Moins connues que ses cousines T10, T20 et T100, la T30 sort de l’ombre sous la poussée des nouvelles habitudes de crédit des Canadiens, marqués par des dettes à long terme plus que jamais.Les besoins temporaires des consommateurs s’allongent sans cesse. De plus en plus d’hypothèques sont souscrites pour un terme de 30 ans, voire de 40 ans. Le volume des marges de crédit souscrites sur les maisons explose suivant l’inflation de leur valeur marchande.

Même observation du côté de l’enseignement : les études post secondaires durent plus longtemps et coûtent plus cher.

S’assurer pour 10 ou 20 ans ne suffit plus, et les produits 100 ans n’ont de temporaire que le nom. Plusieurs assureurs voient donc la T30 comme la réponse idéale au nouveau profil de crédit des Canadiens. Certaines sont des T30 pures, d’autres sont des produits hybrides qui permettent de choisir différents termes au moment de la souscription.

Selon des données fournies par Transamerica Vie Canada, la marge de crédit est devenue le deuxième facteur d’endettement des Canadiens. Citant Statistique Canada, l’assureur a démontré que ce type de dette a crû de 133%, de 1999 à 2005, pour atteindre 68 milliards de dollars (G$) en 2005. De plus, la majeure partie de cette hausse était attribuable à des marges garanties par des biens immobiliers.

L’assureur cite aussi un projet pilote mené par la Société canadienne d’hypothèques et de logement et Hypothèques FirstLine, et qui montre que les périodes d’amortissement se prolongent chez ceux qui réhypothèquent leur maison.

D’après les données de Statistique Canada, les créances sur carte de crédit ont pour leur part augmenté de 58% entre 1999 et 2005, pour atteindre 26 G$. Le volume des prêts hypothécaires est pour sa part passé à 572 G$ entre 1999 et 2005, pour une croissance de 43%.

Cinq joueurs établis

Quelques assureurs et une banque occupent le marché de la T30 depuis un moment : Assomption Vie, BMO Vie, Co-operators, Primerica et Unité-Vie.

Depuis un peu plus d’un an, l’Assomption Vie offre une temporaire pour des termes allant de 10 ans à 35 ans, par tranche de 5 ans. Cette possibilité est venue s’ajouter à FlexTerm et FlexOption, ses produits temporaires vedettes qui ont permis à l’assureur de doubler son chiffre d’affaires en quatre ans.Directrice des ventes et du développement à l’Assomption Vie,

Guylaine Gauvin croit qu’un excellent potentiel réside dans l’assurance crédit pour les assureurs qui ont, selon elle, un produit de meilleure qualité que celui des banques. « Un assuré de 50 ans ne sait peut-être pas que la plupart des assurances crédit des banques cessent à 70 ans. Les temporaires des assureurs (sauf la T100) offrent en moyenne une couverture jusqu’à l’âge de 80 ans », souligne Mme Gauvin.

Aussi, l’assureur procède à la souscription du risque à l’émission de la police, alors que la banque le fait au moment de la réclamation, ajoute Mme Gauvin.

Nouveaux venus

Outre les joueurs établis, il y a de nouveaux venus. Parmi eux, Transamerica Vie Canada mène actuellement une forte campagne pour faire connaître son produit d’assurance temporaire 30 ans lancé le 21 janvier : la Temporaire Sélect 30.L’assureur place beaucoup d’espoir dans ce produit. « Nous nous attendons à voir ce produit compter pour 10 à 15% de nos ventes d’assurance temporaire d’ici 12 à 18 mois », déclare Joe Kordovi, vice-président et actuaire en tarification vie chez Transamerica. L’assureur a récolté 20 ventes les trois premières semaines. « Cela paraît peu mais c’est au-delà de ce à quoi nous nous attendions. » Au 20 février, les ventes de T30 représentaient déjà 2,5% des ventes totales de temporaires réalisées à cette date, a ajouté M. Kordovi.

L’assureur espère ainsi récupérer des parts de marché perdues dans la guerre des prix qui sévit en temporaire 10 et 20 ans. Après une croissance de 15 % dans ses nouvelles affaires d’assurance temporaire il y a deux ans, Transamerica a connu un recul de 12 % dans ce secteur en 2007. L’assureur détient pour 2007 la 5e place du marché en termes de primes de première année annualisées, avec une part de 8,1%.

« Nous avons décidé de cesser la guerre des prix et de créer quelque chose de nouveau qui ajoute de la valeur », lance M. Kordovi.

Les conseillers n’apprécient pas toujours cette guerre des prix, explique M. Kordovi. Il est en effet peu rentable pour un courtier de vendre une police de 300 $ de prime annuelle pour 30% de commissions de première année. Une telle rémunération incite les conseillers à délaisser le marché familial et des jeunes assurés, croit M. Kordovi.

Des milliards $ en revenus

Pourtant, ce marché recèle un énorme potentiel au Canada, révèle LIMRA International dans une récente étude canadienne nommée Billion Dollar Baby. L’étude estime à cinq millions le nombre de ménages canadiens qui ont besoin de plus d’assurance. D’ailleurs, LIMRA révèle qu’un ménage sur cinq n’aurait pas d’assurance du tout. Si tous ces ménages comblaient leurs besoins d’assurance, cela résulterait en des primes de deux milliards$ pour l’industrie.

L’étude démontre que près de 40% des ménages dont le revenu se situe entre 25 000$ et 99 900$ disent avoir besoin de plus d’assurance vie. Or, 73% des répondants pointent le prix trop élevé de l’assurance comme un frein.

Le produit T30 représente une réponse à ce problème, croit Joe Kordovi, puisqu’il incite les conseillers à approcher ces ménages. Il comporte en effet une prime et une commission plus élevées. Par exemple, la prime annuelle du produit montera à 725$ pour un homme non fumeur de 35 ans qui souscrit 500 000$ d’assurance, et offrira au conseiller une commission de première année de 45 %.

L’Industrielle Alliance a elle aussi joint la tendance. Voilà un an, elle a revitalisé un vieux produit de La Nationale Vie, Pick a Term. Il a été rebaptisé Multi-Terme pour le marché francophone.

Ce produit permet de sélectionner différents termes de 10 à 30 ans, selon les besoins de l’assuré au moment de souscrire le produit. Comme chez l’Assomption Vie, le montant d’assurance peut être nivelé ou décroissant.

La renaissance de ce produit se justifie par une tendance vers les marges de crédit hypothécaires et les hypothèques plus longues, confirme Marie-Élaine Gaudreau. « Nous observons que des hypothèques étalées sur 30 ans sont de plus en plus offertes aux jeunes clientèles, ajoute Mme Gaudreau. Les maisons sont de plus en plus chères. Il n’est pas rare de voir des termes hypothécaires de 35 à 40 ans. »