Des avancées extraordinaires ont été réalisées ces 15 dernières années en oncologie et en cardiologie, mais les connaissances ont peu progressé à propos de l’encéphalomyélite myalgique (EM/SFC), plus connue sous le nom de syndrome de fatigue chronique. Véritable bête noire des assureurs et des médecins, le récent rapport produit par l’Institut d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) n'aide pas plus dans le diagnostic.
Le ministère de la Santé avait demandé à l’INESSS d’élaborer de nouveaux outils fondés sur les connaissances les plus à jour de l’EM/SFC. Les chercheurs québécois ont ainsi puisé dans des sources internationales reconnues. L’INESSS publie une synthèse de leurs travaux dans un rapport qui vient de paraître en avril 2023, « Prise en charge de l’encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique ».
Pas de définition reconnue
Le premier constat qui s’est dégagé est qu’il n’existe toujours pas de définition reconnue du syndrome de la fatigue chronique. Il forme une maladie complexe qui touche plusieurs systèmes et entraîne des symptômes qui fluctuent en nature et en intensité de façon imprévisible chez une même personne. Quatre degrés de gravité sont définis en fonction des impacts sur l’autonomie : légère, modérée, grave et très grave. L’EM/SFC est associée à l’état adulte, mais elle peut aussi toucher des enfants.
Elle est connue, mais finalement peu répandue. Sa prévalence serait d’environ 1 %. On ignore combien de personnes en sont atteints au Québec.
Si la maladie touche des personnes de tout âge, de tout genre et de tout groupe ethnique ou classe socioéconomique, elle affecte plus particulièrement les femmes et ses victimes ont souvent de 30 ans à 60 ans.
Maladie physique, pas psychologique
Des documents consultés par l’INESSS, il ressort que l’EM/SFC est une maladie physique et non psychologique. D’ailleurs, aucun chercheur ne reconnaît d’efficacité à la thérapie cognitivo-comportementale à guérir le syndrome de fatigue chronique.
En outre, même en 2022-2023, ses causes demeurent incertaines. « Certains éléments déclencheurs sont proposés comme une infection ou un traumatisme significatif, écrit-on, mais ils ne sont pas toujours présents et leur relation causale n’est pas démontrée », écrit-on. Son diagnostic repose sur la présence de certaines manifestations sur une période donnée, une réduction significative de la capacité fonctionnelle et l’exclusion d’autres conditions qui pourraient expliquer les symptômes. Des chercheurs recommandent de suspecter la maladie à partir de 6 semaines de persistance chez les adultes et de 4 semaines chez les enfants et les jeunes.
L’EM/SFC est une condition qui fluctue dans le temps et dont l’évolution à long terme varie d’une personne à l’autre. Le pronostic pourrait être meilleur pour les enfants et des périodes de rémissions plus ou moins longues peuvent survenir chez les personnes atteintes. Toutefois, celles-ci sont rarement complètes.
Les manifestations cliniques de la maladie
Le syndrome de fatigue chronique s’exprime sous plusieurs formes. Les principales manifestations sont :
- l’asthénie : Il s’agit d’une fatigue générale incapacitante qui s’exprime par un manque de force à la fois physique et moral et qui ne passe pas malgré le repos. La fatigue peut être amplifiée par une activité de faible intensité, l’immobilité, la position debout et le stress physique ou émotionnel. La personne a besoin de repos ou de siestes pour passer à travers la journée ;
- des malaises post-effort dont les effets sont disproportionnés par rapport à l’intensité de l’activité réalisée. Ces malaises se produisent typiquement de quelques heures à 72 heures après l’effort et peuvent durer des jours, des semaines, voire des mois. Différents facteurs peuvent influencer ces malaises post-effort, dont les stimuli sensoriels, le son, la lumière, le toucher, les facteurs environnementaux (la proximité d’allergènes, les changements de température et les changements de saison) et la position verticale stationnaire ;
- la douleur et l’intolérance orthostatique sont souvent évoquées ainsi que la sensibilité à des produits chimiques et des problèmes gastro-intestinaux. Les personnes atteintes de l’EM/SFC, particulièrement celles à des niveaux graves ou très graves, sont à risque que leurs symptômes soient confondus avec des signes de maltraitance ou de négligence.
Difficultés de diagnostic et de traitement
Le problème pour les assureurs aux prises avec des demandes d’invalidité liée à cette maladie, c’est la difficulté d’en arriver à un diagnostic clair. Les personnes atteintes n’ont souvent pas l’air malades et les résultats de l’examen physique peuvent être normaux, particulièrement en ce qui a trait aux poumons, au cœur, aux articulations et aux nerfs crâniens et sensitifs.
Il n’existe aucune analyse qui permet de confirmer le diagnostic de l’EM/SFC. Ses manifestations sont communes à d’autres conditions cliniques.
Il n’existe pas non plus de traitement pour guérir cette maladie. L’approche thérapeutique devrait combiner des interventions pharmacologiques et non pharmacologiques. L’exercice gradué ne permet pas de guérir le syndrome de fatigue chronique. Ils peuvent au contraire entraîner une exacerbation des symptômes.
Capacité à travailler
Selon l’expérience de certains cliniciens, il est rare que les gens atteints soient en mesure de travailler à temps plein. Ceux qui peuvent le faire le font généralement à temps partiel. Des périodes d’arrêt pourraient être inévitables même si la personne a accès à des accommodations particulières. Un retour prématuré ou une augmentation trop rapide de la fréquentation pourrait causer une rechute ou l’aggravation des manifestations cliniques.
Certains cliniciens ont remarqué dans leur pratique que les directives des médecins concernant l’invalidité ne sont pas toujours en phase avec la réalité des personnes atteintes d’EM/SFC.
Ce qui se dégage de ce rapport de l’INESSS, autant pour les médecins que les assureurs, est que les connaissances à l’endroit du syndrome de fatigue chronique ont peu évolué et qu’il n’existe pas encore d’outils précis de confirmation et de traitements de la maladie. Pour ces raisons, la pertinence de mettre à jour les recommandations de 2023 sera réévaluée en 2027.