Des études récentes confirment la montée irréversible des eaux et la menace pèserait particulièrement sur les collectivités côtières en Amérique du Nord. Des solutions nouvelles seront requises pour les protéger.
L’étude la plus récente a été dévoilée le 14 février dernier par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), qui relève du Département américain du Commerce. Le rapport, rédigé avec la collaboration de plusieurs autres agences fédérales, met à jour des données publiées en 2017.
On confirme que d’ici 2050, le niveau de la mer augmentera autant que cela a été le cas pour la période 1920-2020. Cette élévation de 25 à 30 cm du niveau de la mer (10 à 12 pouces) entraînerait l’inondation permanente de bon nombre de collectivités côtières aux États-Unis, selon la NOAA.
En 2050, des marées hautes susceptibles de créer des débordements en zone habitée pourraient frapper jusqu’à 10 fois par année. Des inondations majeures, qui pour l’instant ont 4 % de chance de survenir durant une année donnée, pourraient se produire deux fois par décennie.
Autrefois, seules les tempêtes majeures causaient des inondations importantes dans les zones côtières. En 2050, de tels sinistres surviendront même lors de tempêtes modérées ou des marées hautes, en raison du niveau de la mer.
Outre l’impact de ces inondations sur les collectivités, le rapport note aussi les dangers causés aux nappes aquifères qui fournissent l’eau potable, ce qui créera un problème supplémentaire pour l’irrigation des terres agricoles.
Cette élévation de 25 à 30 cm du niveau de la mer dans la zone côtière contiguë (CONUS) est une moyenne à l’échelle nationale des États-Unis, mais comporte de grandes variations régionales.
Le niveau de la mer pourrait grimper encore un peu plus dans le golfe du Mexique (10-15 cm de plus) et sur la côte est (0-5 cm) comparativement à la CONUS.
Sur la côte ouest bordant le Pacifique, le niveau de la mer augmentera aussi, mais en moyenne de 10 à 15 cm de moins que la CONUS. Dans les régions d’Hawaï et de la mer des Caraïbes, l’élévation supplémentaire serait inférieure de 5-10 cm à la moyenne nationale.
La NOAA précise que même si l’on réussit à limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) et à limiter le réchauffement moyen du climat à 2 °C comparativement à l’ère préindustrielle, l’impact sur le niveau de la mer restera le même. Le réchauffement observé atteint déjà 1 °C.
Si les cibles de réduction de GES à l’échelle internationale sont ratées, comme le prévoient de nombreux experts, selon les scénarios, le niveau de la mer sur les côtes américaines pourrait augmenter de 60 cm à 2 mètres d’ici 2100, comparativement au niveau observé en 2000.
Au Canada
Le 9 décembre dernier, le Centre Intact d’adaptation au climat (CIAC) de l’Université de Waterloo rendait public le guide « Mers montantes et sables mouvants » où l’on proposait des lignes directrices visant à protéger les berges dans les collectivités côtières de l’est et de l’ouest du Canada. Le guide ne traite pas des problèmes particuliers de la protection des côtes dans le nord du pays, dont les enjeux sont très différents.
« Nous ne pouvons plus gérer les risques côtiers en nous battant continuellement contre les phénomènes naturels », explique l’autrice du guide et professeure de géographie, Joanna Eyquem, qui est directrice générale, infrastructures résilientes au climat, au CIAC.
Mme Eyquem est l’une des expertes invitées à la session portant sur les changements climatiques qui aura lieu en après-midi, le 30 mars 2022, dans le cadre de la Journée de l’assurance de dommages.
Le climat moyen au Canada se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale, rappelle le rapport. Près de 4,8 millions de personnes, soit 13,5 % de la population du pays, vivent à 10 km ou moins du littoral, principalement en Colombie-Britannique et aussi dans les provinces maritimes. Au Québec, au long du littoral d’une longueur de 15 699 km, quelque 147 138 personnes résident dans cette zone de 10 km ou moins (3,1 % de la population de la province).
Si le scénario à haute teneur en carbone se concrétise (RCP 8.5) d’ici 2100, le niveau de la mer grimpera de plus de 50 cm au Québec et à l’est de Terre-Neuve. La hausse serait de plus de 75 cm dans les zones côtières du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard, du sud de la Nouvelle-Écosse et la partie supérieure de la baie de Fundy.
Sur la côte ouest, les plus grandes hausses projetées d’ici 2100 se produiront le long des basses terres du fleuve Fraser, dans la partie sud de l’île de Vancouver et au nord de la côte.
