Selon un sondage du Bureau d’assurance du Canada (BAC), les consommateurs en savent toujours aussi peu qu’en 2011 sur leurs couvertures d’assurance et sur les mesures à prendre pour réduire l’impact des changements climatiques sur leurs demeures.Assurés, assureurs et consommateurs subissent de plein fouet les conséquences des changements climatiques, et 2013 ne les a pas épargnés. Des pluies torrentielles à Calgary et Toronto, des tempêtes de vent et un verglas de fin d’année en Ontario, au Québec et dans les Maritimes ont entrainé des déboursés record de 3,2 milliards de dollars (G$) pour les assureurs, dont 2 G$ sont allés à l’Alberta et presque 1 G$, à Toronto.
Les Canadiens se souviennent aussi cruellement de 2011, des feux de forêt en Alberta et de la crue des eaux du lac Champlain, qui a inondé une partie de la Montérégie. « Presque trois ans plus tard, ces sinistrés vivent encore des impacts », a dit Johanne Lamanque, vice-présidente, Québec du BAC, lors d’une conférence à la troisième édition de la Journée de l’assurance de dommages.
Devant la fréquence et la sévérité accrue de ces catastrophes naturelles, le BAC s’inquiète également de l’insouciance témoignée par plusieurs consommateurs et assurés. Un sondage SOM réalisé en février 2014 a permis au BAC de jauger le degré de conscientisation de 639 détenteurs d’une assurance habitation, aussi propriétaires de leur résidence. Le sondage révèle un faible niveau de connaissance des protections d’assurance disponibles sur le marché et une certaine nonchalance en matière de prévention. Pire, la situation n’a guère évolué depuis un sondage similaire, effectué en 2011.
Dans le sondage présenté en exclusivité à la Journée 2014 par Line Crevier, responsable des affaires techniques et du centre d’information sur les assureurs du BAC, les consommateurs ont clairement répondu : les protections d’abord, le prix ensuite! Sauf qu’ils comprennent à peine mieux l’assurance de dommages et ses implications qu’il y a trois ans, a insisté Mme Crevier, et ce, en dépit des campagnes de sensibilisation et les catastrophes à la chaine survenues ces dernières années.
Résultats décevants
Mme Crevier explique que le sondage visait à savoir si le consommateur moyen connait l’assurance. « Encore maintenant, les consommateurs ignorent que leur police d’assurance habitation ne couvre pas certains risques », dit-elle.
Ainsi, près de la moitié des consommateurs sondés croient que l’assurance couvre les dommages causés par le débordement d’un cours d’eau, révèle le sondage. De 49 %, ils sont maintenant 47 % à le croire. Près du quart des répondants se croient encore protégés contre un glissement de terrain, soit 22 %, contre 25 % en 2011. Seule amélioration sensible du tableau : 33 % savent que leur police peut couvrir les tremblements de terre, contre 26 % en 2011.
La nonchalance : seuls 8 % des consommateurs croient que leur habitation est exposée aux risques de refoulement d’égout et 13 %, à ceux d’un tremblement de terre. « Ce résultat de 8 % pour les refoulements d’égout nous étonne, puisque ce problème a entrainé de gros dégâts, ces dernières années », dit Mme Crevier. Les dommages par l’eau ont représenté ces dernières années plus de la moitié des indemnités versées par les assureurs.
Curieusement, la presque totalité des répondants disent que leur contrat d’assurance habitation répond très bien (55 %) ou plutôt bien (42 %) à leurs besoins.
L’entretien est souvent absent du programme. En moyenne, la moitié des consommateurs inspectent annuellement les diverses composantes à risque dans leur maison. Si 57 % d’entre eux inspectent chaque année l’état de leurs appareils de chauffage, seuls 48 % le font pour l’état des boyaux de la machine à laver et du lave-vaisselle. Pire, seuls 38 % des consommateurs inspectent annuellement les fondations de leur maison. « Seulement 21 % réalisent l’ensemble de ces cinq inspections. C’est peu, déplore Mme Crevier. Plusieurs sinistres résultent pourtant d’un mauvais entretien. »
La prévention n’est pas sur toutes les lèvres. Avant de quitter la résidence, 49 % des consommateurs pensent à couper l’eau, mais seulement 4 % à fermer ou diminuer le chauffage. En outre, seuls 12 % pensent à vidanger les installations sanitaires. « Il reste des réflexes à développer chez les consommateurs et les assurés », a ajouté Mme Crevier.
De plus, ce ne sont pas tous les consommateurs qui réalisent le lien entre prime d’assurance habitation et changements climatiques. Seuls 13 % croient qu’elle augmentera beaucoup et 51 %, un peu.
