Moderniser les approches de distribution sera nécessaire pour tirer profit des nouvelles perspectives sur le marché de l’épargne et de la retraite. C’est ce qu’ont indiqué trois assureurs vie lors du colloque sur la retraite du Cercle finance du Québec, tenu le 5 novembre, à Québec. Jean-François Chalifoux, de SSQ Assurance, Robert Dumas, de Financière Sun Life, et Stéphane Rochon, d’Humania Assurance, y ont pris la parole.
Le déploiement numérique des assureurs vie a été abordé. Stéphane Rochon estime que l’industrie de l’assurance a un certain retard en la matière. Au niveau du représentant chargé de la distribution, il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire, estime-t-il. « Certains n’utilisent même pas encore un système de gestion de la clientèle (CRM) », dit-il.
Les couts de transaction demeurent très élevés dans les produits d’assurance et d’investissement. M. Rochon estime que l’utilisation de la blockchain permettra de les réduire de manière substantielle. La numérisation permet déjà à l’intermédiaire de traiter un plus grand nombre de polices et de servir un plus grand nombre de clients. Le rôle du conseiller est appelé à évoluer en conséquence, souligne-t-il.
Développer des algorithmes
Robert Dumas croit que le développement des algorithmes en intelligence artificielle permettra de traiter plus rapidement les dossiers d’assurance invalidité pour des problèmes de santé mentale, par exemple. Par ailleurs, il souligne que les progrès sont déjà notables en analyse de données pour mieux lutter contre la fraude, pas tant chez les clients, mais plutôt du côté des fournisseurs de services assurés.
L’évolution du dossier de l’assurance médicaments au Canada sera aussi à surveiller selon M. Dumas. Elle pourrait avoir un impact important sur la disponibilité de certains produits et affecter la structure de couts des assureurs privés, estime-t-il.
Jean-François Chalifoux ajoute que les assureurs et les gestionnaires de patrimoine n’ont pas le choix de modifier leur approche client, car les consommateurs sont de plus en plus exigeants et pressés. C’est ce constat qui a incité SSQ Assurance à devenir partenaire de la plateforme Dialogue en assurance santé. « C’est notre défi éthique des prochaines années, comment arriver à créer de la valeur pour les clients en utilisant les nouvelles technologies », dit-il.
En finance et investissement, les progrès de l’intelligence artificielle créeront de grands bouleversements dans les prochaines années, indique Stéphane Rochon, grâce au potentiel prédictif rendu possible par l’analyse de quantités massives de données.
Jean-François Chalifoux raconte que son fils de 19 ans était totalement opposé à l’idée de devoir appeler à sa caisse populaire pour prendre un rendez-vous avec un conseiller afin de placer ses épargnes tirées de son emploi d’été. En moins de 48 heures, il avait ouvert un compte chez WealthSimple. « Les jeunes ont des attentes, et les barrières à l’entrée, ça ne les concerne pas. Les modèles d’affaires doivent évoluer », dit-il.
Rendre l’assurance accessible
Chez Humania Assurance, la mission première d’Humania est de « rendre l’assurance accessible ». « Ça a l’air simple, une mission en trois mots, mais c’est très compliqué », dit son PDG Stéphane Rochon.
Cette accessibilité se traduit en termes de prix, de marché, d’admissibilité, de types de produits, de processus d’achat, de l’approche et de l’expérience client, de même qu’en matière de transparence dans le libellé des contrats. « Le contrat doit être compris par ma fille de 22 ans qui étudie en ergothérapie à l’Université Laval, alors que ça ne l’intéresse pas du tout », dit-il.
En matière d’admissibilité, Humania a été l’un des premiers assureurs au Canada à offrir des garanties individuelles aux clients séropositifs, et ce, dès 2012. « Notre ambition n’est pas d’enlever des parts de marché aux concurrents, mais de faire grossir la tarte en ciblant des clients qui sont délaissés par les autres », précise-t-il.
Pour y arriver, Humania développe tous les volets de sa plateforme technologique et utilise les outils numériques pour mieux joindre ses clients. La numérisation des activités s’est produite littéralement par hasard, en 2012, lorsque l’assureur a voulu offrir des garanties à des clients refusés par d’autres assureurs : malades récents d’un cancer, professionnels de métiers à risque, ex-toxicomanes ou personnes ayant un dossier criminel, etc. « Il y a 200 millions de refus chez nos concurrents, il y a un marché là », souligne-t-il.
Pour éviter les erreurs lors de la souscription, l’adoption d’une solution numérique était essentielle. Les économies d’échelle ont permis de faire croitre rapidement ce volet. « La première police vendue en ligne coute cher, mais la deuxième, une petite fraction de ce prix-là, et toutes les autres après aussi », dit M. Rochon.
Discuter avec les jeunes
Les réflexions de Stéphane Rochon sont axées sur des conversations avec des jeunes de moins de 30 ans et des gens de plus de 60 ans. La plateforme Hugo, lancée en 2016, a permis de réduire le délai d’émission d’une police, qui est passé de 36 jours en moyenne dans l’industrie à moins de 45 minutes aujourd’hui. Fait plus intéressant, l’algorithme permet de réaliser, dans six cas sur 10, la souscription en moins de 30 minutes.
Humania cherche à innover en lançant des produits dans des marchés peu exploités, comme c’est le cas pour sa plateforme 5575, axée sur les clients de la génération du babyboum, lesquels représentent encore 28 % de la population. La plateforme aussi la possibilité de souscrire en ligne des produits d’assurance visant les clients ayant déjà souffert d’un cancer.
Regain de popularité des rentes viagères
L’assureur offre des produits de placement, comme les rentes viagères. « C’est certain à 100 % que ça revient à la mode, nous sommes en fin de cycle de croissance sur les marchés », dit M. Rochon. On ne peut vendre ce produit en ligne et sans accès à un conseiller, poursuit-il. C’est pourquoi chaque assureur doit arriver à se distinguer dans son offre de produits s’il veut rester en affaire.