La Cour suprême du Canada a rejeté une demande d’autorisation d’appel visant une décision de la Cour d’appel du Manitoba. Ce refus confirme ainsi que Marsh Canada ltée n’aura à verser que 77 000 $, plutôt que les 1,5 million de dollars (M$) initialement accordés. Le tribunal d’appel avait conclu qu’aucune relation fiduciaire n’existait entre les courtiers impliqués dans la souscription d’assurance pour des entreprises manitobaines du secteur porcin.
Dans cette affaire, la demanderesse, Prairie Risk Management (PRM), faisant affaire sous le nom de Prairie Insurance Group, alléguait que Marsh Canada avait accédé illégalement à des renseignements confidentiels sur sa clientèle afin de solliciter ces mêmes clients après la fin de la relation entre PRM et Marsh.
Afin de bien servir ses clients, William (Bill) Duthoit, alors propriétaire de PRM, recueillait de l’information détaillée sur les opérations, bâtiments et autres infrastructures de chacun de ses assurés. Il compilait ces données dans une déclaration de valeurs permettant à son courtier (d’abord Aon, puis Marsh Canada) d’obtenir les protections nécessaires. Cette information était mise à jour chaque année.
Fait notable : aucun contrat écrit ne régissait la relation entre PRM et Marsh.
Lorsque Duthoit a décidé de se passer des services de Marsh pour traiter directement avec son courtier chez les Lloyd’s, Kevin McCredie, président du secteur agricole chez Marsh l’a invité à souper dans l’espoir de le convaincre de rester. Duthoit, de son côté, croyait que la rencontre visait à discuter d’un éventuel achat de son cabinet par Marsh.
Création d’un groupe secret pour recruter les clients
« Duthoit s’inquiétait des conséquences du programme de RMA (Risk Management Alliance) sur ses plus petits clients, en raison d’une franchise plus élevée », peut-on lire dans le jugement. Après le souper, il a envoyé un courriel pour poser des questions sur les franchises et les limites d’indemnisation. Ce message est resté sans réponse. Entre-temps, Marsh a mis sur pied un groupe de travail chargé de recruter les clients de PRM — à l’insu même de Brian Tascona, le représentant de Marsh affecté à Duthoit.
Lorsque ce dernier a appris que d’autres employés de Marsh tentaient de capter la clientèle de PRM, « il a été abasourdi », note la décision de la Cour du Banc du Roi du Manitoba. M. Tascona « a témoigné que l’industrie de l’assurance repose sur “la plus grande bonne foi, un niveau d’intégrité et d’éthique dans la relation avec le client, et je n’arrivais tout simplement pas à croire que Marsh ait agi ainsi, en contournant tout, je veux dire.” »
Les démarches de Marsh ont finalement permis à l’entreprise de récupérer 45 % du portefeuille de PRM, ce qui a eu une incidence sur le prix de vente de la firme lorsque celle-ci a été acquise par BFL Canada Insurance services (BFL). Une analyse présentée au procès, mais rejetée par la Cour d’appel, estimait que cette perte de clients avait réduit la valeur de vente de 917 525 $.
Le jugement initial, qui imposait une pénalité de 1,5 M$, reposait sur un rapport produit par Grant Thornton pour le compte de PRM. Le juge avait écarté une évaluation concurrente préparée par PricewaterhouseCoopers pour Marsh. Or, la Cour d’appel a renversé cette conclusion et retenu plutôt le montant recommandé par le rapport de PwC.
« Le juge de première instance a commis une erreur en concluant qu’une relation fiduciaire existait entre Marsh et la demanderesse », indique le jugement de la Cour d’appel.
« Même s’il n’a pas commis d’erreur réversible en déterminant que Marsh avait mal utilisé des renseignements confidentiels de PRM, les dommages accordés dépassaient largement les pertes réellement causées par cette conduite fautive. »
L’octroi de frais d’avocat sur la base avocat client a également été annulé dans la décision rendue en janvier 2025 par la Cour d’appel du Manitoba.
Le 14 août 2025, la Cour suprême a rejeté la demande d’autorisation d’appel déposée par PRM, avec dépens.