Mario Albert est catégorique. L’Autorité des marchés financiers a définitivement tourné la page sur le scandale Norbourg. Il ne cache pas que son organisme en a tiré de grandes leçons et que l’évènement a façonné les pratiques du régulateur qu’il dirige aujourd’hui.
Le PDG de l’Autorité a tenu ce discours au Congrès 2011 de l’assurance et de l’investissement. Il participait à une session questions et réponses avec les congressistes. Il était accompagné de Patrick Déry, surintendant de l’assistance à la clientèle, de l’indemnisation et de la distribution, dont c’était la première sortie publique.

La conformité a été au cœur des questions adressées au PDG et au surintendant. M. Albert affirme que tous sont responsables à ce chapitre, tant l’assureur, l’agent général, le dirigeant de cabinet ou le représentant.

« La structure change. C’est ce que vient confirmer notre Ligne directrice sur les pratiques commerciales. On ne veut toutefois pas dédoubler les obligations de la Loi sur la distribution des produits et services financiers. Cette ligne directrice vise les activités commerciales des assureurs, notamment en publicité », dit-il.

M. Albert a aussi précisé quel était le rôle des assureurs envers les agents généraux. « Pour toute activité qu’il impartit à l’agent général, l’assureur en demeure quand même responsable au niveau de la conformité », dit-il.

Le PDG de l’Autorité ne cache pas que son organisme a resserré les règles de conformité. Il précise toutefois que les assureurs en font plus à ce chapitre.

« Nous faisons plus d’inspections et de suivis, ce qui donne l’impression que la conformité s’est resserrée. Quant aux assureurs, ils veulent éviter les risques à leur réputation. L’industrie s’est prise en main et a renforcé sa conformité », dit-il.

La problématique des concours de vente a aussi été abordée. M. Déry a rappelé qu’il n’y avait pas de règlement les interdisant. « Il ne faut toutefois pas que l’incitatif vienne biaiser le conseil ou produit offert par le représentant. Tant que ça reste général, il n’y a pas de problèmes. La ligne directrice sur les pratiques commerciales vient baliser cela. »

Quant aux quotas liés à un produit, il n’y a pas de règlements en consultation qui aborde le sujet présentement. M. Albert a toutefois rappelé que tout incitatif de vente pour un produit spécifique devrait être interdit.

« Si un conseiller peut gagner un voyage dans le Sud en vendant un seul produit, c’est problématique. Si c’est toutefois sur un volume de 15 produits, on ne voit pas d’incitatif. C’est la concentration qu’on juge inacceptable. La même chose s’applique pour les quotas », dit-il.

M. Albert a ensuite été questionné sur le scandale Norbourg. Il a affirmé qu’il aurait aimé que plus de gens ayant commis des malversations dans cette affaire aient été en prison.

« Ce que je retiens de Norbourg, c’est que tout ce que nous avons fait en enforcement en découle. En 2004, on en faisait peu. Des leçons ont été apprises. C’est la dernière grande fraude que le Québec a connu. C’était en 2006. Il faut tourner la page et tirer leçon de nos erreurs. J’aime mieux regarder en avant. Il n’y a pas eu de fraude majeure depuis et nous avons une industrie disciplinée, ainsi qu’un réseau de distribution fiable. Norbourg est derrière nous », a assuré M. Albert.

L’analyse protège aussi le représentant

Lors de la conférence, il a aussi été question de l’intention de l’Autorité d’étendre au segment de l’investissement l’obligation de remplir une analyse de besoins financiers au client. La question de l’encadrement différent entre les fonds distincts et les fonds communs a aussi émergé.

« Avec l’analyse de besoins financiers, on veut s’assurer que le client ait le bon produit entre les mains. Chaque besoin nécessite une évaluation différente. Ça demeure la même approche générale », a affirmé M. Déry.

M. Albert a alors rappelé que le contrat n’est pas le même pour un fonds distincts que pour un fonds commun. La culture règlementaire est aussi différente, a-t-il ajouté, soulignant que celle en assurance est établie selon des principes, alors que celle en investissement est bâtie sur des règles.

« La loi indique que le représentant doit faire cette analyse. C’est important pour le client d’être bien servi. L’analyse est aussi importante pour le représentant. Si jamais il a un client fâché après une chute des marchés boursiers et que ce dernier a subi des pertes, l’analyse lui sert de protection », dit M. Déry.

M. Albert a aussi mentionné qu’il est perplexe quand il entend un représentant dire qu’il peut conseiller le bon produit au client sans faire d’analyse de besoins financiers. « Ça ne peut pas être aussi simple que ça. De plus, on ne parle pas de centaines de pages à remplir », dit-il.

 

Desjardins réglementé comme les banques? La logique claire peut s’opposer aux couts, dit Mario Albert

Peut-on s’attendre à ce que le Mouvement Desjardins soit soumis aux mêmes règles que les banques à charte canadienne en matière de vente d’assurance? Ce n’est pas à l’Autorité des marchés financiers de décider, a affirmé son PDG Mario Albert. Il a donné quelques pistes de réflexion en réponse à des questions provenant de courtiers d’assurance de dommages.

« Que Desjardins ne soit pas régi par la Loi sur les banques a des avantages et des désavantages. Un des avantages est qu’il peut vendre de l’assurance dans ses succursales. Toutefois, il n’a pas de capital-actions. Quand on regarde le dossier dans son ensemble, il faut garder à l’esprit que Desjardins demeure compétitif. Doit-on rouvrir cela? Ce n’est pas à l’Autorité de décider », dit-il.

