Des actifs massifs ont été investis dans les billets à capital protégé ces dernières années. Le recul du marché mettra-t-il un terme à cet essor?

Les billets à capital protégé sont des placements hybrides qui combinent la sécurité d'un billet à revenu fixe et le potentiel d'appréciation du marché boursier.

Ils permettent au porteur du billet de bénéficier de gains potentiels avec la promesse que jamais il ne perdra son capital. En échange de cette garantie, la banque émettrice exige généralement que les fonds ne soient pas retirés pendant cinq à huit ans.

Les investisseurs prudents, particulièrement ceux qui approchent ou qui sont à la retraite, se sont tournés vers les billets à capital protégé au cours des dernières années. Selon une recherche effectuée par Investor Economics, plus de 22 milliards de dollars ont été investis dans des billets liés aux marchés en 2007, répartis dans 1 140 instruments émis par 25 sociétés.

Toutefois, l'année 2008 a changé bien des choses. Les marchés baissiers de l'automne ont déclenché des « réactions de protection » de la part de nombreuses institutions émettrices de billets à capital protégé.

Ainsi, certaines ont abandonné complètement le marché boursier et se sont repliées vers les placements à revenu fixe afin de pouvoir respecter leurs garanties de capital. Maintenant que le pire s'est produit, quelles sont les impressions des investisseurs de billets à capital protégé quant à leur décision?

Dan Hallett est président de Dan Hallett and Associates, une société de conseil indépendante en recherche et placement. Il dit ne connaître que quelques conseillers qui comptent des clients qui détiennent des actifs substantiels dans des billets à capital protégé. Parmi les conseillers, il s'en trouve qui sont heureux parce qu'au moins leurs clients n'ont pas perdu d'argent.

Certes, ils n'ont pas obtenu le rendement des obligations gouvernementales ou des certificats de placement garanti (CPG), mais leur capital est intact. «Toutefois, ces gens doivent attendre plus longtemps avant de récupérer leur capital. »

Pas à mon pire ennemi

Rick Wood, un planificateur financier des Services aux clients privés de TD Waterhouse, dit que ce manque de souplesse est l'une des raisons pour laquelle il n'a jamais offert le produit. « Je n'en vendrais jamais, pas même à mon pire ennemi », affirme-t-il. « Les gens n'évaluent pas le risque de détenir un placement pendant huit ans uniquement dans le but de retrouver leur capital. Considérant l'érosion causée par l'inflation, c'est atroce. »

Il suggère aux clients qui sont particulièrement soucieux de la protection du capital de s'en tenir aux placements garantis traditionnels. Au moins avec ces instruments, ils sont assurés d'obtenir un faible profit. « Pourquoi paieriez-vous tous ces frais pour un produit qui ne fera que vous rembourser votre argent? », demande-t-il.

Asher Tward, vice-président, planification successorale chez Tridelta Financial Partners, n'est pas non plus un partisan des billets à capital protégé. Il suggère qu'il existe de bien meilleures solutions pour les clients conservateurs, comme les fonds distincts, les rentes viagères et les portefeuilles échelonnés d'obligations ou de titres qui versent des dividendes.

« C'est une période semée d'embûches et les investisseurs devraient réfléchir à leurs décisions. S'engager dans des billets à capital protégé pendant 5 à 8 ans pourrait ne pas s'avérer la meilleure stratégie puisque les données fondamentales de l'économie changent », explique M. Tward. « Puisque la situation des taux d'intérêt est incertaine, les risques devraient être balisés par des engagements à plus court terme ou qui offrent plus de souplesse. Le contrôle est très important pendant de telles périodes et les billets à capital protégé sont parmi les véhicules protecteurs les moins souples. »

Vente à venir

Toutefois, compte tenu de l'état actuel des marchés, M. Tward prétend qu'il ne serait pas surpris de voir les ventes de billets à capital protégé augmenter cette année, malgré leurs inconvénients. « Des billets à capital protégé de grande qualité soutenus par des institutions plus stables se vendraient vraisemblablement mieux », dit-il. Mais il pense aussi que les plus petits joueurs pourraient avoir développé une grande aversion envers le risque et être réticents à établir de nouveaux billets à capital protégé, pour la simple raison de la solvabilité.

L'effondrement du marché et la crise du crédit ont déjà forcé une institution canadienne à peser sur le bouton de secours. En octobre l'an dernier, le Groupe Desjardins a éliminé deux de ses billets à capital protégé qui étaient liés à des fonds de couverture. « Ils ne nous faisaient pas nécessairement perdre de l'argent, mais ils n'offraient pas la possibilité à nos clients d'obtenir un bon rendement sur ces placements », dit le porte-parole de Desjardins, André Chapleau.

« Je n'ai jamais compris l'attrait d'un fonds de couverture de billets à capital protégé », commente M. Hallett. « Je le comprends conceptuellement (c.-à-d. un potentiel de rendement soutenu par une garantie), mais leur complexité, leur manque de transparence et leurs frais élevés me déroutent parce que je n'arrive pas à comprendre comment les clients pourraient faire de l'argent une fois tous les frais et honoraires prélevés.

Le fait que de nombreux billets à capital protégé aient réalisé leurs gains et que plusieurs fonds de couverture aient éclaté ou simplement réduit leurs opérations se traduira probablement par une réduction de l'offre de billets de fonds de couverture. » M. Hallett suggère que les conseillers gardent l'œil ouvert sur les billets à capital protégé soutenus par des émetteurs étrangers comme BNP Parisbas, Citibank, la Société Générale ainsi que d'autres institutions qui ont éprouvé des difficultés au cours de la crise du crédit.

Coût élevé

Si plus de joueurs se retirent du marché en 2009, M. Hallett croit que cela pourrait freiner la croissance des billets à capital protégé. « Moins il y aura de choix offerts, plus les ventes nettes forcément diminueront », dit-il. Le recul du marché a également rendu le coût de renonciation des billets à capital protégé plus évident.

Plutôt que de n'obtenir aucun rendement, M. Hallet pense que davantage de clients pourraient opter pour des CPG Selon lui, il est également possible que le récent lancement des comptes d'épargne libre d'impôt puisse drainer plus d'argent dans des comptes de dépôt classiques et à taux d'intérêt élevés.

« Ironiquement, maintenant que nous avons subi des pertes d'une telle ampleur, nous avons maintenant moins besoin d'une protection du capital, dit M. Hallett. Cependant, selon le court historique des billets à capital protégé, c'est à ce moment qu'ils ont tendance à bien se vendre.

En 2001 et 2002, les billets à capital protégé ont commencé à proliférer. Les pertes enregistrées en phase baissière ont rendu les investisseurs nerveux et ils se dirigent vers des placements conservateurs au moment même où ils devraient plutôt accueillir le risque. »