La question des contrats d’agence que négocient les assureurs avec des courtiers dans le marché des entreprises a généré des tensions dans le passé. Les assureurs sondés par le Journal de l’assurance disent toutefois que les aléas du marché les ont poussés à y recourir.
Mario Cusson, président et chef de l’exploitation de L’Unique assurances générales, ne croit pas que le volume à maintenir que sa compagnie demande soit une barrière à l’entrée en assurance des entreprises. « Nous avons probablement une limite parmi les moins élevées. On laisse la chance au courtier de se développer. Toutefois, si au bout deux ou trois ans, on voit qu’il coute plus cher à administrer que ce qu’il rapporte, là on risque de couper le contrat du courtier. On aura toutefois eu de bonnes discussions avec lui avant d’en arriver là », dit-il.
Il précise que même si un courtier ne peut avoir de contrat direct avec L’Unique, il peut passer par une bannière pour traiter avec eux. « Mieux vaut avoir une moitié de commission que pas de commission du tout », dit-il.
M. Cusson ajoute que L’Unique investit dans son modèle d’affaire en entreprises pour améliorer ses normes. « Nous avons des courtiers qui commencent sans barrière. On ne leur impose pas d’objectif. Ce qu’on veut, c’est qu’ils dessinent un plan d’affaires et qu’ils nous disent quel type de volume ils croient capable d’aller chercher », dit-il.
Discussion dans les deux sens
Un courtier pourrait présenter un plan d’affaires à L’Unique dans lequel il compte aller chercher un million de dollars de primes sur trois ans, dont 25 % du volume irait à L’Unique. « On gérerait à partir de ça. On ne met pas une pression à ce niveau. Toutefois, si on voit au bout de deux ans qu’il n’y a pas de croissance, on s’assoit avec lui. S’il n’a pas besoin de nous, on va tenter de comprendre pourquoi. Ça va dans les deux sens. S’il ne traite pas avec nous, il perd aussi le gout de le faire, car il devient moins familier avec nos systèmes », dit-il.
Jean-François Béliveau, vice-président régional, Québec, chez Northbridge, croit que les contrats d’agence peuvent être une barrière, mais rappelle qu’il y a un enjeu économique qui y est lié. « Le défi pour le courtier est de nous démontrer son plan d’affaires. S’il nous montre qu’il peut apporter un volume, on aura de l’écoute », dit-il.
Période raisonnable
Northbridge exige un million de dollars de volume pour accorder un contrat d’agence. L’assureur ne demande toutefois pas qu’il soit atteint dès la première année. « On laisse une période raisonnable au courtier, tout dépendant de la situation du cabinet, mais aussi de son profil. On regarde aussi quelle part de marché il peut nous amener dans un segment précis. S’il peut nous amener 20 % d’un marché, on sera plus réceptif que si c’est 2 % », dit-il.
J.-Sébastien Lagarde, vice-président régional pour le bureau de Montréal d’Optimum Général, reconnait être assez exigeant dans ce qu’il demande pour accorder un contrat d’agence. « Nous sommes bien représentés dans la région de Montréal. Nous ne sommes pas à la recherche de nouveaux courtiers. Toutefois, quand on cogne à notre porte, on regarde. On en accepte, mais pour beaucoup, le fit n’est pas là », dit-il.
Il affirme que si un cabinet l’approche avec un ratio particuliers-entreprises de 80 %-20 %, avec une personne qui fait de l’assurance aux entreprises à temps partiel, les chances sont grandes qu’il lui dise non. « On demande aussi des références aux autres assureurs. On regarde quel type de volume il peut nous amener. Plusieurs nous disent qu’ils peuvent aller chercher un volume de 500 000 $. On les challenge! », dit-il.
La limite minimale chez Optimum pour obtenir un contrat d’agence est de 200 000 $. Celle-ci variera toutefois en fonction de la taille du cabinet. « Pour un cabinet de 50 M$, la limite sera plus haute, car on s’attend à ce qu’il nous amène plus de volume. Pour un plus petit cabinet, on sera à l’aise s’il nous amène un volume de 200 000 $ sur 18 mois », dit-il.
Moins problématique chez les généralistes
Alain Lessard, premier vice-président en assurance des entreprises chez Intact Assurance, souligne que le tout peut être un problème chez les assureurs de niche. Il souligne toutefois que pour les assureurs généralistes comme Intact, Aviva Canada ou RSA Canada, les courtiers peuvent combiner leurs affaires en assurance des particuliers avec celles des entreprises dans le décompte de leur contrat d’agence.
« La barrière se fait plus sentir quand le courtier veut souscrire de plus grands risques. S’il n’a pas le volume, il n’ara pas accès à ces marchés. Ça explique aussi pourquoi ces risques se retrouvent souvent chez les courtiers spécialisés », dit-il.
M. Lessard ajoute que la concurrence entre les cabinets de courtage vient aussi jouer. « Pour un bureau qui commence, ce n’est pas évident de déloger un joueur comme BFL Canada. Il doit bien démontrer ce qu’il amène de plus », dit-il.
Multiples plus bas
Arnaud Collinet, vice-président, assurance des entreprises, Québec, d’Intact, ajoute que le niveau de risque n’est pas le même pour les courtiers qui font de l’assurance aux entreprises. Il a relaté avoir discuté avec un courtier qui lui a dit que lorsqu’il perdait un client en assurance des particuliers, c’est une prime d’environ 80 $ qu’il perdait. Mais lorsqu’il perd un client en entreprises, c’est une prime de 10 000 $ qui s’envole.
Le tout se répercute aussi dans les multiples de transaction, dit M. Lessard. Il estime que les multiples de vente d’un cabinet de courtage sont au moins un point plus bas en assurance des entreprises qu’en assurance des particuliers.
« Lorsqu’un cabinet en achète un autre, il achète son actif, sa liste de clients et son achalandage. Plus c’est stable, plus ça vaut cher. Si un cabinet en achète qui a un seul client qui lui amène 800 000 $ de primes, il achète quoi? S’il perd ce client, le volume tombe à zéro », dit-il.
La Garantie, compagnie d’assurance de l’Amérique du Nord n’exige pas de barrière pour ses affaires en assurance des entreprises, bien qu’elle le fasse pour son programme Garantie Or, dans le marché haut de gamme de l’assurance des particuliers. Daniel Richard, son vice-président régional pour le Québec, reconnait que cet avantage le différencie de ses concurrents dans le marché des entreprises.