Le régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) est l’un des véhicules d’épargne les moins bien soutenus en matière de formation au sein des institutions financières. Sur le plan opérationnel, certaines d’entre elles utilisent encore des processus papier pouvant s’échelonner sur plusieurs jours lorsque les familles souhaitent y verser des cotisations. 

Plusieurs raisons expliquent le manque de ressources consacrées au REEI. Pourtant, les subventions et les bons gouvernementaux liés à l’ouverture et aux cotisations à ce régime (contributions du gouvernement) devraient représenter un incitatif de taille pour les personnes admissibles. 

De plus, les sommes détenues dans un REEI sont considérées comme des actifs exemptés dans le calcul de l’admissibilité aux prestations fédérales, telles que le supplément de revenu garanti (SRG) et la sécurité de la vieillesse (SV). Elles sont également souvent exemptées dans le cadre de nombreux programmes provinciaux et territoriaux d’aide sociale. 

Deux idées fausses courantes 

Deux idées reçues empêchent souvent l’ouverture d’un REEI. D’abord, plusieurs croient qu’en l’absence de ressources financières pour cotiser, le régime ne vaut pas la peine. C’est faux. Les personnes à faible revenu – situation fréquente chez les personnes en situation de handicap – peuvent avoir droit à un bon canadien pour l’épargne-invalidité pouvant atteindre 1 000 $ par année, et ce, même sans cotisation. 

À l’inverse, certaines personnes à revenu élevé croient qu’elles ne sont pas admissibles aux subventions gouvernementales liées aux contributions. C’est également faux : même les particuliers à revenu élevé peuvent obtenir une subvention équivalente à 1$ pour chaque 1$ cotisé.

Subventions et bons : comment ça fonctionne 

Une fois la personne admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH), l’ouverture d’un REEI donne droit à une subvention canadienne pour l’épargne-invalidité. Celle-ci est versée par le gouvernement fédéral et peut représenter 300%, 200% ou 100% du montant cotisé, selon le revenu familial net rajusté du bénéficiaire. 

Jusqu’au 31 décembre de l’année où le bénéficiaire atteint 18 ans, ce revenu familial est basé sur celui des parents. À partir de l’année de ses 19 ans, il est basé sur le revenu du bénéficiaire lui-même, auquel s’ajoute celui de son époux ou conjoint de fait, le cas échéant. 

Seuils de revenu pour 2025 – Subvention canadienne pour l’épargne-invalidité

Si le revenu familial net rajusté est de 114 750 $ ou moins : 

  • Pour les premiers 500 $ cotisés : subvention de 3$ pour chaque dollar, jusqu’à 1 500 $ par an 
  • Pour les 1 000 $ suivants : subvention de 2$ pour chaque dollar, jusqu’à 2 000 $ par an 

Si le revenu familial net rajusté dépasse 114 750 $ : 

  • Pour les premiers 1 000 $ cotisés : subvention de 1$ pour chaque dollar, jusqu’à 1 000 $ par an 

(Source : Gouvernement du Canada) 

 

Le bon est quant à lui versé directement dans le REEI, même sans cotisation, si le revenu du bénéficiaire est inférieur à 57 375 $ (en 2025). Le versement peut avoir lieu chaque année jusqu’à l’année où le bénéficiaire atteint 49 ans. 

Seuils de revenu pour 2025 – Bon canadien pour l’épargne-invalidité

  • Revenu familial net rajusté de 37 487 $ ou moins (ou si le titulaire est une institution publique) : bon de 1 000 $ 
  • Revenu entre 37 487 $ et 57 375 $ : bon partiel calculé selon la formule prévue dans la Loi canadienne sur l’épargne-invalidité 
  • Revenu de plus de 57 375 $ : aucun bon versé 

(Source : Gouvernement du Canada) 

 

Pour recevoir un bon ou une subvention, le bénéficiaire (ainsi que ses parents ou tuteurs s’il a moins de 18 ans) doit être à jour dans ses déclarations de revenus, puisque les montants versés sont calculés selon les revenus des deux années précédentes. 

Les subventions et les bons peuvent aussi être versés rétroactivement pour une période maximale de 10 ans à compter de l’approbation du CIPH. 

Rattrapage : attention à l’ordre des versements 

Liss Cairns, gestionnaire de programme à l’organisme à but non lucratif Plan Institute, met toutefois en garde les planificateurs et conseillers : ils doivent bien connaître les règles et le calendrier entourant les dépôts rétroactifs. 

« Le gouvernement commence par toutes les subventions à 300% datant des 10 dernières années, explique Liss Cairns. Une fois ces montants versés, il passe aux subventions à 200% puis à celles à 100%, si la personne y est admissible. Mais bien sûr, il y a des plafonds annuels. En général, on peut rattraper entre trois et cinq années de subventions dans une même année. »  

Pour connaître le montant admissible, Liss Cairns recommande de consulter l’état annuel des droits, un relevé envoyé en janvier par Emploi et Développement social Canada. « C’est le moyen le plus simple de savoir combien cotiser pour maximiser les subventions. Laissez-les faire les calculs pour vous. » 

Le plafond à vie des cotisations est de 200 000 $, incluant les sommes transférées d’un Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou d’un Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) d’un parent, d’un tuteur ou de grands-parents décédés. Ces transferts ne donnent toutefois pas droit à une subvention. 

