Justine Côté

La science permet des traitements personnalisés et prometteurs contre le cancer. Encore faut-il que l’industrie de l’assurance puisse en assumer le coût. 

En 2024, 247 100 Canadiens ont été diagnostiqués d’un premier ou d’un nouveau cancer et 88 100 autres en sont décédés, a rappelé Justine Côté, pharmacienne et responsable de l’expertise pharmaceutique et gestion des médicaments coûteux chez Beneva

La maladie demeure d’ailleurs la principale cause de décès au pays, a-t-elle rappelé lors de la conférence La science ralentit les cancers, mais les coûts demeurent, tenue en février lors du Congrès Collectif, événement organisé par les Éditions du Journal de l’assurance au Palais des congrès de Montréal. 

« 22 % des Canadiens devraient mourir d’un cancer, selon les projections », a souligné Mme Côté, ajoutant que la maladie ne discrimine pas : elle s’en prend à 45 % des hommes et 44 % des femmes. 

À eux seuls, les deux cancers les plus souvent détectés, à savoir celui de la prostate chez les hommes (21,9 %) et celui du sein chez la femme (25,4 %), comptent pour tout près de la moitié des diagnostics de cancer au pays. Les cancers du poumon et colorectaux occupent respectivement les deuxième et troisième marches de ce podium. 

Le cancer s’en prend également à des proies de plus en plus jeunes : 40 % des nouveaux cas de cancer touchent en effet des personnes en âge de travailler, a relevé Justine Côté. 

« Depuis quelques années, on observe une tendance à la hausse assez préoccupante des cas de cancer chez les plus jeunes », a-t-elle déclaré en conférence. 

Citant une étude internationale publiée en 2023, la pharmacienne a indiqué que l’incidence de cancers chez les moins de 50 ans a augmenté de 79,1 % entre 1990 et 2019. Le Canada n’y échappe pas. 

Des traitements moins invasifs 

Les avancées scientifiques de la médecine et dans le domaine pharmacologique ont donné naissance à des traitements plus efficaces contre différents types de cancer. 

Mme Côté fait référence aux thérapies ciblées, « qui reposent sur l’identification de caractéristiques spécifiques aux cellules tumorales » et qui vont épargner les cellules saines, avec pour conséquence de diminuer les effets indésirables attribuables aux traitements. 

« Ça peut vraiment améliorer la qualité de vie des personnes atteintes, mais aussi leurs chances de survie », se réjouit Justine Côté.

Une facture au goût amer… 

En 2022, près d’un médicament breveté sur quatre vendu au pays était contre le cancer : neuf ans plus tôt, ils ne comptaient que pour 9 %. Ces traitements ont en outre généré près de 4,6 milliards de dollars en ventes à l’échelle nationale en 2022. 

Bien que de nouveaux traitements font graduellement leur entrée sur le marché, la lutte au cancer demeure coûteuse. 

« Le cancer a un impact économique important, a souligné Justine Côté. Le coût sociétal du cancer, à savoir la combinaison des coûts directs sur le système de santé et les coûts engendrés pour le patient et ses proches aidants, représentait 37,7 milliards de dollars en 2024. » 

Une somme qui pourrait croître de 23 % d’ici une décennie, notamment en raison du vieillissement de la population, de l’accroissement démographique et de l’amélioration du taux de survie. 

Les thérapies ciblées sont aussi très chères à développer et à administrer. « Certains patients développeront une résistance à des traitements ou il leur faudra se soumettre à des tests moléculaires pour savoir quelles mutations cibler, ce qui représente des coûts supplémentaires et des impacts sur le développement et sur l’accès à ces traitements », a prévenu Mme Côté. 

Le coût important des thérapies ciblées se répercute aussi sur les régimes d’assurance, qu’ils soient privés ou publics. 

Chez Beneva, les prestations payées pour les thérapies ciblées ont quadruplé de 2014 à 2024, a précisé Justine Côté, alors que le coût moyen des traitements mis sur le marché a pratiquement doublé, passant de 7 800 $ à 14 700 $ au cours de la même période. 

Ces augmentations forcent les assureurs à mieux gérer leurs dossiers et les réclamations. Chez Beneva, cela se traduit par une autorisation préalable de traitement pour l’assuré, par le recours à des médicaments génériques, mais aussi par des ententes avec des compagnies pharmaceutiques et une transition vers des produits biosimilaires. 

… mais aussi des économies à prévoir 

Les thérapies ciblées ont l’avantage de pouvoir être offertes sous forme de comprimés et de capsules, ce qui permet un traitement simple, à domicile, plutôt que des séances de radiothérapie à l’hôpital ou de chimiothérapie par voie intraveineuse.

Une avenue plus économique qui réduira aussi les dépenses engendrées des patients : absence au travail, déplacement, stationnement, hébergement, et on en passe. 

Justine Côté voit en ces traitements un avenir prometteur, aussi bien pour les patients atteints d’un cancer que pour l’industrie des assurances.

« La recherche et développement progresse énormément et d’autres innovations restent à venir, a-t-elle laissé entendre. L’arrivée de l’intelligence artificielle jouera également un rôle important dans le progrès dans les domaines thérapeutique et oncologique. »