« Un propriétaire sur trois n’est pas du tout de cet avis, observe Mme Crevier. Les résidents du Québec à l’extérieur du Grand Montréal sont encore plus positifs à cet effet, soit dans une proportion de 40 %. Si les gens ne voient pas le lien entre la prime et les changements climatiques, ce sera tout un défi d’expliquer les hausses de primes qui surviendront dans les prochaines années. »
Pendant que les observateurs se demandent si les changements climatiques feront évoluer les mentalités ou non, le téléphone du BAC ne dérougit pas. Son centre d’information reçoit 40 000 appels par année, dont le tiers porte sur l’assurance habitation, révèle Mme Crevier. L’eau demeure le principal motif d’appel en assurance habitation, et 13 % des appels (1 174) ont porté sur le règlement de sinistres causés par l’eau en 2013.
Le BAC devra mettre les bouchées doubles pour faire passer son message le plus important : le contrat d’assurance n’est pas un contrat d’entretien. « Il faut sensibiliser les consommateurs à l’importance de l’entretien et les inciter à changer leurs comportements », dit Mme Crevier. Parmi d’autres initiatives, le BAC a récemment mis en ligne un jeu-questionnaire qui permet aux assurés de tester leurs connaissances sur les dommages causés par l’eau.
Des clauses seront clarifiées
Or, l’industrie doit aussi mettre la main à la pâte. Le BAC et ses membres poursuivent leur réflexion pour réduire les zones grises et le manque de clarté dans les contrats d’assurance habitation. « Plusieurs clauses seront clarifiées ou précisées dans la réécriture de formulaires [sur les intentions des clauses] », révèle Mme Crevier. La portée des contrats demeurera généralement la même. Pas de changements non plus à l’endroit des garanties sur les dégâts d’eau : l’introduction des deux avenants distincts en 2009 a porté ses fruits.
Mme Lamanque croit de son côté que les assureurs devront aussi raffiner leurs méthodes d’intervention en cas de catastrophe. « Nous devons faire plus, rechercher des solutions et les proposer. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une catastrophe naturelle, Lac-Mégantic a montré que l’industrie a su agir à temps. C’est un exemple de mobilisation qui peut nous interpeler en cas de catastrophe naturelle. »
Tous les paliers sont concernés, insiste Mme Lamanque. « Nous vivons des évènements météorologiques extrêmes qui touchent tout le monde : gouvernements, assureurs, constructeurs et consommateurs. Il faut adapter notre axe d’intervention en conséquence, dit-elle. L’eau et l’état des infrastructures demeurent des préoccupations majeures, et il est nécessaire d’investir en ce sens. » Comme plusieurs autres conférenciers l’ont fait le 12 mars, elle déplore qu’on puisse encore construire en zone inondable, et mise sur une action gouvernementale pour prévenir cette situation.
Réflexion pour couvrir les inondations
Le BAC réfléchit toutefois sur la possibilité de couvrir ce risque à l’avenir. Il a commandé une étude dont les hypothèses précisent ce qu’il en couterait à de grandes villes canadiennes touchées par des inondations de type « un évènement en 100 ans ». « L’étude évalue les couts à 2 G$ pour Montréal et à 600 M$ pour Québec », révèle Mme Lamanque.
Dans sa réflexion, poursuit-elle, le BAC conclut que la meilleure approche pour s’adapter au risque d’inondation serait « un produit issu du secteur privé, mais pour lequel le gouvernement doit rester impliqué, notamment en matière de prévention et de mitigation du risque ».
Le BAC réfléchit aussi sur les tremblements de terre, couverts par avenant seulement. Une étude révélée par le BAC l’automne dernier porte sur les zones les plus à risque au Canada, soit la Colombie-Britannique et le Québec. Parmi les scénarios envisagés, Mme Lamanque évoque celui du corridor Charlevoix, Québec, Montréal et Ottawa, pour un séisme de degré 7 sur l’échelle de Richter. « En cas d’un tremblement de terre de cette magnitude, les pertes économiques atteindraient 61 G$, tandis que seuls 12 G$ sont assurées. L’industrie n’est pas prête », dit-elle.
Les tremblements de terre n’ont pas de lien direct avec le réchauffement, mais l’étude ne dit pas si leur fréquence a augmenté avec les années. « Il y a tout de même de 5 % à 15 % des risques qu’un évènement de telle ampleur se réalise dans les 50 prochaines années », rappelle Mme Lamanque. Selon elle, un important travail de préparation reste à faire à l’égard de ce risque.