L’Association des chirurgiens dentistes du Québec (ACDQ) recommande à ses membres de facturer directement les patients dont l’assureur n’utilise pas son système de réclamations Dentaide.

Les assureurs et leurs distributeurs reprochent à l’ACDQ de promouvoir son système au détriment des assurés. L’Association s’en défend et dit vouloir garantir que ses membres soient payés plus rapidement et intégralement.

Des cabinets d’avantages sociaux dénoncent la recommandation de l’ACDQ, parce qu’elle affectera leurs clients. « L’Association a récemment encouragé ses membres à mettre un terme à la cession des prestations pour les soins dentaires », a expliqué Normandin Beaudry dans un récent bulletin. Le cabinet explique que la cession (ou délégation de paiement) est un accord entre l’assuré et le dentiste. L’accord permet à l’assureur de rembourser directement le dentiste au nom de l’assuré. L’assuré ne doit alors débourser que la portion non couverte par son régime d’assurance.

Insatisfaction

« Advenant l’application de cette mesure par un dentiste, les assurés devront payer la totalité des frais facturés par leur dentiste et ensuite effectuer une demande de remboursement auprès de leur assureur. Cette situation risque de causer de l’insatisfaction du côté des assurés », écrit Normandin Beaudry.

Le cabinet dElta Avantages sociaux a lancé une pétition sur son site Web, pour mobiliser ses clients contre la recommandation de l’association de dentistes. « Nous encourageons tous nos clients, au nom de leurs employés, à signer notre pétition en ligne. Nous allons l’envoyer à l’ACDQ en votre nom », a écrit sur son site Web son PDG Roger D’Eschambault.

En entrevue au Journal de l’assurance, M. D’Eschambault a dit avoir reçu une vingtaine de réponses quelques jours après avoir diffusé sa pétition le 21 juin. Il s’attend à recevoir une centaine de réponses, et envisage de les dévoiler à l’ACDQ cet été.

M. D’Eschambault estime que les plus affectés dans cette affaire seront les participants de régime à faibles revenus, « qui parfois se passeront de soins, car ils n’ont pas les moyens de payer », s’insurge le PDG de dElta. Il doute toutefois que la recommandation fasse tache d’huile.

« Ce n’est pas la première fois qu’elle fait surface, c’est cyclique. C’est ce que m’ont dit trois cabinets de dentistes, des clients auprès desquels j’ai effectué un mini-sondage. L’ACDQ revient à la charge à des intervalles de quelques années. Ces cabinets n’embarquent pas, car ils disent ne pas avoir de problèmes à se faire rembourser dans le système actuel », dit M. D’Eschambault.

L’argument de l’ACDQ veut que le professionnel soit plus sûr d’être entièrement payé en passant par Dentaide. M. D’Eschambault le balaie du revers de la main.

« Je serais plus convaincu si Dentaide n’était pas une filiale de l’ACDQ. L’association veut mettre fin au véhicule qui existe pour mettre le sien en place. Où est la transparence ? Ma perception est qu’elle se place plutôt en situation de conflit d’intérêts, en revenant à Dentaide pour se renflouer avec les frais qu’elle percevra par l’entremise de son système », dit-il.

Conflit d’intérêts

De son côté, l’ACDQ se défend de prêter flanc à un conflit d’intérêts. « Dentaide et l’Association sont entièrement séparés ; elle ne peut pas utiliser pour ses besoins les fonds que génère Dentaide », a insisté son président Serge Langlois, en entrevue au Journal de l’assurance. Au contraire, sa recommandation vise plutôt à protéger ses membres des remboursements qui trainent ou sont incomplets.

Lorsque le patient paie au dentiste la totalité des soins qu’il a reçus, l’assureur les lui rembourse généralement dans un délai de quelques jours, soutient M. Langlois. Selon lui, le délai s’étire lorsque le dentiste accepte que le patient délègue le paiement à l’assureur.

« Ce ne sera pas demain matin ni nécessairement dans une ou deux semaines que le dentiste sera remboursé. L’assureur n’a aucune obligation de le faire dans un délai donné, et chacun a ses propres règles », soutient le président de l’ACDQ.

De plus, M. Langlois dit que le dentiste peut ne pas recevoir le plein montant de remboursement demandé. Par exemple, le patient pourrait avoir atteint son maximum d’assurance pour l’année en cours, et le dentiste le découvre lorsqu’il ne reçoit que 100 $ au lieu de 150 $. Il doit alors percevoir lui-même la différence de 50 $ auprès de son client.

« Nous disons aux dentistes qu’ils n’ont pas à subir la délégation de paiement. Ils doivent garder leur autonomie professionnelle, y compris leur autonomie du point de vue des paiements », dit le président de l’association.

Lui-même dentiste, il explique qu’en vertu de la délégation de paiement, le professionnel ne signe aucune entente avec l’assureur. Dentaide règle ce problème. L’assureur et le dentiste signent un contrat qui les oblige envers le système de paiement direct. « Avec Dentaide, si l’assureur couvre 150 $ des soins, je reçois 150 $ et non 100 $. »

Autres avenues

Le président de l’association s’insurge aussi contre l’idée que la recommandation aux membres affectera les clients plus vulnérables. « Le client peut payer par carte de crédit et recevra son paiement de l’assureur avant son relevé de crédit. Le patient qui n’a pas de carte de crédit ou qui veut payer autrement s’entend habituellement avec son dentiste pour le faire avec une série de chèques postdatés », explique M. Langlois.