La loi canadienne antipourriel demeure nébuleuse pour plusieurs. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), responsable de sa mise en application, reconnait qu’elle est mal comprise et que plusieurs de ses modalités demeurent méconnues.

L’Association du markéting relationnel a accueilli le directeur de la mise en application du commerce électronique du CRTC, Neil Barrat, le 3 mai, à Montréal. Il a parlé des enquêtes et des plaintes reçues par son organisme jusqu’à ce jour en trait avec la Loi C-28. Le Journal de l’assurance était présent.

« Presque quatre ans après son entrée en vigueur, on a réalisé qu’il y avait très peu d’information dans le public. Il reste beaucoup de travail à faire. Nous avons fait une dizaine de présentations d’information dans le but d’accroitre notre transparence. On veut s’assurer que les compagnies comprennent leurs obligations et comprennent comment la Loi C-28 les touche », a dit M. Barrat.

Le 1er juillet 2017 marquait la date du lancement de l’examen parlementaire et de la fin de la période de transition de l’application de la loi canadienne antipourriel. Elle règlemente toute forme d’envoi de messages commerciaux, mais aussi l’altération des données de transmissions, ainsi que l’installation de logiciels.

Plusieurs zones grises

Au niveau de l’envoi de messages commerciaux, la loi exige trois éléments : l’obtention du consentement de la part du destinataire ; l’identification des expéditeurs ; et la mise en place d’un mécanisme de désabonnement adéquat et efficace.

Le CRTC a jugé bon lors de la conférence de l’AMR de rappeler certains points mal compris du public, dans le but de prévenir une future enquête ou une violation de la loi. Le premier point abordé était celui des marques de commerce différentes. Lorsqu’il y a consentement de la part du client, ce consentement se fait toujours avec la personne morale. Donc, si le consentement est retiré, c’est valide pour toutes les marques associées avec cette personne morale, a rappelé M. Barrat.

Mise en garde

Pour ce qui est de l’utilisation des services de tiers, le CRTC met en garde les entreprises. « Plusieurs entreprises font affaire avec des tiers pour envoyer leurs messages. Si une violation de la loi se fait via l’envoi d’un message par un tiers, l’entreprise demeure responsable de ces violations », dit M. Barrat.

Plusieurs questions du public sont restées sans réponse précise, notamment celles portant sur les exceptions relatives au markéting B2B (business to business). Le CRTC a avoué qu’il était très difficile de prouver une relation d’affaires entre deux compagnies sans contrat et qu’il vaudrait mieux obtenir le consentement clair plutôt que de jouer sur cette exception.

De plus, le CRTC a affirmé que la loi considère qu’à chaque nouvelle transaction, le contrat d’affaires est renouvelé. Par exemple, si un client retire son consentement en se désabonnant d’une infolettre d’une entreprise et qu’il refait un achat auprès de la même entreprise, l’entreprise est autorisée à lui envoyer des messages électroniques commerciaux, comme le consentement tacite est renouvelé. Le client devra alors se désabonner de nouveau.

Gagner la confiance des clients

Selon le CRTC, la conformité entraine un impact positif sur la relation des entreprises avec les clients. « Les données montrent que les gens ouvrent davantage les courriels envoyés par les entreprises, parce qu’ils ont demandé à les recevoir », a affirmé M. Barrat.

Il a aussi réitéré que le CRTC surveillait le marché régulièrement afin de s’assurer de la conformité. Il ajoute qu’il est primordial pour toute entreprise d’avoir ses politiques de conformité par écrit. « Si jamais nous débarquons dans votre entreprise, ce n’est pas assez de répondre que vous avez des principes pour vous assurer du respect de la loi. Il faut des preuves. Un programme robuste est toujours la meilleure preuve dans le cas où on demande des renseignements ou que l’on pose des questions ».

Des suggestions

Selon le CRTC, le type de programme varie selon les entreprises. Pour une plus petite compagnie, il suffit d’avoir un document regroupant les clients avec les informations suivantes : qui a fourni le consentement ? Quand ? Comment ? Depuis quand date la relation d’affaires ? Le CRTC suggère aussi d’inclure au document les preuves d’achats et toute demande de désabonnement, s’il y a lieu. « Un bon programme de conformité peut vous permettre de bien vous défendre en cas d’enquête », a ajouté M. Barrat.

Il existe un lien entre la visibilité de la loi et le nombre de plaintes. « Quand nous faisons de la publicité, quand les médias parlent de la loi et quand nous rendons des décisions, on reçoit plus de plaintes », a reconnu Linda Ko, la gestionnaire de la mise en application du commerce électronique au CRTC, aussi présente à la conférence de l’AMR.

Jusqu’à présent, le CRTC a rapporté un total de 1,2 million de plaintes et a donné des procès-verbaux avec des sanctions administratives pécuniaires de près de 2 millions de dollars (M$). Les sanctions sont sévères, elles peuvent atteindre 1 M$ pour les particuliers et 10 M$ pour les entreprises.

Toutefois, les plaintes ne mènent pas nécessairement à une enquête ou à des amendes. « On fait de la surveillance. On va envoyer une lettre d’avertissement qui explique les obligations des entreprises », explique M. Barrat. Le CRTC mène « entre 5 et 10 enquêtes formelles » en ce moment, a-t-il ajouté.