie tablait sur une progression annuelle du PIB réel d’environ 1,5 % de 2020 à 2024, incluant un taux de chômage avoisinant 5 %.

Le PIB réel obtenu à la fin de 2019 ne sera pas de retour avant le premier trimestre de 2022. Pour que le PIB réalisé rejoigne la trajectoire du PIB potentiel, il faudrait une accélération de la croissance annuelle à 2,5 % de 2023 à 2025. Le Québec avait obtenu une croissance supérieure à 2 % par année de 2017 à 2019.

Selon le communiqué publié par l’ASDEQ le 12 novembre, cette cible de croissance « parait très ambitieuse ». « Il faudra voir les actions qui seront mises en place pour atteindre ces objectifs ainsi que les effets des facteurs exogènes liés à la pandémie avant de porter un jugement plus éclairé sur ces hypothèses », ajoute l’Association.

Crédits d’impôt

Pour rétablir l’équilibre budgétaire d’ici six ans, Éric Girard indique qu’aucun changement n’est prévu dans les dépenses fiscales du gouvernement, c’est-à-dire les programmes de crédits d’impôt accordés aux contribuables, dont l’exemption sur le gain en capital.

Il y a eu des ajustements dans le budget 2020-2021 pour resserrer à l’admissibilité à certains crédits, notamment celui accordé au secteur des multimédias, mais rien de neuf n’est prévu, ajoute-t-il.

Le nombre de faillites d’entreprises a baissé en 2020, comparativement à l’année précédente. Éric Girard souligne que les programmes du gouvernement fédéral (prestations d’urgence, subventions salariales) ont permis d’éviter le pire, et ils seront encore en vigueur pour quelques mois. Par ailleurs, Ottawa est en train de réviser le programme d’aide au loyer commercial pour que les fonds soient versés directement au locataire.

« On a encore six mois difficiles devant nous. C’est pourquoi nous allons continuer de soutenir les entreprises forcées de fermer pour des raisons sanitaires », conclut M. Girard.

Dépenses en santé

D’ici 2022, le gouvernement du Québec devrait avoir une réponse du gouvernement fédéral à la demande des provinces qui espèrent une augmentation des transferts voués à la santé. Éric Girard reconnait que la demande historique du Québec touchant les transferts en santé pourrait mal tomber, vu l’énorme déficit budgétaire à Ottawa.

« Le Canada ne verse plus que 22 % des dépenses des provinces en santé, et on prévoit que ça va baisser à 19 % », dit-il.

Le Québec espère que le gouvernement fédéral se préoccupera d’abord d’investir dans la santé avant de lancer de nouveaux programmes. Si Ottawa va de l’avant avec des programmes déjà existants (médicaments, garderies), le gouvernement réclamera sa part (23 %) pour financer les programmes québécois existants.

Pour financer le Plan de l’économie verte (PÉV) rendu public le 16 novembre, Éric Girard indique que toutes les options sont sur la table. Actuellement, le Québec subventionne l’achat de véhicules électriques, mais ne punit pas l’achat des gros cylindrés qui consomment beaucoup de carburants fossiles. « Le PÉV sera révisé chaque année. Gardons l’esprit ouvert. Si nous n’avons rien annoncé à ce sujet, c’est parce qu’on a jugé que ça n’était pas le bon moment », dit-il.

La question des taux d’intérêt

M. Girard a aussi abordé la question des bas taux d’intérêt. À court terme, ils resteront proches de zéro et ne pourront aller plus bas. Selon M. Girard, il est probable que les taux seront plus élevés, d’ici 10 ans, que ceux que nous avons en ce moment.

« En 25 ans à la Banque Nationale, je ne compte plus le nombre de fois où l’on a prédit une hausse des taux d’intérêt, et je pensais le contraire », dit-il.

Le ministère des Finances tient compte de cette probabilité de hausse du cout d’emprunt dans ses estimations du service de la dette. En raison des taux d’intérêt très bas en 2020-2021, le service de la dette a été réduit à 7,5 G$, une baisse de 1,3 % sur l’année précédente. Les intérêts à payer sur la dette atteindront 8,8 G$ l’an prochain (+16,3 %) et 9,3 G$ dans deux ans (+5,6 %).