Du nouveau pour les ateliers de carrosserie indépendants et pour le secteur de l’assurance de dommages automobile : la Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens, dite Loi 29, a été adoptée par l’Assemblée nationale du Québec.

Toutefois, l’obligation pour les constructeurs et concessionnaires de fournir les données de leurs véhicules aux carrossiers lors de réparations ne prendra pas effet avant deux ans. 

La nouvelle loi prévoit que les dispositions visant la réparation dans le domaine automobile entreront en vigueur au plus tard le 5 octobre 2025, deux ans presque jour pour jour après son adoption. 

Pour sa part, la mesure « anti-citron » qui touche des véhicules victimes d’ennuis mécaniques à répétition est entrée en force à la sanction de la loi, soit le 5 octobre 2023.

Les données pas gratuites 

Dans le projet de loi initial, piloté par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, il était prévu que les données dont ont besoin les carrossiers et mécaniciens indépendants lors de réparations seraient disponibles gratuitement. Ce ne sera pas le cas.

À la suite d’amendements de dernière minute lors de l’étude détaillée du projet de loi, l’élément de gratuité a été enlevé après les représentations des manufacturiers et des concessionnaires qui ont demandé à ce qu’elles soient vendues à un prix raisonnable. Une exigence qui a été acceptée par le gouvernement. 

Mais qu’est-ce qui sera considéré comme un prix « raisonnable » ? 

« Le prix d’une pièce de rechange, d’un renseignement nécessaire ou d’un service de réparation est raisonnable s’il ne décourage pas l’accès par le consommateur ou son mandataire, indique le porte-parole de l’Office de la protection du consommateur, responsable de l’application de la Loi 29, Charles Tanguay. Un règlement peut déterminer des cas dans lesquels un tel prix est présumé décourager l’accès par le consommateur ou son mandataire. Un tel règlement doit entrer en vigueur au plus tard le 5 octobre 2025 ». 

Les carrossiers satisfaits 

Malgré ce délai de deux ans, l’industrie de la carrosserie est grandement satisfaite de l’adoption de la Loi 29 et de ses dispositions sur le droit à la réparation automobile dans l’après-marché et l’accès aux données par les ateliers indépendants. L’Association des industries de l’automobile du Canada (AIA) a salué ce geste et décrit le Québec comme un précurseur en cette matière au Canada, ce que très peu de législations avaient osé faire à ce jour en Amérique du Nord, même aux États-Unis. 

La Corporation des carrossiers professionnels du Québec (CCPQ) s’est aussi réjouie de cette avancée au Québec même si de son propre aveu, l’application va certainement s’avérer « un exercice complexe et fort probablement vertigineux ». 

« L’adoption de la Loi 29 portant sur l’obsolescence et le droit à la réparation est sans contredit une très grande victoire tant pour le consommateur que pour tous les protagonistes qui œuvrent sur la même plateforme que la nôtre », a commenté au Portail de l’assurance le président de la CCPQ, Michel Bourbeau, qui décrit la démarche de Québec comme une « initiative nouvelle et audacieuse ». 

« C’est en toute légitimité qu’il appartient au consommateur de pouvoir faire réparer son véhicule à l’endroit de son choix, ajoute-t-il. La Loi 29 vise à sauvegarder l’offre de service à la grandeur du Québec. Économiquement parlant, il s’agit d’un impératif, entre autres, pour les régions éloignées. Ce sera également une étape importante pour la sauvegarde et/ou la pérennité de plusieurs entreprises de carrosserie. » 

Les concessionnaires vont se soumettre 

L’État américain du Massachusetts a voulu faire la même chose que le Québec il y a quelques années et les manufacturiers ont riposté avec des poursuites en Cour. La Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ), en bon citoyen corporatif, dit son PDG, Ian P. Sam Yue Chi, a accepté de se soumettre aux dispositions de la loi et d’écarter la voie de la contestation devant les tribunaux après avoir obtenu que les données puissent être vendues et non pas données et des limitations à propos de la clause « anti-citron ». 

Néanmoins, la CCAQ rappelle que ces données sont extrêmement importantes, car elles ont un impact sur la sécurité et qu’elles contiennent des informations sensibles. Elle craint même que, parfois, des ateliers réclament plus de données qu’elles n’en ont réellement besoin pour certaines réparations et déplore que le gouvernement n’ait prévu à ce jour aucun garde-fou.