La Cour d’appel du Québec a confirmé le 21 février dernier un jugement rendu en 2018 de la Cour supérieure dans lequel un recours collectif avait été autorisé contre trois bannières pharmaceutiques, soit Uniprix, Jean Coutu et Pharmaprix.
Le recours a pour but d’indemniser les assurés couverts par un régime d’assurance privé, pour qui les frais et les honoraires facturés, qui ne sont pas divulgués, seraient trop élevés par rapport à ceux facturés aux assurés du régime public. C’est ce qu’expliquait le porte-parole du recours, Bernard Côté, il y a environ deux ans.
Montrer l’erreur de droit
Lorsqu’une autorisation pour un recours collectif est accordée, « la Cour doit faire preuve de déférence à l’égard du jugement de première instance », peut-on lire dans le jugement déposé le 21 février dernier.
Ainsi, écrivent les juges Nicoles Duval Hesler, Stephen W. Hamilton et Stéphane Sansfaçon, pour qu’il y ait intervention dans la décision, les appelantes devaient prouver que la juge Marie-Claude Armstrong avait commis une erreur de droit dans son jugement.
« Les appelantes soutiennent que la juge a commis trois erreurs. Tout d’abord, elles soutiennent que l’intimé ne dispose pas d’un recours personnel contre elles. Ensuite, elles estiment que la prémisse fondamentale du recours contredit le régime mis en place par le législateur. Finalement, elles énoncent que l’action collective ne pouvait être autorisée contre les 22 pharmacies appelantes en l’absence de toute preuve relative à leurs pratiques de facturation et alors qu’elles ont été choisies au hasard par l’intimé », peut-on lire dans le jugement de la Cour d’appel.
Au final, les juges ont rejeté les trois arguments.
Intérêt personnel
Les appelants affirmaient que le représentant, M. Côté, n’était pas en mesure de « démontrer son intérêt direct et personnel à poursuivre ».
Ils soutenaient, après avoir calculé le montant payé par M. Côté pour ses médicaments, que « l’intimé aurait payé plus cher s’il était couvert par la [Régie de l’assurance maladie du Québec] et n’a donc pas de cause personnelle contre elles », peut-on lire dans le jugement.
Or, selon les juges, « la prétention des appelantes est mal fondée ». Ils indiquent que l’enjeu mis de l’avant par M. Côté ne concerne pas le fait de payer plus cher ses médicaments, mais qu’il paye plus en frais et honoraires. L’argument a donc été rejeté.
Le droit des pharmaciens ?
Les appelantes affirmaient également que le recours « est voué à l’échec parce que la dernière phrase de l’article 8.1 de la [Loi sur l’assurance maladie (L.a.m)] permettrait selon elles à un pharmacien de facturer à une personne ayant souscrit à une assurance collective des honoraires supérieurs pour l’exécution ou le renouvellement d’une ordonnance à ceux applicables aux personnes assurées par la Régie », peut-on lire dans le jugement.
Toutefois, selon les juges, cette partie de la loi a été mise en place en 2015, alors que « le groupe autorisé remonte au 25 octobre 2013 ».
Leur argument n’adressait pas non plus la question de la non-divulgation des frais et honoraires facturés, affirment les juges, faisant en sorte que cet argument est également rejeté.
Preuves suffisantes ou pas ?
Finalement, les appelantes soutenaient que le représentant n’avait pas de preuve quant à l’implication des pharmacies autre que celle où il va acheter ses médicaments.
« En effet, à l’exception de sa réclamation personnelle, l’intimé fonde sa demande d’autorisation sur plusieurs études et articles, dont l’un d’entre eux indique que les personnes ayant souscrit à une assurance collective paient au moins 17 % de plus que celles étant assurées par la Régie », peut-on lire dans le jugement.
Toutefois, les appelantes avaient la chance de se faire exclure lors de l’autorisation. « Il est en effet permis aux défenderesses d’établir l’invraisemblance ou la fausseté des faits allégués », indiquent les juges, qui affirment que la preuve montrée était suffisante.
La suite des choses
Le recours collectif autorisé en 2018 ira donc de l’avant.
Notons que Bernard Côté estimait en première instance qu’un montant de près de 4 millions de dollars pourrait être versé aux assurés affectés par ces frais et ces honoraires.