Les propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME) ont dû consacrer en moyenne 735 heures en raison de la réglementation en 2024, en hausse de 9 % par rapport à 2020. Près de 35 % de ce temps était requis à traiter « de la paperasserie qu’on pourrait éliminer sans compromettre la santé et la sécurité du public ».

L’estimation a été rendue publique le 27 janvier dernier par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) dans le cadre de la Semaine de sensibilisation à la paperasserie. La 7e édition du Rapport sur la paperasserie au Canada a été produite par la FCEI avec la collaboration d’Intuit Quickbooks. La FCEI documente la situation depuis 2005. 

Le nombre d’heures consacrées à la réglementation atteignait 677 heures en 2020, dont 189 heures étaient dévolues à la paperasserie. Les 256 heures consacrées à cette activité en 2024 représentent une hausse de 35 % en quatre ans. 

« Les dirigeants de PME perdent plus d’un mois par année en raison de la paperasserie », souligne Simon Gaudreault, vice-président recherche et économiste en chef de la FCEI.

Selon lui, l’élimination des obstacles réglementaires devrait être prioritaire pour les gouvernements qui veulent stimuler la productivité. Dans son rapport, la FCEI rapporte que 87 % des propriétaires de PME considèrent que l’excès de règlements réduit considérablement la productivité de leur entreprise. 

« Si le Canada veut améliorer sa productivité et sa compétitivité, il doit miser davantage sur la réduction de la paperasserie », ajoute Laure-Anna Bomal, économiste à la FCEI et co-auteure du rapport. 

En 2024, le coût annuel de la réglementation était estimé à 51,5 milliards de dollars (G$), en hausse de 13,5 % par rapport à 2020 (voir tableau ci-dessous).

Quelque 17,9 G$ sont consacrés à la paperasserie. Cela représente quelque 268 millions d’heures, soit environ 137 000 emplois à temps plein, qui pourraient être consacrées à des activités plus productives et axées sur la croissance. 

Fardeau plus lourd 

Pour les plus petites entreprises, la conformité réglementaire représente plus de temps par employé, de même que des coûts plus élevés annuellement, par employé. En 2024, ce coût s’est élevé à 10 208 $ par employé pour les entreprises de moins de 5 employés, comparativement à 1 374 $ pour les entreprises de 100 employés ou plus. 

« Les exigences réglementaires façonnent également la perception du climat des affaires, allant jusqu’à influer sur les conseils que les propriétaires d’entreprise donneraient à des personnes envisageant de se lancer en affaires », indique la FCEI. Quelque 18 % des entrepreneurs recommanderaient à quelqu’un de démarrer leur entreprise dans le contexte actuel. 

L’organisme souligne que la réglementation justifiée a une réelle valeur ajoutée, car elle accroît l’efficacité des marchés, protège les entreprises et les consommateurs et préserve la santé et la sécurité de la population. « Ce qui n’entre pas dans cette catégorie s’appelle paperasserie et englobe aussi bien la réglementation excessive (règles injustes, trop coûteuses, mal conçues ou contradictoires) que les délais inutiles et la qualité médiocre du service à la clientèle offert par le gouvernement », ajoute-t-on dans le rapport. 

Selon la FCEI, la réglementation excessive cause du stress et décourage l’entrepreneuriat. Au Canada, 90 % des propriétaires de PME indiquent que cet élément ajoute un stress important dans leur vie. « En récupérant des ressources actuellement accaparées par la conformité, les propriétaires d’entreprise pourraient se concentrer sur la croissance, profiter d’un meilleur équilibre travail-vie personnelle et réinvestir dans leur personnel et leurs activités. » 

La plupart des propriétaires d’entreprise doutent de la détermination des gouvernements à réduire la paperasserie. Ils font légèrement plus confiance au gouvernement provincial pour le faire (15 %) qu’à l’administration municipale (14 %) ou au gouvernement fédéral (6 %). Ces niveaux de confiance ont baissé depuis le précédent rapport de 2020. 

