Pour assurer une relève à son entreprise, il est primordial d'avoir un bon plan de développement des compétences. Selon la firme de conseil stratégique Drakkar, il faut toutefois suivre ce plan à la lettre et motiver ses employés à en être partie prenante.Le 25 février dernier, Drakkar a réuni quelques cadres de l'industrie de l'assurance au 357C pour discuter avec eux de l'enjeu de la relève. Le Journal de l'assurance était présent. La firme a aussi relevé quelques écueils souvent rencontrés par les gestionnaires de l'industrie pour combler leurs besoins en relève et a proposé des solutions pour les contourner. Les suggestions soulevées à cette rencontre sont d'ailleurs applicables par tous les types d'entrepreneurs québécois.

Denis Deschamps, PDG de Drakkar, a mis de l'avant deux solutions pour régler le problème de la relève, non seulement pour l'industrie de l'assurance, mais aussi pour toutes les entreprises du Québec : les jeunes et les immigrants.

« Pour les jeunes, les entrepreneurs auront deux choix : investir dans leur relève ou regarder passer la parade. Les entrepreneurs devront trouver quelque chose pour les allumer. Toutes les organisations auront intérêt à respecter cet enjeu », dit-il.

Pour les immigrants, M. Deschamps croit que les entrepreneurs doivent prendre le « beau risque » de les intégrer. « La qualité de vie des Québécois est un atout majeur, mais cette qualité de vie s'améliore aussi ailleurs dans le monde. Bientôt, nous serons en concurrence avec le monde entier pour attirer les travailleurs immigrants », dit-il.

Sylvie Corbin, consultante associée chez Drakkar, note que les entrepreneurs québécois sont encore très réactifs face à la relève. Elle ajoute que le succès de plusieurs entreprises repose encore sur quelques employés talentueux. « Les entrepreneurs doivent se mettre à l'abri de la perte du savoir. C'est une menace qui nous guette. Si une entreprise ne motive pas ses employés talentueux, elle risque de les voir partir chez un concurrent. Quand un bon employé part, on voit souvent le reste de la cohorte suivre, ce qui amène une baisse de productivité pouvant aller jusqu'à 30 % », dit-elle.

Le manque de leadership au Québec est un autre problème qui nuit au développement de la relève, soulève Mme Corbin. Elle note que les entrepreneurs québécois devront avoir plus de vision pour pallier le manque de relève. Elle affirme que plusieurs barrières et mythes sont à briser.

Trop souvent, dit-elle, les entrepreneurs ont tendance à se fier à leur employé « Superman » et lui ajoutent une responsabilité, ce qui lui met une pression supplémentaire. De plus, bien des entrepreneurs jugent avoir des priorités et des défis plus importants à affronter que leur relève ou pensent que leur successeur réglera ce problème à leur place. Mme Corbin juge ainsi qu'ils ont tendance à sous-estimer ce défi.

« L'acheteur potentiel d'une entreprise va regarder si cette dernière a une relève. Les entrepreneurs doivent croire en leur capital humain et admettre qu'ils ne sont pas indispensables. Ils doivent penser à la relève dès le jour 1. Ils doivent aussi intégrer leur plan de relève aux objectifs et aux stratégies de l'entreprise », dit-elle.

Ingrédients de succès

Mme Corbin a aussi révélé quelques ingrédients de succès pour un bon plan de relève, que Drakkar nomme aussi plan de développement des compétences. En plus de tenir compte des objectifs de l'entreprise, ce plan doit aussi effectuer la planification de main d'œuvre.

« Il doit regarder où l'entreprise est vulnérable, compte tenu de l'expertise unique qu'elle a. Il faut aussi avoir de la vision. Il ne faut pas uniquement regarder le présent. Il faut se demander s'il n'y a pas un marché qu'on veut attaquer », dit-elle.

Mme Corbin souligne que plusieurs entreprises ont relevé le défi lié à leur relève en mettant sur pied un groupe de travail au sein de l'entreprise sur la question. Elle ajoute que la communication en lien avec la relève doit être claire sur le terrain, car sinon, tous les efforts du programme peuvent être bousillés.

Avoir un œil extérieur qui évalue le plan de relève peut aussi aider grandement une entreprise. Mme Corbin souligne même que recourir au mentorat ou au coaching est plus efficace que de faire suivre un MBA à un employé « prometteur ».

« Faire affaire avec un coach à l'extérieur de l'entreprise va permettre à l'employé prometteur de développer ses capacités, mais va aussi le rendre autonome par la suite », dit-elle.

Adopter un échéancier réaliste avec des objectifs réalisables est aussi un facteur clé dans le processus. Les objectifs énoncés doivent aussi être clairs. Ainsi, mobiliser l'équipe est beaucoup trop large comme objectif, note Mme Corbin.

Le processus de mise en marche d'un plan de développement des compétences doit aussi venir de la haute direction. « Beaucoup d'entreprises annoncent un projet en lien avec la relève. Toutefois, ils ne le mettent pas en plan, ce qui frustre beaucoup les employés. Pour réussir, on doit apporter un changement à la culture de l'entreprise vis-à-vis la relève », souligne Mme Corbin.

Pièges à éviter

Certains pièges sont aussi à éviter lors de la mise en place d'un plan de relève. Ainsi, il ne faut pas croire que laisser plus d'autonomie aux employés veut dire que les gestionnaires ont moins de contrôle à exercer. L'entrepreneur doit aussi accompagner ses employés dans ce processus et ne pas croire que personne ne peut faire les choses mieux que lui.

De plus, il ne faut pas céder devant des employés réfractaires qui ne veulent pas partager leur savoir. « Beaucoup d'entrepreneurs ont abandonné leur plan de relève pour cette raison. Il y a des moyens de faire participer ses employés. On doit leur démontrer le bien-fondé de cette démarche, car trop souvent, cet employé croit qu'une autre personne va prendre sa place », explique Mme Corbin.

La consultante note aussi qu'il faut être réaliste quand on choisit d'intégrer un employé prometteur dans le plan de développement des compétences. Si cette personne n'a pas de capacité de leadership, il est illusoire de penser qu'elle en développera du jour au lendemain.

« L'employé s'investit dans ce type de processus. S'il ne réussit pas, ça peut devenir une source de découragement pour lui. Nous avons d'ailleurs vu des cas où de tels découragements ont mené à des épuisements professionnels », dit Mme Corbin.

Motivation

L'aspect motivationnel est aussi un facteur clé dans un plan de relève. « Il faut leur donner le gout de reprendre contact avec l'apprentissage. Ce n'est pas tout le monde qui est à l'aise d'écouter des conférences ou de faire des lectures. Le plan de relève doit aussi s'adapter à cela. Il faut aussi se rappeler que nous avons toujours besoin de top performers et de superstars. Néanmoins, parfois, ça ne les intéresse pas d'être des employés prometteurs », dit-elle.

Par ailleurs, il faut aussi suivre les employés qui forment la relève. « Si on demande à un employé d'agir comme mentor, il faut prendre en compte que c'est une charge de plus dans ses fonctions », dit Mme Corbin.

Pour sa part, Denis Deschamps, PDG de Drakkar, affirme qu'il est très important de bien identifier les employés prometteurs et leur volonté à remplir ce rôle.

« Ayez une dernière question lorsque vous rencontrez un employé prometteur. Regardez l'intérêt réel de la personne à suivre ce processus. Il faut aussi voir l'intérêt qu'elle a pour l'entreprise. Si on ne le fait pas, on oublie l'élément essentiel au-delà de la compétence qu'on recherche », dit-il.