Il existe des outils pour mieux gérer les couts des régimes d’assurance collective destinés aux PME. Il reste toutefois beaucoup d’éducation à faire pour optimiser le tout, disent des experts.

Martine Hébert, vice-présidente principale et porte-parole nationale de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) note que les couts d’assurance font partie des préoccupations constantes des entrepreneurs. Selon l’indice du Baromètre des affaires de la FCEI, le tiers des propriétaires de PME jugent que les couts d’assurance représentent l’un des principaux facteurs qui poussent vers le haut les couts de leur entreprise.

« Le besoin de prévisibilité des primes est évident, car les PME n’ont pas les liquidités des entreprises de plus grande taille si elles doivent subir de fortes hausses de leurs couts d’assurance », dit-elle. Dans ses communications aux membres, la FCEI les encourage à revoir leur perception de l’assurance et à se méfier des gros rabais de primes. « Ce que tu ne paies pas aujourd’hui, tu le paieras demain, ou tu risques d’avoir à le payer », dit-elle.

Des économies potentielles

Comme les entreprises de plus grande taille, les PME sont confrontées au défi de la rareté de main-d’œuvre. Les conditions de travail offertes dans la fonction publique contribuent aussi à mettre de la pression sur le secteur privé, ajoute-t-elle. Martine Hébert pense que l’industrie doit présenter les garanties d’assurance comme un facteur de rétention des employés. « Cela représente une économie potentielle dans les entreprises qui voient diminuer leur taux de roulement. C’est une piste à explorer dans certains secteurs d’activités », dit-elle.

L’assurance collective est-elle trop chère pour les PME? Le PDG du cabinet AGA Assurances collectives, Martin Papillon, note que 60 % des PME n’offrent aucune couverture collective. « Cela veut dire que leurs employés doivent s’inscrire au régime public d’assurance médicaments de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), dont la qualité et le niveau de couverture se détériorent année après année. »

Les couts du régime public ont augmenté de 265 % depuis 1997, estime-t-il. « Pour le salarié qui gagne 30 000 $ à 35 000 $ par année, comme on le voit dans la PME, ça représente une charge de plus en plus importante. La réalité des couts élevés pour les soins, on voit que ça n’est pas limité au secteur privé, les régimes publics aussi sont touchés par cela. »

Le régime public est couteux, certes, mais il couvre l’ensemble de la population et il faut s’en réjouir, enchaine Carl Laflamme, premier vice-président assurance collective au sein de SSQ Groupe financier. Le réflexe normal du consommateur est de se priver du produit qui dépasse ses moyens, et c’est ce que font les propriétaires de PME, dit-il.

« Il n’y a pas nécessairement un grand potentiel de développement des affaires dans tous les secteurs d’activités. Les couts sont très importants et nous sommes extrêmement préoccupés par les hausses de couts, qui sont dus au vieillissement de la population, bien entendu, les nouveaux médicaments aussi, et aussi les cas d’invalidité. À moins que nous arrivions à mutualiser tous les cas dans l’ensemble des acteurs de l’industrie, on ne trouvera pas de solution viable et le cout des régimes continuera d’augmenter », ajoute M. Laflamme.

Martin Papillon constate qu’il y a beaucoup de travail à faire en matière d’éducation des participants des régimes collectifs. Des gains sont possibles en instaurant des systèmes de contrôle des couts. Chez le millier de compagnies clientes de son cabinet, l’imposition du médicament générique n’est obligatoire que dans 60 % des groupes.
 En incitant les participants à magasiner leurs médicaments, en ne remboursant que l’équivalent du prix du générique là où c’est possible, et en favorisant les prescriptions de 90 jours pour les médicaments associées aux maladies chroniques, on peut arriver à réduire les couts chez 80 % des participants, estime M. Papillon.

L’industrie devra apprendre à se discipliner, ajoute le président de Groupe financier AGA. Lors du renouvellement des contrats, des groupes voient leur facture grimper de 40 %. Les courtiers vont au marché et trouvent un assureur qui offre plutôt un rabais de 5 %. « Cela ne favorise pas la stabilité des primes; le nouvel assureur rentre très bas pour acquérir le client, et l’année d’après, c’est encore une hausse de 40 %, et il faut s’assoir et tout revoir », dit-il. Les PME sont plus portées au magasinage des primes que la grande entreprise, ajoute-t-il.



