Préoccupée depuis longtemps par l’influence indue des assureurs sur les courtiers en assurance de dommages, l’Autorité des marchés financiers réclame au gouvernement les moyens nécessaires pour assurer et préserver une saine indépendance dans l’intérêt des consommateurs.

L’organisme de règlementation et de surveillance ne fait pas reposer cette responsabilité uniquement sur les épaules des cabinets de courtage. Elle considère qu’il appartient « clairement » aux assureurs qui choisissent de distribuer leurs produits par le biais de courtiers de respecter la nécessaire indépendance de ces derniers.

Encadrer les pratiques des assureurs

Lors de la reprise en commission parlementaire mardi à Québec lors des consultations entourant le projet de loi 150, le PDG de l’Autorité, Louis Morisset, a recommandé au ministre des Finances, Carlos J. Leitão, d’encadrer davantage les pratiques des assureurs afin de réduire leur niveau d’influence sur des cabinets de courtage. M. Morisset a demandé les outils nécessaires pour faire respecter ce principe.

« Ce que nous proposons, a précisé M. Morisset, c’est de renforcer les solutions législatives proposées par le gouvernement par des principes qui seraient enchâssés dans la loi et qui viendraient donner une assise législative beaucoup plus forte pour renforcer l’indépendance nécessaire des assureurs à l’égard des courtiers. »

La nature des outils que réclame l’Autorité n’a toutefois pas été précisée par les représentants de l’organisme.


Louis Morisset

Louis Morisset | Photo : Denis Méthot


« La loi a été contournée »

L’Autorité dit avoir constaté dans le cadre de ses travaux de surveillance un réel problème de transparence : le consommateur ne sait pas s’il fait véritablement affaire avec un courtier indépendant d’un assureur, déplore-t-elle. L’Autorité a souligné qu’au fil des années, la loi a été contournée et estime que la décision du ministre d’assurer leur indépendance en l’inscrivant dans la loi est pleinement justifiée.

Le projet de loi 150 propose des modifications à la Loi sur la distribution des produits et services financiers (LDPSF) afin de revoir la propriété des cabinets de courtage en assurance de dommages et de préciser les obligations liées à l’utilisation du titre de courtier.

« Il faut, écrit-elle dans son mémoire, une solution législative qui permette de conserver le principe d’indépendance des courtiers à l’égard des assureurs. »

Non à l’interdiction totale

L’Autorité estime que les solutions inscrites dans le projet de loi 150 sont intéressantes et ont le mérite d’être claires. Elle juge toutefois que dans la situation actuelle du marché, ces dispositions risquent de ne pas avoir tous les effets escomptés. Elle est d’avis que les modalités des ententes de financement peuvent, dans certains cas, constituer des sources d’influence indues à l’endroit d’un courtier.

Alors, faudrait-il interdire le financement des cabinets par des assureurs ? L’Autorité ne le croit pas, car il permet à certains cabinets, reconnait-elle, de développer leurs activités et leur apporte une stabilité financière tout en permettant aux assureurs de consolider leur réseau de distribution.

L’Autorité estime que l’article 253 du projet de loi 150 ne permettra pas de mesurer si le financement accordé par un assureur à un courtier lui permet d’exercer une influence indue sur celui-ci, ou encore de le contrôler de facto.

Ajout d’une norme

Deux exigences sont envisagées par le gouvernement pour assurer une réelle indépendance des courtiers vis-à-vis des assureurs : offrir un nombre minimal de propositions de différents assureurs et des limites à la propriété des cabinets.

Ces mesures n’apparaissent toutefois pas suffisantes pour l’Autorité, qui propose l’ajout d’une norme additionnelle qui édicterait l’indépendance requise pour utiliser le titre de courtier. Ces principes renforceraient la distinction entre l’agent et le courtier, l’indépendance par rapport à un assureur, la transparence des liens ou la concentration d’affaires, l’absence de conflits d’intérêts ou d’influence indue.

« Une norme qui aurait un impact dans la réalité du marché d’aujourd’hui comme celui de demain et qui ne pourrait pas être indirectement contournée. »

Non à l’appellation de courtier affilié

Questionné par le ministre des Finances, Carlos J. Leitão, sur la suggestion qui lui a été faite la semaine dernière de créer une troisième forme de pratique et d’appellation, soit celle de « courtier affilié », le PDG de l’Autorité s’est montré poli tout en rejetant cette avenue.

« Il ne m’apparait pas que ce soit une idée porteuse, a-t-il répété à deux reprises. En bout de piste, le courtier a des obligations à l’égard de son client et se doit d’agir, de magasiner. Ultimement, si le courtier est affilié à un seul assureur, je crois que ça vient tronquer la notion que l’on veut préserver entre un agent et un courtier. »