La croissance mondiale du produit intérieur brut (PIB) sera inférieure en 2025 et 2026 comparativement à l’année dernière, en raison de la guerre commerciale tous azimuts lancée par l’administration américaine, selon le dernier rapport sigma du Swiss Re Institute.
Ce contexte limite les perspectives de croissance des affaires pour les assureurs, si l’on considère le fait que le marché des États-Unis représente près de 45 % du volume de primes mondial.
Dans son rapport, publié le 9 juillet, Swiss Re prévoit ainsi que le PIB global passera de 2,8 % en 2024 à 2,3 % en 2025 et 2,4 % en 2026.
Cette tendance affectera aussi la croissance des primes d’assurance, qui atteignait 5,2 % en 2024. En 2025, l’augmentation sera limitée à 2 % et elle devrait s’établir à 2,3 % en 2026. Un an plus tôt, les économistes de l’Institut avaient estimé que la croissance du marché mondial de l’assurance atteindrait 3,2 % pour l’année 2024.
Les consommateurs réduisent leurs dépenses et les entreprises limitent leurs investissements en raison de l’incertitude provoquée par ces tensions commerciales. Cependant, ce ralentissement n’est pas encore observable dans les plus récentes données économiques, précise le réassureur.
Selon Jérôme Haegeli, économiste en chef du groupe Swiss Re, « si les perspectives de rentabilité des assureurs continuent de bénéficier de la hausse des revenus d’investissement, nous prévoyons que les droits de douane ralentiront la croissance du PIB mondial et, par conséquent, pèseront sur la demande d’assurance. À long terme, la politique tarifaire américaine constitue une nouvelle étape vers une fragmentation accrue du marché, ce qui réduirait l’accessibilité et la disponibilité de l’assurance, et donc la résilience mondiale aux risques ».
Principaux marchés
Le statut de « havre sécuritaire » des marchés financiers américains est ébranlé par le caractère volatil de la politique de l’administration en place depuis janvier 2025 touchant les échanges commerciaux. Cela incite les chercheurs de l’Institut à réduire leurs perspectives de croissance pour l’année en cours pour les économies les plus importantes.
Le PIB des États-Unis ne devrait croître que de 1,5 % en 2025, comparativement à 2,8 % en 2024. L’impact des barrières tarifaires imposées par Washington contribuera à réduire le bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement, ce qui poussera l’inflation à la hausse aux États-Unis.
« Les consommateurs américains seront les plus durement touchés par la politique tarifaire américaine et réduiront leurs dépenses en raison de la hausse des prix. Cela pèsera sur la croissance américaine, qui dépend principalement de la consommation des ménages », ajoute Jérôme Haegeli.
La situation de l’économie américaine devrait se stabiliser en 2026, mais à moyen et à long terme, « la réduction des flux de biens, de services, de capitaux et de personnes devrait constituer un obstacle structurel à la croissance potentielle », indiquent les auteurs du rapport.
Swiss Re souligne que le plan budgétaire de l’administration américaine ajoutera 4 100 milliards de dollars américains (G$ US) à la dette du pays dans la prochaine décennie. L’augmentation de cet endettement fera grimper le paiement des intérêts de 900 G$ US en 2024 à 1 900 G$ US en 2034.
Chaînes d’approvisionnement
Les risques et les coûts liés à la fragmentation croissante des économies et des marchés pourraient être importants pour l’assurance, poursuivent-ils. Les barrières commerciales, les perturbations des chaînes d’approvisionnement ou la relocalisation pourraient faire grimper l’inflation pendant des périodes prolongées, entraînant une hausse du coût des sinistres.
Pour les assureurs de dommages, la concurrence accrue dans les produits destinés aux particuliers et la fin du marché dur en assurance aux entreprises ont eu pour effet de limiter la croissance prévue du volume de primes à 2,6 % en 2025, comparativement à 4,7 % en 2024.
De manière plus positive, les tarifs douaniers et l’incertitude pourraient créer des opportunités pour les assureurs, ajoute le réassureur. « Une sensibilisation accrue aux risques est généralement bénéfique pour les assureurs, à condition que le choc économique ne soit pas sévère. C’est particulièrement le cas pour les branches d’activité offrant une protection contre les perturbations économiques et financières, comme l’assurance crédit et le cautionnement », indiquent les auteurs.
L’assurance maritime hors des États-Unis pourrait bénéficier d’un réalignement de la chaîne d’approvisionnement si d’autres blocs économiques intensifient leurs échanges commerciaux. « La demande d’assurance pourrait être stimulée par la croissance induite par les mesures de relance budgétaire, par exemple en Chine et dans l’Union européenne, ainsi que par un éventuel assouplissement des politiques monétaires », ajoute-t-on dans le rapport.
En assurance de personnes, la croissance du volume de primes passera de 6,1 % en 2024 à 1 % en 2025, puis à 2,4 % en 2026. Par contre, les perspectives de profitabilité des assureurs demeurent bonnes en raison des résultats d’investissement.
L’Institut prévoit une croissance annuelle moyenne de 2,5 % des primes d’assurance vie de 2026 à 2035 à l’échelle mondiale, soit 100 points de base de plus que la croissance annuelle moyenne de 2015 à 2024, qui s’établissait à 1,5 %.
Les assureurs vie aux États-Unis et au Canada bénéficieront encore de rendements de réinvestissement élevés, « même si la hausse des taux de défaut présente un risque de baisse pour les assureurs fortement exposés au crédit privé. La volatilité des marchés, la compression des écarts de taux de rente et l’augmentation des rachats pourraient annuler les gains, freinant potentiellement la croissance du résultat d’exploitation », souligne le réassureur.