Les entreprises privées canadiennes sont tenues depuis le 22 janvier de fournir des informations sur les personnes qui les possèdent, les contrôlent ou en tirent profit, a prévenu l’organisation Comptables professionnels agréés du Canada (CPA Canada).
Les nouvelles exigences de transparence proviennent de la Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois, connue comme le projet de loi C42. Elles exigent de toute société privée régie par la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) qu’elle fournisse des renseignements « sur la propriété effective ».
La propriété effective repose sur la notion de « particulier ayant un contrôle important » (PCI). Les exigences d’information touchent par exemple chaque actionnaire qui détient au moins 10 % de toute catégorie du capital-actions de l’entreprise, comme prévu à la Loi de l’impôt sur le revenu, touchée par les modifications.
Jusqu’aux liens du sang
L’entreprise doit communiquer des renseignements sur toute personne qui exerce une influence importante sur l’entreprise, même si elle ne possède pas d’actions, a fait remarquer en entrevue avec le Portail de l’assurance Michelle A. Wood-Tweel, vice-présidente, affaires réglementaires, de CPA Canada.
Au-delà de ses actionnaires, l’entreprise devra analyser tout changement dans le profil de dette de l’entreprise. Mme Wood-Tweel prend l’exemple d’un prêteur qui se retrouve en position d’exercer un contrôle important dans l’entreprise, sans en détenir aucune action. L’entreprise doit le signaler.
Selon Mme Wood-Tweel, la transparence peut aller jusqu’aux liens du sang. « Par exemple, vous contrôlez une autre personne à travers des relations familiales. Même si cette personne possède les actions de l’entreprise, c’est vous qui la contrôlez, même si vous ne possédez aucune action directement », lance-t-elle.
« Tout cela, le projet de loi C-24 en tient maintenant compte. Cela signifie que les gens doivent prêter attention à la propriété de l’entreprise et aux choses qui peuvent créer un contrôle sur l’entreprise, sans qu’elles ne soient directement liées à l’actionnariat », dit la vice-présidente, affaires réglementaires, de CPA Canada.
Un registre comme celui du Québec ?
Michelle A. Wood-Tweel souligne que le projet de loi C-42 ouvre la voie à un registre fédéral public fort utile pour lutter contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme, l’évasion fiscale et d’autres crimes financiers.
« Un registre public qui centralise les informations sur la propriété effective renforcera le régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent, en plus de contribuer à la poursuite des malfaiteurs et à l’identification des produits de la criminalité » », souligne la vice-présidente, affaires réglementaires, de CPA Canada.
Mme Wood-Tweel rappelle que le Québec a déjà un registre. « Avec la loi sur les entreprises, le gouvernement fédéral tente de réaliser bon nombre de choses que le Québec accomplit avec le Registre des entreprises », dit-elle.
Deuxième phase
Les entreprises doivent fournir des informations qui seront utilisées pour créer une base de données et ajouter une base accessible au public. – Michelle A. Wood-Tweel
Les nouvelles exigences légales de transparence sont une deuxième étape, a expliqué Michelle A. Wood-Tweel. Elle rappelle que la première phase s’est déroulée en juin 2019. « Les entreprises privées régies par la LCSA ont alors dû communiquer l’information sur les personnes qui détiennent un contrôle important, créer un registre pour y saisir l’information et la conserver à portée de main », relate Mme Wood-Tweel.
« Ce qu’il y a de nouveau avec les exigences du 22 janvier 2022, c’est que les entreprises privées doivent maintenant fournir, au moment de déposer leur rapport annuel, des informations qui seront utilisées pour créer une base de données et ajouter une base d’informations qui seront accessibles au public », ajoute Mme Wood-Tweel. Elle estime que ces exigences aideront à empêcher que les entreprises privées soient utilisées à des fins illicites.
Jusqu’à 100 000 $ d’amende
Michelle Wood-Tweel a insisté sur l’importance pour les professionnels et les conseillers financiers qui accompagnent les entrepreneurs de les sensibiliser aux nouvelles exigences légales de transparence du gouvernement fédéral sur la propriété des entreprises privées.
Le gouvernement précise que chaque entreprise visée par la LCSA devra fournir les informations requises en même temps qu’elle dépose son rapport annuel. Si un changement qui touche un particulier ayant un contrôle important survient, l’entreprise devra le communiquer à Corporations Canada dans les 15 jours après qu’elle l’ait inscrit dans son registre.
Mme Wood-Tweel prévient que ne pas respecter les nouvelles exigences peut coûter cher. Corporations Canada énumère quelques sanctions administratives et pénales auxquelles s’expose une entreprise privée régie par la LCSA qui ne lui dépose pas les renseignements sur ses particuliers ayant un contrôle important :
- On pourrait refuser de lui émettre un certificat de conformité (souvent exigé lors d’une demande de prêt, ou pour prouver à un investisseur potentiel que l’entreprise existe ou n’est pas dissoute) ;
- La société pourrait faire l’objet d’une dissolution administrative si elle n’a pas déposé les renseignements sur ses PCI au moment de sa constitution ou dans les 30 jours suivant la date du certificat de fusion ou du certificat de prorogation ;
- La société pourrait fait l’objet d’une dissolution administrative si elle n’a pas déposé les renseignements sur ses PCI en même temps que son rapport annuel ;
- La société pourrait être reconnue coupable d’une infraction et, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, être passible d’une amende maximale de 100 000 $.