Les propriétaires de PME de l’Alberta sont de loin les plus convaincus de la volonté de leur gouvernement provincial de réduire la paperasserie, à 39 %, comparativement à seulement 7 % des entrepreneurs du Québec et 4 % de leurs homologues en Colombie-Britannique. 

Des choses à faire 

La FCEI propose un plan en 10 points pour la réforme efficace de la réglementation : 

  • Mesurer le fardeau réglementaire.
  • Institutionnaliser le mécanisme de mesure en faisant régulièrement rapport au public à ce sujet.
  • Créer un budget pour la réglementation : on propose notamment d’exiger du gouvernement qu’il élimine une exigence réglementaire chaque fois qu’il en adopte une nouvelle.
  • Faire de la responsabilisation en matière de réglementation une priorité politique, en nommant un ministre responsable. Au niveau municipal, un comité permanent doit être créé où siégeraient des élus du conseil afin d’assurer une imputabilité politique.
  • Simplifier la conformité réglementaire et améliorer le service à la clientèle.
  • Proposer au public des outils permanents pour suggérer des moyens de réduire la paperasserie.
  • Évaluer soigneusement la nécessité de tout nouveau règlement et prévoir son réexamen.
  • Faire preuve de souplesse en matière de conformité, en fournissant des principes directeurs et des exemples de ce qui est conforme et non conforme.
  • Améliorer les outils en ligne. Un temps considérable serait gagné si les entreprises pouvaient effectuer les versements des taxes à l’Agence du Revenu du Canada au moyen de leur logiciel de comptabilité, ou envoyer les relevés d’emploi à partir de leur logiciel de paie.
  • Renforcer la responsabilisation des autorités de réglementation en leur imposant des échéances et des obligations quant aux communications. Les délais sont plus stricts lorsqu’on doit remplir les obligations administratives, alors qu’il n’y a pas d’échéance très serrée pour approuver des permis, donne-t-on en exemple.
Poids lourds 

Les pires exemples de réglementation excessive ont été rapportés par la FCEI dans ses Prix Poids lourds de la paperasserie 2025, décernés le 28 janvier. Trois lauréats sont particulièrement ciblés. 

Le champion des Prix Poids lourds est le gouvernement du Manitoba pour son projet de loi no 16 intitulé Loi sur la remise de rapports relativement à la responsabilisation en matière de réglementation et modifiant la loi sur les textes législatifs et réglementaires

« Pendant 6 ans, le Manitoba a été un leader de la responsabilisation réglementaire et a montré aux autres provinces ce qui est possible quand on veut vraiment s’attaquer à la paperasserie. Avec son projet de loi 16, il a détruit le travail durement accompli », mentionne Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales de la FCEI. 

Le congé temporaire de la TPS/TVH accordé par le gouvernement fédéral juste avant les Fêtes était « un cadeau de Noël empoisonné », selon la Fédération. Les PME n’ont eu que deux semaines pour se préparer à ce changement, alors que la plupart des commerces connaissent la période la plus achalandée de l’année. « C’est un exemple classique de mauvaise planification par le gouvernement qui n’a pas tenu compte de la réalité des PME », ajoute M. Guénette. 

Au Québec, Les Cèdres, une municipalité de la MRC de Vaudreuil-Soulanges en Montérégie, se distingue « en imposant aux familles un règlement absurde : les enfants doivent remplir un formulaire pour jouer dans les rues de leur quartier ». Des signatures des deux tiers des adultes qui habitent le tronçon sont requises sur le formulaire à transmettre au service des loisirs. Une contravention entraîne une amende de 1 000 $. 

« Ce genre de règlement est tout simplement ridicule. Que des élus municipaux perdent du temps pour penser et mettre en place un tel règlement dépasse l’entendement », note François Vincent, vice-président de la FCEI pour le Québec. 

Deux autres lauréats sont mentionnés par la FCEI. Elle dénonce les règles ridicules imposées aux entreprises de promeneurs de chiens à Toronto. Par ailleurs, elle déplore les frais de 28 $ réclamés à Winnipeg aux particuliers et aux entreprises qui consultent leurs données sur l’impôt foncier.