Lignes directrices
Les nouvelles mesures proposées par le rapport du CIAC, qui sont appuyées par le Conseil canadien des normes, le Conseil national de recherches du Canada et Infrastructure Canada, sont de deux ordres :
- les infrastructures grises traditionnelles : des ouvrages techniques comme les murs de protection, les brise-lames, les digues et les barrières;
- les solutions fondées sur la nature : des mesures qui exploitent ou imitent les systèmes naturels pour gérer les risques d’inondation et d’érosion, comme la restauration de marais salés et le rechargement de plages et de dunes.
On précise que les deux approches peuvent et devraient être examinées et utilisées ensemble.
Le guide du CIAC propose trois stratégies pour déployer des solutions fondées sur la nature. Des normes nationales doivent être créées pour, premièrement, assurer l’évaluation des avantages de ces solutions et, deuxièmement, faire le suivi des mesures de protection côtière. Troisièmement, la collaboration avec le secteur privé sera requise pour financer, déployer, surveiller et préserver ces ouvrages. Le secteur de l’assurance peut contribuer à cet égard.
Aux Pays-Bas et au Mexique
Ce type de partenariat public-privé (PPP) a déjà permis plusieurs projets de résilience côtière. Le rapport du CIAC donne l’exemple de la digue de sable sur l’île de Texel, aux Pays-Bas, où l’on a utilisé une solution d’assurance à caractère indemnitaire standard pour ériger l’ouvrage.
Cette île est située à l’ouest de la mer des Wadden, site du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ses plages et ses réserves naturelles en font une destination touristique prisée.
En 2006, plusieurs sections de la digue Prins Hendrik avaient besoin d’être renforcées. Une entreprise de dragage a proposé de placer cinq millions de mètres cubes de sable et de planter deux millions d’ammophiles à ligule courte devant la digue en pierre et en béton existante.
Swiss Re a contribué à la digue de sable en assurant le projet contre tous les risques liés à la construction. L’entreprise de dragage a souscrit la police qui protège aussi la municipalité, l’organisation de gestion de l’eau, les ingénieurs et les entrepreneurs.
Dans l’État du Quintana Roo au Mexique, on a eu recours à un produit d’assurance paramétrique pour protéger un récif de corail. Souscrite en 2017 auprès de Swiss Re par les gouvernements régionaux, la police élaborée avec The Nature Conservancy prévoit qu’une indemnité soit versée si un ouragan de catégorie 4 frappe la région où est situé ce récif, le plus long de l’hémisphère ouest.
Des fonds sont ainsi versés et permettront aux citoyens formés à cette fin d’entreprendre rapidement des travaux de restauration et de réduire au minimum les dommages. Dès octobre 2020, l’assureur a versé de l’argent après le passage de l’ouragan Delta dans les huit jours suivant le passage de la tempête.
Ailleurs dans le monde
L’élévation du niveau de la mer soulève des problèmes ailleurs dans le monde. Ainsi, le parlement de l’Indonésie a récemment adopté la loi qui permettra de déménager la capitale du pays, localisée à Jakarta dans l’île de Java, la plus densément peuplée de l’archipel.
Jakarta, une métropole de plus de 30 millions d’habitants, s’enfonce tranquillement, car sa zone côtière est souvent frappée par des inondations importantes.
Le siège du gouvernement sera désormais établi dans la nouvelle ville de Nusantara, dans l’île de Bornéo, à 2 000 km de Jakarta. L’Indonésie partage l’île de Bornéo avec la Malaisie et le sultanat du Brunei.
Le projet avait été annoncé en 2019 et les travaux, qui devaient commencer en 2020, nécessitaient des investissements estimés à 33 milliards de dollars pour la construction de la nouvelle capitale. Celle-ci aurait une superficie de 560 km2 au milieu de la forêt tropicale, selon le magazine Geo.
De son côté, la dépêche du Courrier International publiée le 19 janvier soulignait que le transfert des activités gouvernementales commencerait en 2024 et impliquerait le déménagement de 25 000 fonctionnaires par année pendant quatre ans.
Selon le journaliste Tristan Gaudiaut du site Statista, il s’agirait de la deuxième fois où un État doit déménager sa capitale en raison de problèmes environnementaux. Le Bélize, en Amérique centrale, a déplacé son gouvernement à Belmopan en 1970 à la suite d’un ouragan qui a dévasté la capitale, Belize City.
Belmopan est situé à 82 km au sud-ouest de l’ancienne capitale et à 31 km à l’intérieur des terres. Le Bélize couvre une superficie de 22 966 km2, légèrement supérieure au territoire délimité par la région administrative du Bas-Saint-Laurent. Ce petit État est bordé par le Mexique, le Guatemala et le Honduras.