Depuis l’acquisition d’Opta Intelligence informationnelle par Verisk en 2022, la firme canadienne a accès à une flotte d’appareils qui lui permettent d’utiliser des images aériennes de meilleure qualité que celles fournies par les satellites. Grâce aux outils d’intelligence artificielle (IA), elle peut mieux interpréter les données et les traduire en renseignements pertinents.
Par exemple, la surface couverte par la toiture de l’immeuble fournit plus de précision sur la superficie habitable au pied carré. On peut aussi prévoir les dommages causés par la végétation si l’on observe la présence d’arbres sur le terrain de la propriété.
On peut aussi voir les améliorations faites comme la présence d’une piscine ou d’un panneau solaire sur le toit. « Les améliorations locatives sont une information très utile au moment du renouvellement, ce qui permet au souscripteur de mieux évaluer le risque à couvrir », indique Greg McCutcheon, PDG d’Opta lors d’une entrevue avec le Portail de l’assurance.
Cette imagerie détaillée par chaque toiture est utile, notamment à la suite d’un sinistre comme le derecho survenu en mai 2022. On a pu ainsi utiliser des images des immeubles endommagés lors de ce sinistre pour alimenter l’IA. La réclamation moyenne des dommages à la toiture s’établissait alors à 15 000 $.
On a appris par exemple que pour les immeubles où la toiture avait une certaine vétusté, il y avait une probabilité plus forte de 55 % qu’un épisode météorologique extrême comme un derecho entraîne une réclamation. L’outil développé sert désormais à évaluer l’état de la toiture et à déterminer les recommandations à faire au client afin d’éviter des dégâts supplémentaires.
Greg McCutcheon cite l’exemple des panneaux solaires, lesquels sont désormais apparents grâce aux images aériennes. Ceux-ci ne sont pas toujours installés de façon adéquate sur les toits. Si tel est le cas, les pompiers peuvent se montrer hésitants à arroser une toiture en présence d’un panneau solaire, en raison de l’équipement électrique et électronique rattaché.
L’analyse des données
À la suite de la transaction avec Verisk, Opta a désormais accès à la plus grande banque de données sur les permis de construction au pays. On peut ainsi jumeler les images aériennes et les permis pour fournir une information pertinente aux courtiers afin de bien évaluer l’immeuble à assurer.
Cinq mois avant notre entretien, Greg McCutcheon raconte que sa firme a refait l’évaluation d’un immeuble à la demande du courtier, lequel était jusqu’alors assuré à une limite d’environ 500 000 $.
« Nous avons fourni une valeur assurable de 1,7 M$. La maison avait été jetée par terre et entièrement reconstruite et agrandie. Ni le courtier ni l’assureur n’était au courant. Quand on a demandé au client pourquoi il n’avait pas informé son assureur ou le courtier, il a simplement répondu : “Je ne pensais pas que c’était nécessaire, comme le coût de reconstruction était couvert.” Il ne s’est rien passé dans ce cas-là, mais c’est là qu’on voit qu’à l’échelle du client, un tel écart entre la valeur assurable et le coût de reconstruction peut créer un vrai problème », raconte-t-il.
Dans chaque province où le président d’Opta fait ses présentations ciblées vers les courtiers, il montre d’autres exemples d’immeubles où les écarts de couverture sont importants. « S’il y a un moment dans la relation entre le courtier et son client commercial où il est temps de parler de la limite de couverture, c’est maintenant. Les entrepreneurs comprennent ce qu’est l’inflation et son impact sur les coûts de reconstruction est facile à expliquer », insiste M. McCutcheon.
Il confirme que si un tel écart de couverture cause préjudice au client, cela pourrait mettre la solvabilité du cabinet de courtage en péril. Selon lui, une sous-évaluation importante de la valeur du bien à assurer relève de la responsabilité professionnelle, soit la police erreur et omission.
Selon Opta, quelque 75 % des immeubles commerciaux sont ainsi sous-assurés d’au moins 40 % par rapport à leur coût de reconstruction à la suite d’une perte totale.
L’évaluation des coûts de reconstruction doit être repensée, car même pour un seul intrant, il est parfois difficile de déterminer l’impact du prix d’un matériau. Greg McCutcheon donne l’exemple du bois d’œuvre, dont le prix a beaucoup fluctué de 2020 à 2023. « Je ne connais aucun propriétaire de scierie qui veut revenir au prix affiché avant la COVID », dit-il.
Malgré les efforts de la Banque du Canada pour resserrer la politique monétaire et augmenter les taux, il ne pense pas que le coût des matériaux ou des salaires reviendra à une indexation moyenne de 2 % par année, même une fois que le taux d’inflation aura été maîtrisé.
La concurrence
Pour estimer les coûts de reconstruction dans le secteur résidentiel, il y a quatre calculateurs. Il y en a deux pour l’immobilier commercial. Opta est présente dans les deux cas.
Greg McCutcheon a commencé à s’intéresser aux valeurs assurables dès la fin de la décennie 2000. Lors d’une réunion avec l’industrie en 2009, les autres firmes actives dans le calcul des coûts avaient avoué que, pour le marché canadien, elles avaient accès à un échantillon trop restreint de réclamations impliquant une perte totale.
Pour obtenir un tel exemple, il ne devrait pas être nécessaire de mettre le feu dans une maison, lance-t-il en blaguant. Le développement du système iClarify qui est désormais exploité par Verisk Canada a été fait pour obtenir cette estimation du coût de reconstruction.
« Quand nous avons lancé le produit, on l’avait élaboré en pensant créer un outil pour les courtiers, mais on se rend compte que ce sont les souscripteurs qui s’en servent pour estimer la valeur assurable des immeubles », dit-il.
Après plusieurs années de croisade à tenter de convaincre l’industrie de concilier le coût de reconstruction aux valeurs assurables, Greg McCutcheon constate que le problème resurgit de manière épisodique tous les 7 ou 10 ans.
Il n’y a pas qu’en habitation où les assureurs de dommages constatent les effets de l’inflation. En assurance automobile, le coût moyen des réclamations est également en hausse constante.
Quelques semaines avant notre entretien, le PDG d’Opta a rencontré le dirigeant principal de la plus grande firme de souscription de risques en assurance des entreprises. Ce dernier expliquait qu’il avait voulu estimer le coût de reconstruction d’un garage avec un atelier de peinture. Il y avait un écart de 600 % entre la limite de la garantie et le coût réel en cas de perte totale.