LAlliance pour un courtage plus fort a suggéré mardi, en commission parlementaire, la création d’un troisième modèle d’affaires dans le secteur du courtage, soit le cabinet en assurance de dommages affilié à un assureur.

C’est un véritable cri du cœur que la présidente du Groupe DPJL, Diane Joly, a lancé devant les députés et le ministre Carlos J. Leitão lors de l’étude du projet de loi 150. Le portrait qu’elle a tracé de la situation des cabinets de courtage au Québec est sombre. Citant des données colligées par le Journal de l’assurance, elle a indiqué que les parts de marché du courtage en assurance de dommages sont passées de 66 % à 41,8 % entre 1993 et 2015.

Favoriser les assureurs directs

« Ne pas reconnaitre la manière moderne d’opérer des cabinets de courtage à l’intérieur de la Loi équivaut à favoriser les assureurs directs qui concentrent leurs emplois dans des centres d’appels à Montréal et à Québec, a-t-elle soutenu. Nous demandons de pouvoir lutter à armes égales avec les assureurs directs afin de regagner des parts de marché que nous avons perdues au fil du temps. »


Jean-François Desautels

Jean-François Desautels | Photo : Denis Méthot


Lors d’une autre présentation, Jean-François Desautels, premier vice-président chez Intact Assurance, en a rajouté une couche. Il a indiqué que dans l’assurance habitation, les courtiers ont vu leur part de marché passer de 65,9 % en 1993 à 35,4 % en 2015. Au cours des sept dernières années, MSA Research a constaté un déclin global du courtage de près de 6 %. En raison du développement de technologies performantes par les assureurs directs, on craint une tendance similaire en assurance des entreprises à brève échéance.

« Les perspectives d’avenir représentent un défi majeur pour les courtiers. Le cadre législatif actuel les limite de façon injustifiée dans leur désir de moderniser leurs entreprises », a commenté M. Desautels.

Un net recul

L’Alliance pour un courtage plus fort affirme que le projet de loi 150 entrainerait de nets reculs pour le secteur du courtage. Selon ses représentants, il fera en sorte que des entreprises familiales qui se sont bâties avec des paramètres législatifs et règlementaires deviendraient, du jour au lendemain, non conformes à la Loi. Changer les règles du jeu à ce stade-ci leur apparait inconcevable.


Diane Joly

Diane Joly | Photo : Denis Méthot


La consolidation du marché des assureurs a eu un impact direct sur la taille des cabinets, a rappelé Diane Joly. Avec le projet de loi 141 qui encadrera et permettra une croissance de la distribution d’assurance par Internet, les assureurs directs auront le champ libre pour effectuer des investissements massifs sur le Web, anticipe-t-elle.

« Un équilibre entre les assureurs directs et le courtage doit être trouvé afin d’assurer la force du réseau de distribution par le courtage », a-t-elle enjoint, en précisant que les courtiers souhaitent obtenir la latitude pour moderniser leur structure, ce qui inclut des partenariats avec des assureurs directs.

La solution : le courtier affilié

L’Alliance a déjà élaboré sa propre solution pour assurer sa survie et une relève : le courtier affilié. Diane Joly a précisé son orientation en ces termes aux élus : « Le courtier affilié demeure un courtier, car il a accès à plusieurs assureurs et produits pour ses clients, mais il a fait le choix de se concentrer à un certain degré chez un assureur pour des produits généralistes, tout en ayant accès à un capital-actions flexible afin de répondre aux enjeux de la relève entrepreneuriale ».

Le courtier affilié viendrait s’ajouter dans le marché au cabinet indépendant en assurance de dommages et l’agence qui possède une entente exclusive avec un assureur. Selon Diane Joly, le titre de courtier affilié reflète la pratique moderne de courtage et sa réalité. Elle a donc pressé les élus de reconnaitre cette forme d’offre de produits.

« Cette proposition doit être absolument retenue par le législateur, car les dispositions actuelles du projet de loi 150 nous forceront à nous transformer en agence, à réduire nos services et à abandonner une partie importante de notre clientèle », a-t-elle prédit.


Christopher Johnson

Christopher Johnson | Photo : Denis Méthot


Pas d’appui du RCCAQ

La proposition de l’Alliance n’a pas toutefois pas obtenu l’appui du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ). Interrogé par le ministre lui-même, son président, Christopher Johnson, a refusé de se mouiller.

« Comment voyez-vous l’apparition d’une nouvelle désignation, celle de courtier affilié », lui a demandé Carlos Leitão ?

« Le gouvernement a proposé un projet de loi qui précise le rôle des courtiers et des agents, a-t-il répondu. Nos collègues ont choisi de proposer une autre voie. Nous pensons au RCCAQ que le gouvernement est libre d’envisager cette option. S’il pense que c’est bon pour le consommateur, le RCCAQ est disposé à en discuter avec lui. Mais je pense qu’il faut prendre notre temps par rapport à cette voie. Nous sommes ici pour discuter du projet de loi 150 qui parle d’un agent et d’un courtier. »