Le croisement des données massives et de l’intelligence artificielle offre des perspectives d’utilisation extrêmement vastes et prometteuses en matière d’assurance et Intact Corporation Financière a décidé de s’y investir à fond pour accroitre ses parts de marché.
Elle injecte deux millions de dollars sur une période de cinq ans pour soutenir la mise sur pied et le fonctionnement de deux Chaires de recherche complémentaires à l’Université Laval, soit la Chaire de recherche industrielle – Intact Corporation financière sur l’apprentissage automatique en assurance et la Chaire de leadership en enseignement en analyse de données massives pour l’actuariat – Intact, avec l’objectif de devenir parmi les meilleurs au monde en intelligence artificielle dans le domaine de l’assurance.
« Intact travaille en intelligence artificielle depuis plusieurs années et le partenariat avec l’Université Laval se veut un accélérateur de ce que l’on fait », a commenté le chef de la direction de l’assureur, Charles Brindamour, en marge de l’annonce qu’il venait de faire à Québec.
Au cœur du modèle d’affaires
« Nous sommes une entreprise qui a mis les données au cœur de son modèle d’affaires depuis au-delà de 30 ans, a expliqué M. Brindamour en entrevue au Journal de l’assurance. Ce que cela va amener, c’est l’intégration de nouvelles connaissances en intelligence artificielle qui fera en sorte que l’on sera capable d’utiliser nos données de façon optimale et supérieure à ce que l’on faisait dans le passé. On va utiliser les données que l’on cultive depuis des décennies chez Intact et les combiner et les intégrer aux données externes, aux images, aux voix, pour améliorer l’expérience client. »
« Nous vivons dans un monde qui change très rapidement, en particulier au niveau des données », a souligné le chef de la direction d’Intact lors de sa présentation devant une centaine de personnes, dont plusieurs employés d’Intact de Québec. Elles se démocratisent, la quantité disponible de données dans le monde double aux quatre ans et le cout de stockage et de traitement a diminué par 30 sur 10 ans.
« Quand votre avantage compétitif comme entreprise évolue dans un environnement qui change aussi rapidement, on se doit d’être à l’avant-garde, a-t-il dit. Ça fait plusieurs années que l’on table sur les données massives et depuis trois ans sur l’intelligence artificielle ou l’apprentissage automatique plus spécifiquement. C’est naturel pour nous d’investir dans ce domaine et de travailler pour rester à l’avant-garde. »
Des spécialistes pour régler des problèmes
Ce partenariat entre l’université et l’assureur sera profitable aux deux parties. Intact y trouvera des spécialistes pour résoudre des problèmes qu’il ne peut régler seul et s’attend à faire un immense progrès dans l’utilisation des données massives et de l’intelligence artificielle en assurance. Près d’une vingtaine de professeurs et chercheurs de l’université et 37 étudiants gradués auront accès aux données d’Intact pour mener leurs recherches et développer leur expertise tout en comptant sur un financement de plusieurs millions sur cinq ans.
De leur côté, les clients d’Intact devraient en profiter sous forme de services plus simples et plus rapides et bénéficier, selon les cas, d’une meilleure protection ou de meilleurs taux. Pour leur part, les agents et courtiers d’Intact verront s’améliorer l’information pour prendre de meilleures décisions. Quant à l’entreprise, elle espère que cet investissement important lui permettra d’améliorer sa croissance et sa profitabilité. Ce savoir-faire développé grâce à la création des deux Chaires bénéficiera aussi à l’Université Laval en lui permettant d’accroitre son expertise dans le domaine de l’intelligence artificielle et de l’utilisation des données massives dans le secteur de l’assurance et mieux former encore ses étudiants en actuariat pour les préparer aux nouvelles réalités du marché.
Une nouvelle génération
Vice-président et chef des données d’Intact Corporation financière, Jean-François Lessard, lui-même diplômé en actuariat en 1992, est excité par cet engagement.
« Des projets potentiels pour valoriser les données en assurance, il y en a énormément, mais ici, on passe à une nouvelle génération de modèles et de techniques d’analyse, explique-t-il. L’intelligence artificielle, c’est une nouvelle expertise et d’avoir accès à des professeurs de qualité de plusieurs domaines nous permet d’essayer de résoudre des problèmes ensemble. Eux nous apprennent sur la science et nous, on les aide sur l’assurance, comment ça marche et les problèmes que l’on veut régler. Ils ne peuvent pas travailler sans données. Ils en ont besoin. On partage les nôtres avec eux. »
En tarification, souvent les compagnies d’assurance vont utiliser les GLM. Intact veut refaire sa tarification en utilisant l’IA, l’apprentissage automatique. « Pour cela, dit Jean-François Lessard, on a besoin pour nous aider à le faire de scientifiques comme les deux titulaires de la Chaire. À travers l’intelligence artificielle, on peut transformer Intact, on peut transformer l’industrie et ça nous positionne aussi pour nos ambitions mondiales, renchérit-il. On veut être parmi les meilleurs au monde dans l’intelligence artificielle dans le domaine de l’assurance. »
Réduire les questions de 50 à 10
Il cite en exemple les cotisations rapides par l’utilisation de l’apprentissage automatique et des données qui permettra de simplifier la relation avec la clientèle. Dans certains cas, on pourra passer d’une cinquantaine de questions à moins de dix pour établir un prix. Pour être aussi rapide, on ne peut toutefois pas poser trop de questions au client. L’assureur doit être capable d’aller chercher des données ailleurs, des données publiques, et/ou d’utiliser des images d’une entreprise, d’une maison ou d’une voiture qui lui ont été fournies par les clients eux-mêmes. Une recherche est actuellement en marche sur l’utilisation de ces images.
Mais pour interpréter le tout ou pour être capable d’aller chercher l’information qui permet aux clients de ne pas avoir à répondre à trop de questions, on a besoin d’IA, d’apprentissage automatique, précise Jean-François Lessard. Pour les clients, tout cela va se traduire par plus de simplicité, se réjouit-il.
Il pense aussi à des « chatbot ». Le client peut chatter avec un robot qui va répondre automatiquement à des questions simples. « On pourrait imaginer un monde où le client aura accès à ces outils pour être capable d’interagir plus facilement avec nous », dit-il.
Obtenir une meilleure tarification
Jean-François Lessard croit que le recours à ces outils sophistiqués permettra d’obtenir une meilleure tarification, encore plus précise qu’actuellement. Son patron, Charles Brindamour, a évoqué une meilleure équité. D’autres aspects de la relation assureur-assuré vont encore s’améliorer dans le futur.
« Est-ce que l’on serait capable de créer des modèles nous permettant de faire automatiquement des suggestions aux clients, soulève Jean-François Lessard ? C’est le genre de choses que l’on pourrait faire, lui dire que selon le profil de son entreprise, il devrait prendre telle ou telle protection. On n’en est pas là aujourd’hui cependant. »
Même si l’annonce de la création des deux Chaires a été faite le 18 janvier, la collaboration entre Intact et les professeurs et chercheurs de l’Université Laval est en marche depuis un certain temps et plusieurs modèles d’intelligence artificielle sont déjà en production actuellement.