Réflexe de changer

Si le conseiller se présente avec une importante hausse de primes, le premier réflexe des conseillers n’est pas de revoir le régime, mais de sonder les assureurs concurrents, enchaine Carl Laflamme. « Si on est capable de conserver l’essentiel du régime à un moindre cout, les entreprises changeront d’assureur la plupart du temps », reconnait-il. En moyenne au Canada, le taux de rétention des clients chez les assureurs est de 88 %. Au Québec, ce taux est à 82 %, ce qui montre une propension plus forte à chercher des économies potentielles sur le marché. « Et actuellement, il faut se le dire, il y en a encore », reconnait-il.

Les conseillers travaillent fort avec les clients pour mieux gérer les couts des régimes, mais il y a une limite aux économies qu’ils peuvent obtenir, selon lui. Après tout, 75 % des réclamations sont liées aux médicaments et à l’invalidité.

Carl Laflamme aimerait que les médecins prennent plus de 10 minutes avant d’envoyer un employé en congé de maladie pour plusieurs semaines. Dans certains cas d’invalidité, le participant a davantage besoin d’un comptable que d’un psychologue, souligne-t-il. Devant son médecin, il est plus facile pour le travailleur de parler du stress vécu au travail que de reconnaitre ses problèmes de couple ou de ses finances personnelles. « Les statistiques montrent que, de manière générale, les gens n’ont jamais été aussi endettés », rappelle-t-il.

Concernant les invalidités à caractère psychologique, malgré tous les efforts en prévention, leur part dans les réclamations est restée la même, autour de 35 % des congés de longue durée, selon M. Laflamme. Il n’y a pas plus de problèmes de psychose qu’avant, note-t-il, mais les troubles anxieux sont en hausse. Plus nombreux sont les employés qui s’adaptent mal au changement dans l’organisation du travail.

Martin Papillon se dit d’accord avec le constat de Carl Laflamme. « Les gens ont besoin de support. Une fois qu’ils sont absents du travail, c’est souvent le cumul d’un paquet de problèmes survenus avant », dit-il.

Plus difficile à vendre

Mais la proportion les gens qui ont besoin de support représente de 3 % à 5 % de la main-d’œuvre, estime M. Papillon. Dans un groupe de 1 000 employés, le courtier peut aller voir les gens des ressources humaines et faire l’analyse des réclamations, avant de suggérer l’implantation d’un programme d’aide aux employés (PAE). « Généralement, ils comprennent l’importance du programme d’aide aux employés, voire un programme plus large, comme l’assistance juridique ou le conseil financier, etc. », dit-il.

Ce genre de programme est plus difficile à vendre à la PME, ajoute Martin Papillon. Si les services inclus dans le PAE ne sont pas utilisés, l’entrepreneur sera tenté de les couper pour réduire les couts l’année suivante. « Ce n’est pas parce que personne n’a eu besoin du service cette année que ça sera la même chose l’an prochain. C’est comme si on disait : la maison n’a pas brulé cette année, donc on n’a pas besoin de l’assurer l’an prochain », illustre-t-il.

Carl Laflamme constate que le seul moment dans l’année où les dirigeants de PME sont vraiment préoccupés par leur assurance collective, c’est lors du renouvellement. « Une fois que c’est réglé, une fois que la prime a été reçue, il n’y a plus rien qui compte. » Les assureurs le constatent lorsqu’ils proposent à la PME d’implanter un PAE, dont le cout est selon lui très raisonnable.

Martin Papillon insiste sur l’éducation mieux ciblée des participants. La communication de masse ne fonctionne pas, estime-t-il. « Mettre une affiche dans la cafétéria pour encourager les gens à utiliser des médicaments génériques, ça ne suffit pas. » Selon lui, pour changer les comportements, il faut écrire directement aux participants.