L’entrée en vigueur de la loi 16 et du Règlement établissant diverses règles en matière de copropriété divise, le 14 août 2025, ne réserve pas de surprises, mais il s’agit tout de même d’une bonne nouvelle pour le secteur de l’assurance, qui pourrait réinvestir le marché des condos. 

« C’est un bon pas dans la bonne direction, ça fait longtemps qu’on attendait ce règlement », affirme Jean-Sébastien Côté, conseiller principal chez Optimum Actuariat conseil inc. détenant le titre de Fellow de la Société des actuaires (FSA) et de l’Institut canadien des actuaires (FICA), en entrevue téléphonique avec le Portail de l'assurance

Même son de cloche du côté de Charles-Antoine Carra, comptable professionnel agréé (CPA), courtier en assurances de dommages, directeur de comptes et associé en assurance des entreprises pour le cabinet FORT. « Il n’y a rien d’extrêmement nouveau dans le règlement », nuance-t-il toutefois. « Les bons administrateurs de condos se livraient déjà aux exigences prévues dans la loi. » Selon lui, le règlement est bienvenu, mais son influence sur le secteur de l’assurance sera somme toute modérée.

Mieux entretenus, mieux assurables 

Essentiellement, le règlement force la tenue d’un registre (carnet) des travaux d’entretien et réparations à effectuer sur l’immeuble pour en assurer la longévité, des études portant sur les fonds de prévoyance afin de s’assurer de liquidités suffisantes pour ces travaux et l’attestation, par le syndicat de copropriété, de l’état du bâtiment. 

« Ce sont des mesures qui visent à protéger le public, notamment les acheteurs, qui auront droit à plus de transparence. Les syndicats seront tenus d’être plus rigoureux et de fournir des informations plus précises », indique M. Carra. 

M. Côté opine. « L’offre et la demande pourraient bien favoriser les condos mieux entretenus », mentionne-t-il.

Au cours des dernières années, plusieurs assureurs se sont graduellement retirés du marché des copropriétés. 

Charles-Antoine Carra

« Si les bâtiments d’habitations locatives des années 1960 et 1970 sont relativement bien construits, ceux qui ont été [érigés] entre 1990 et 2000 ont mal vieilli : les assureurs se sont retrouvés avec énormément plus de sinistres que prévu. Alors, certains ont choisi d’augmenter considérablement leurs tarifs et leurs franchises, tandis que d’autres se sont retirés », explique M. Carra. 

En vertu de la loi, le carnet d’entretien devra être établi par un professionnel membre d’un ordre professionnel ciblé, comme les technologues, les ingénieurs, les architectes ou les évaluateurs agréés du Québec, d’ici le 14 août 2028. Le carnet devra par la suite être mis à jour annuellement et révisé au plus tard chaque cinq ans par un professionnel. Les plus petits immeubles, c’est-à-dire ceux qui comptent huit logements ou moins sur trois étages et moins, pourront repousser cette révision jusqu’à dix ans. 

En tenant un registre d’entretien, il sera plus difficile pour les administrateurs du syndicat de copropriété de repousser indéfiniment certains travaux. 

« Ça va être très clair : les rénovations et l’entretien ne dépendra plus du bon vouloir des administrateurs du syndicat », note M. Carra. 

La refonte réglementaire forcera ainsi un meilleur entretien des immeubles, ce qui pourrait ramener des assureurs dans le marché des condos. L’augmentation de l’offre pourrait ainsi avoir un impact sur le prix des primes. 

« Au final, [la loi] va donner des bâtiments mieux tenus et, ultimement, ça va engendrer moins de réclamations », résume M. Carra. 

Un pas dans la bonne direction, mais… 

M. Côté estime toutefois que la nouvelle législation aurait pu aller plus loin, notamment en permettant aux actuaires de réaliser des études de fonds de prévoyance et en forçant ces études à couvrir un horizon de 50 ans plutôt que de 25 ans. 

Jean-Sébastien côté

« Le gros des travaux commence après 25 ans, précise-t-il. C’est là qu’il y a généralement de grosses surprises. » 

Le conseiller déplore cependant que le point de vue de beaucoup d’acteurs concernés par le projet de loi – juristes, avocats, notaires, ingénieurs et syndicats de propriété – ne semble pas avoir été considéré par le gouvernement, malgré l’important nombre de mémoires lui ayant été acheminé. 

La clarté de certaines obligations et la reddition de comptes qui suivra demeure à être établie, souligne M. Côté.

« Ça va prendre une police pour mettre cette responsabilisation en forme, dit-il. Je pense qu’il faudra s’assurer que les administrateurs des syndicats de copropriété soient au courant de ce qu’ils font et de leurs responsabilités. » 

Le règlement venant d’être publié dans la Gazette officielle du Québec, la Chambre de l’assurance s’est réservée de tout commentaire. L’organisation préfère prendre le temps de bien lire le document et « de bien l’analyser afin d’en comprendre toutes les implications pour [ses] certifiés », a-t-on indiqué dans un courriel.