Des dizaines de pharmaciens vont payer très cher pour avoir passé une entente illégale avec un fournisseur de médicaments à qui ils avaient donné accès à la liste de leurs patients et permis de mettre une note à leur dossier afin de leur proposer une molécule de substitution.
Le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens a infligé des amendes variant 45 000 $ et 52 500 $ à ses membres qui avaient pris part à cette forme de collusion avec Angita Pharma. Plusieurs ont reçu leur sanction ces dernières semaines et un grand nombre de leurs collègues devront sortir leur carnet de chèques puisqu’au total, 64 pharmaciens ont été trouvés coupables d’avoir participé à ce stratagème.
Accès à des informations confidentielles
Angita Pharma est un petit fournisseur pharmaceutique québécois de Boucherville qui propose des médicaments génériques. Il ne peut vendre qu’à des clients de régimes privés d’assurance médicaments.
En 2019, l’entreprise avait conclu des arrangements avec un grand nombre de pharmaciens afin qu’ils offrent leurs médicaments en substitution à des patients qu’elle avait ciblés en échange de ristournes avantageuses.
L’un des représentants d’Angita se rendait dans l’une des pharmacies qui avait adhéré à cette entente. Sur place, il avait accès à une liste qui comprenait les noms et prénoms de patients, leur date de naissance, le nom du médicament qui leur était prescrit, sa posologie et le nom de leur assureur.
Grâce à ces informations confidentielles, il inscrivait au dossier de certains patients sous l’onglet « Ordonnance » une note qui incitait la pharmacie à leur suggérer de substituer à leur médicament une molécule vendue par Angita.
Lors du renouvellement, un message « pop-up » apparaissait au dossier de ce client. Celui-ci avisait le pharmacien ou un assistant technique de lui proposer le médicament d’Angita.
Le journal des activités du représentant de la compagnie démontre qu’il a eu accès aux dossiers de plus de 2 200 patients dans une seule pharmacie. Au total, des dizaines de milliers de personnes ont pu se faire offrir les molécules d’Angita avec la complicité de leur pharmacie sans qu’ils sachent que cette substitution se faisait au profit de la succursale.
Stratagème découvert
La combine a été découverte à la suite d’une dénonciation faite à l’Ordre des pharmaciens. Elle a conduit à une vaste enquête qui a mené à des plaintes disciplinaires à l’égard de 73 pharmaciens. Du nombre, 64 ont été trouvés coupables, 9 ont été acquittés et un autre est décédé durant le processus disciplinaire.
Les premiers jugements dans cette affaire sont tombés le 30 août dernier. Les pharmaciens Sylvain Arseneault, Claude Bourgoin, Martin Chouinard, Ramez Farag, Georges Ibrahim, Julie Lessard, David Patry, Eugène Sabbagh et Manuel Tremblay ont été trouvés coupables sous les trois chefs suivants et écopés d’une amende de 45 000 $.
Ventilation des amendes
Cette somme se décompose comme suit :
– Avoir fourni un service pharmaceutique à ses patients en collaborant avec une personne agissant pour le compte d’Angita : 10 000 $
– Avoir fait défaut de respecter le secret de renseignements de nature confidentielle en permettant à une personne agissant pour le compte d’Angita d’avoir accès aux dossiers des patients : 25 000 $
– Avoir fait usage de renseignements de nature confidentielle en vue d’obtenir un avantage pour lui-même alors qu’il s’est servi du profil pharmaceutique de ses patients dans le but de favoriser la substitution de médicaments d’Angita : 10 000 $
Ceux qui ont six accusations contre eux plutôt que trois devront payer 2500 $ par chef d’infraction supplémentaire, soit 7500 $ qui s’ajouteront aux 45 000 $ pour un total de 52 500 $.
En plus, les pharmaciens pris en faute devront inscrire au dossier de chaque patient qui avait été manipulé à son insu une note pour l’aviser que sa pharmacie a agi en contravention de son Code de déontologie et lui révéler pourquoi on leur proposait une substitution en faveur d’un générique Angita.
Tous les pharmaciens condamnés ont renoncé irrévocablement à exercer leur droit de loger un appel du jugement rendu à leur endroit et de la sanction qui leur a été imposée par leur Conseil de discipline.
Les jugements et les amendes à l’égard des 41 autres pharmaciens déjà trouvés coupables d’avoir participé à cette inconduite seront rendus sous peu.