Stéphan Bernatchez, président du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), a toutefois rappelé que le gouvernement fédéral n’interdisait pas aux banques de vendre de l’assurance. « Il venait souligner qu’il était inacceptable de vendre de l’assurance au même endroit qu’un client peut obtenir un prêt hypothécaire ou d’entreprise, car ça ne donne pas un vrai choix au consommateur. Le problème est là. La question ne concerne pas une seule entreprise. N’importe quelle entreprise à charte provinciale pourrait en bénéficier. »

M. Albert a ajouté que c’est au gouvernement de juger de l’opportunité de revoir une telle chose. « Nous, on se doit de regarder le dossier comme régulateur. Ce serait un changement majeur. Parfois, la logique claire peut s’opposer aux couts. On l’a vu dans le dossier de l’assurance de remplacement. On a fait ce qu’on a pu », dit-il.

John Morin, président de Morin, Elliott et associés, a questionné le régulateur sur les suites de la transaction qui a fait passer AXA Canada aux mains d’Intact Corporation financière. M. Morin s’est dit préoccupé pour les courtiers qui avaient choisi de ne pas concentrer leur volume auprès d’un assureur et qui sont maintenant obligés de le faire, à l’encontre de leur décision initiale.

Pour M. Albert, la transaction l’a amené à se poser des questions sur la situation du réseau de courtage québécois. « Un assureur se ramasse du jour au lendemain avec 25 % des parts de marché du Québec. Ça illustre bien la situation. Oui, le RCCAQ publicise que le courtier offre un choix. Toutefois, on se rend compte qu’une grande majorité de courtiers n’offre que trois produits. Ils ont deux assureurs avec qui ils font principalement affaire et un autre en soutien. Je ne critique pas cette réalité, mais la fusion Intact-AXA a fait que plusieurs courtiers se sont ramassés avec un seul produit. Pour le client qui s’attend à ce que le courtier magasine pour lui, c’est la réalité qu’on vit et on en est là », dit-il.

M. Albert a aussi confirmé la décision de la Chambre de l’assurance de dommages de tolérer jusqu’au 1er janvier 2012 que les courtiers nouvellement concentrés divulguent leur concentration en assurance des particuliers. Il a toutefois révélé qu’il y avait eu des discussions pour que cette divulgation se fasse dès l’annonce de la transaction.

Sur ce point, Stéphan Bernatchez a mentionné que le problème pour les courtiers est de se conformer à cette exigence en si peu de temps. « Ce qu’on demande à ces courtiers, c’est plus que d’ajouter une note en bas de page. Pour nous, il aurait valu la peine de repousser le tout de douze mois. Ça n’aurait pas lésé le consommateur. Ces courtiers subissent des pressions indues depuis plus de dix ans pour concentrer. Là, ils sont obligés de le faire. Il faut leur donner une chance. C’est tout ce qu’on veut », dit-il.

 

L’Autorité consultera l’industrie d’ici Noël sur le Fonds d’indemnisation ; la distribution par Internet suivra

La consultation sur la gestion du Fonds d’indemnisation des services financiers débutera d’ici Noël. L’industrie sera ensuite consultée sur un autre enjeu important : la vente par Internet.

Mario Albert, PDG de l’Autorité des marchés financiers, a confirmé le tout lors du Rendez-Vous du régulateur, tenu le 14 novembre dernier. Il a ensuite précisé sa pensée deux jours plus tard, lors du Congrès 2011 de l’assurance et de l’investissement.

Le régulateur avait annoncé, il y a un an, son intention de mener une consultation sur le Fonds d’indemnisation. « Si ça nous a pris autant de temps, c’est parce que c’est un sujet extrêmement compliqué. Si j’avais la solution, je la donnerais immédiatement », a-t-il dit au Congrès, lors d’une conférence où il a répondu aux questions posées par divers intervenants de l’industrie.

Compte tenu de la consultation à venir, M. Albert s’est dit favorable « à tout et à rien », pour ne pas nuire au déroulement de l’exercice à venir. René Auger, président du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ) a suggéré que le Fonds soit géré par une tierce partie, pour éviter tout conflit d’intérêt. M. Albert juge que cette suggestion mérite qu’on s’y penche, mais qu’il ne croit pas que la gestion actuelle du Fonds puisse mener à un conflit d’intérêt.

Patrick Déry, surintendant de l’assistance à la clientèle, de l’indemnisation et de la distribution, ne cache pas qu’il se creuse les méninges sur ce dossier depuis son entrée en poste. « Il faut voir comment nous pouvons intégrer l’enquête par rapport à l’indemnisation. Chaque médaille a ses deux côtés et je ne sais pas combien de médailles il y a dans ce dossier », dit-il.

Les deux hommes avaient aussi une bonne nouvelle pour les représentants en épargne collective. La cotisation supplémentaire de 100 $ qu’ils devaient payer depuis quatre ans à la suite de la fraude de Norbourg se terminera le 31 décembre prochain. « Nos prévisions se sont déroulées comme prévu. On peut donc ramener le montant à 160 $ le 1er janvier 2012 », dit M. Albert.

M. Déry a ajouté que la question d’augmenter la cotisation d’un groupe demeure un enjeu. « S’il n’y a pas de fraude, cela entraine notamment une faible cotisation. Il faut voir quel mécanisme on veut mettre en place pour éviter les mauvaises surprises », dit-il.

Quant à la consultation de la distribution par Internet, les deux hommes ont livré peu de détails à son sujet. Ils ont confirmé qu’elle aurait lieu au cours des prochains mois.

Lors du Rendez-Vous du régulateur, M. Albert avait rappelé que les représentants ont un rôle très important à jouer dans toute transaction financière. Il disait aussi tenir compte de ce qui se faisait à travers le monde, car des choses se développent sur Internet dans d’autres pays.