Les subventions sont versées jusqu’à l’année où le bénéficiaire atteint 49 ans. Les cotisations sont permises jusqu’à la fin de l’année de ses 59 ans. 

Bien que cela puisse sembler inutile de cotiser pour un bénéficiaire dans la cinquantaine, Liss Cairns rappelle que les REEI sont généralement considérés comme des actifs exemptés. Le montant détenu dans un REEI n’a donc pas d’incidence sur d’autres prestations fondées sur le revenu. 

« C’est une solution idéale pour une personne recevant un héritage inférieur à 200 000 $ et souhaitant l’abriter fiscalement sans créer de fiducie, par exemple. Le REEI peut très bien remplir ce rôle. » 

Des régimes encore négligés 

Plusieurs facteurs expliquent pourquoi les REEI reçoivent peu d’attention comparativement à d’autres régimes enregistrés ou non enregistrés. D’abord, en 2023, seulement 1,6 million de Canadiens étaient admissibles au CIPH. Et selon le Rapport annuel 2023 du programme canadien pour l’épargne-invalidité, seulement 282 210 REEI étaient ouverts au 31 décembre 2023. 

Ces comptes sont aussi relativement modestes : bien qu’un bénéficiaire puisse accumuler jusqu’à 500 000 $ à la retraite (en tenant compte des subventions, bons et rendements), ce n’est pas la norme, selon Liss Cairns. 

« Le défi avec le REEI, c’est que c’est un régime très complexe, avec beaucoup de règles. Je ne pense pas que beaucoup d’institutions s’engagent à offrir une formation continue à leur personnel pour accompagner les clients dans l’ouverture d’un REEI. Ça entraîne beaucoup de confusion. » 

« C’est frustrant de constater que ces programmes censés aider les personnes les plus vulnérables au pays sont parmi les plus complexes à comprendre », ajoute Liss Cairns. 

Pour pallier cette complexité, Plan Institute offre une ligne de soutien, des webinaires et des ateliers pour les bénéficiaires, et peut adapter son contenu pour les professionnels. L’organisme à but non lucratif milite aussi activement pour des améliorations au programme. « Plan Institute a d’ailleurs été l’un des organismes qui menait la charge pour la création du REEI en 2008, » souligne Liss Cairns. 

« Je pense que la majorité des gens font de leur mieux. Le plus important pour les conseillers, c’est de reconnaître qu’ils ne connaissent pas tout à propos du REEI, et c’est correct. Il faut simplement demander de l’aide et chercher des ressources supplémentaires. » 

Les retraits : ce qu’il faut savoir

Ce qui suit ne constitue pas une analyse exhaustive, car les règles entourant les REEI sont généralement plus complexes que celles des autres régimes. 

Les règles de retrait sont particulièrement à noter. 

Les retraits réguliers doivent débuter avant la fin de l’année où le bénéficiaire atteint 60 ans. Un paiement d’aide à l’invalidité (PAI) désigne tout versement effectué au bénéficiaire ou à sa succession. Ces paiements peuvent être faits en tout temps entre 27 et 58 ans. 

Les paiements viagers pour invalidité (PVI), quant à eux, sont des versements qui, une fois commencés, doivent être faits au moins une fois par année jusqu’à épuisement du régime ou au décès du bénéficiaire. Ces paiements doivent débuter au plus tard à la fin de l’année du 60e anniversaire du bénéficiaire. Les montants minimaux sont établis selon une formule. 

Des règles particulières s’appliquent également aux régimes obtenant principalement l’aide du gouvernement (RPAG) 

Un REEI est considéré comme un RPAG lorsque « le total de toutes les subventions et de tous les bons du gouvernement versés à un REEI du bénéficiaire au cours des années précédentes est plus élevé que le total de toutes les cotisations privées faites au REEI du bénéficiaire dans les années précédentes », explique le gouvernement du Canada sur son site internet. 

Dans ces cas, le total des PVI et des PAI ne doit pas dépasser le plus élevé entre le montant calculé selon la formule du montant des PVI et 10% de la juste valeur marchande des actifs du régime au début de l’année. 

Dans les années précédant le 59e anniversaire du bénéficiaire, il peut être avantageux de cotiser davantage, afin que les contributions privées dépassent les sommes versées par le gouvernement. Cela permet d’assouplir les règles de retrait. Bien que certaines institutions en prennent compte, Liss Cairns recommande de contacter Emploi et Développement social Canada pour obtenir un état de compte à jour. 

Les retraits anticipés sont fortement découragés. Pour chaque dollar retiré, le gouvernement récupère 3$ de subventions versées au cours des 10 dernières années. C’est ce qu’on appelle le « montant de retenue ». (Les subventions versées il y a plus de 10 ans sont acquises au bénéficiaire.) 

« Je sais que la plupart du temps, les retraits anticipés sont un dernier recours, dit Liss Cairns. Le REEI a été conçu comme une forme de substitut de pension pour les personnes handicapées. Les règles sont donc axées sur l’épargne à long terme. C’est pourquoi les retraits hâtifs sont aussi lourdement pénalisés. »