Selon Brigitte Marcoux, de Beneva, les programmes d’aide aux employés (PAE) demeurent sous-utilisés. 

En entrevue avec le Portail de l’assurance, Mme Marcoux, qui est directrice nationale, excellence des pratiques et solutions d’accompagnement, prévention, présence au travail et santé organisationnelle de Beneva, indique qu’elle sera bientôt en mesure de partager des résultats qui soutiennent cette conclusion.

Il s’agit de ceux tirés de la deuxième partie de l’enquête de la Chaire Relief, propulsée par Beneva sur la santé mentale des travailleuses et travailleurs de PME au Canada. La Chaire a été créée au sein de l’Université Laval. Les résultats seront dévoilés publiquement le 29 juin prochain. 

Publiée par la Chaire en 2022 dans un rapport intitulé Portrait de la santé mentale des travailleuses et travailleurs de PME au Canada, la première partie de l’enquête avait dressé le même constat : « presque la moitié des gens travaillant en PME (petite ou moyenne entreprise) qui ont des programmes d’aide aux employés ne les connaissent pas, ou ne les utilisent pas », rappelle Brigitte Marcoux.

L’humain n’est pas une machine 

Ce qui ressort le plus dans les facteurs de risque à la santé psychologique chez les cadres, c’est la multitude des changements technologiques – Brigitte Marcoux 

« En 2023, nous avons remesuré ces données en temps 2 (NDLR: la deuxième partie de l’enquête). Nous le referons chaque année. Cette année, nous avons ajouté deux variables : mesurer la santé des gestionnaires et mesurer l’impact du télétravail postpandémique sur l’état de santé mentale des Canadiennes et des Canadiens dans les PME », révèle Mme Marcoux. En entrevue en 2022, Brigitte Marcoux évoquait déjà que les gestionnaires n’osent pas demander de l’aide en santé mentale. Elle a alors observé que le problème touche de plus en plus de dirigeants et propriétaires d’entreprise, qui se sentent isolés. 

Mme Marcoux signale que Beneva demeure à l’affût des études de divers chercheurs à ce sujet, dont celles de France St-Hilaire, professeure titulaire à la Faculté de médecine des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. Grâce à sa vigie des différentes études, Brigitte Marcoux observe qu’un gestionnaire sur trois dit songer à changer d’emploi à cause du stress au travail. 

Brigitte Marcoux

« Ce qui ressort le plus dans les facteurs de risque à la santé psychologique chez les cadres, c’est la multitude des changements technologiques. Ils doivent s’adapter, suivre le flot des technologies et être toujours à l’avant-garde des meilleures, des plus performantes. On gagne en efficacité et en productivité, mais l’être humain n’est pas une machine. Les gens ont de la difficulté à suivre le rythme. C’est une grande préoccupation, tant chez les gestionnaires que chez les dirigeants d’entreprise », explique Mme Marcoux. 

Elle rappelle que la pandémie a accéléré l’utilisation des technologies numériques. « Cela a augmenté les facteurs de détresse psychologique, chez les gestionnaires particulièrement », remarque la directrice nationale, excellence des pratiques et solutions d’accompagnement, prévention, présence au travail et santé organisationnelle. Elle observe qu’un gestionnaire sur quatre n’est pas certain de pouvoir s’acquitter des nouvelles responsabilités qui émanent des nouvelles tâches entraînées par la nouvelle technologie. 

Campagne élargie 

Pourquoi une telle sous-utilisation des programmes d’aide aux employés alors que les problèmes sont si criants? Brigitte Marcoux le déplore alors que la société n’a jamais autant parlé de santé mentale. « Je trouve encore fascinant de voir que la plupart des entreprises offrent des mesures de soutien, des programmes d'aide aux employés, mais que là où le bât blesse, c’est à la communication, la promotion de ces services », lance-t-elle.

Dans ses enquêtes comme celle avec la Chaire Relief, Mme Marcoux dit entendre les gens répondre : « Oui, on a un programme d’aide, mais je ne sais pas ce que c’est » ou « Je ne sais pas comment l’utiliser ». « Je pense que la promotion de la santé est une vaste opération marketing et de promotion », renchérit Mme Marcoux. Les organisations doivent d’après elle endosser les mesures de soutien aux employés. « Malheureusement, les organisations communiquent parfois dans le cadre de campagne isolée, sans le faire de façon continue. »

Parmi d’autres défis de communication, Mme Marcoux estime nécessaire que les gestionnaires puissent parler de ces programmes dans leurs rencontres d’équipe, et qu’ils amènent les gens à utiliser des programmes d'aide en leur expliquant ce qu'ils contiennent. « Chaque fois que je demande à des gestionnaires de m’expliquer ce qu’il y a dans leur programme d'aide aux employés, la plupart me répondent : on peut appeler un psychologue. Mais c’est beaucoup plus que du soutien psychologique », lance Brigitte Marcoux, en mentionnant entre autres les outils de prévention et d’autogestion. 

Sens et autogestion  

Mme Marcoux ajoute que Beneva travaille à une dizaine d’autres projets de recherche que l’assureur a commandé à la Chaire Relief. « Une étude de plus longue haleine porte sur le sens au travail des jeunes, notamment dans l’industrie des services. On sait qu’il est souvent difficile de retenir les jeunes dans les postes de service à la clientèle. Quel sens doit-on donner au travail et comment les jeunes le perçoivent-ils? », dit-elle à propos de l’objectif de recherche. 

Une recherche de la Chaire qui inclura d’autres partenaires de l’Université Laval portera sur le leadership des gestionnaires. « Nous touchons plusieurs aspects, toujours dans un cadre qui met l’accent sur l’autogestion en santé mentale. Comme outil de prévention, on veut mettre de l’avant la personne au cœur de ses actions », explique Brigitte Marcoux.

Mme Marcoux souligne au passage le partenariat philanthropique de Beneva dans le Fonds de l’Université York dédié à la recherche sur l’anxiété avec l’Université York. 

Cet article est un Complément au magazine de l'édition de juin 2023 du Journal de l'assurance.