L’assurance temporaire connaît un regain des ventes. La récession pousse les consommateurs à opter pour une couverture d’assurance à prix modique, un climat idéal pour les produits temporaires, croient plusieurs observateurs.

Des assureurs majeurs dans le secteur de l'assurance temporaire notent un regain des ventes pour l'ensemble des produits. Sans aller jusqu'à louer la récession, ces assureurs admettent que cette situation difficile n'est pas étrangère au succès de ce produit souvent vendu à rabais pour s'ouvrir une porte chez les consommateurs.

Indicateur des nouvelles ventes qui surviendront dans les prochains mois, l'indice MIB Life Index, du MIB Group (MIB), suit chaque mois le nombre de propositions d'assurance vie soumises au Canada. Or, le MIB Life Index montre un ralentissement depuis quelques mois.

En janvier 2009, le nombre de propositions soumises au Canada a reculé de 6,5 % par rapport à celles soumises en janvier 2008, révèle l'indice. En décembre 2008, le nombre de propositions soumises a chuté de 5,6 % par rapport au même mois en 2007. Même scénario en novembre 2008, où le nombre de propositions soumises a baissé de 3,1 % par rapport au même mois en 2007. Il faut retourner en septembre 2008 pour voir un indice positif, soit une croissance de 0,5 % du nombre de propositions par rapport à septembre 2007.

Recul

Toujours selon le MIB, le recul le plus marqué provient des assurés potentiels de 0 à 45 ans, tant au Canada qu'aux États-Unis.

Si ce repli s'avère un reflet de la récession actuelle, l'assurance temporaire en sort indemne.

Le président de Compulife, Bob Barney, établit ainsi un lien direct entre la croissance des ventes d'assurance temporaire qu'il dit observer au Canada et la récession qui sévit actuellement.

Compulife offre depuis plusieurs années des services en ligne qui permettent aux conseillers de comparer le prix des produits d'assurance disponibles au Canada. À chaque récession, il remarque une demande accrue vers son logiciel pour des comparaisons d'assurance temporaire.
C'est le cas maintenant.

« La récession ramène à des principes plus sains. Les gens deviennent plus attentifs aux prix et sont moins intrépides. Et ils posent la question à leur conseiller avant d'acheter une assurance : est-ce que j'ai vraiment besoin d'assurance permanente », avance M. Barney.

Si l'assurance temporaire connaît un regain, ce sera au détriment des produits permanents, pense M. Barney. « Attendez-vous à plus d'abandon de polices en vie entière. »

Pas de migration

Vice-présidente adjointe au marketing en assurance vie individuelle pour l'ensemble des compagnies de Great-West, Saundra Edwards ne va pas jusqu'à prédire une migration des produits permanents vers les produits temporaires.

Elle a néanmoins révélé une forte croissance des ventes de primes annuelles d'assurance temporaire, tant chez Great-West que London Life et Canada-Vie. « Depuis le début de l'année jusqu'à il y a quelques semaines, nos ventes de temporaires ont augmenté de plus de 25 % comparativement à la même période l'an passé », a-t-elle dit en entrevue au début de mars.

Certains clients remettent à plus tard l'achat d'assurance permanente en raison des conditions économiques actuelles, estime Mme Edwards. « Ils opteront plutôt pour un produit temporaire qu'ils pourront transformer plus tard en vie entière ou en vie universelle, lorsque la situation économique sera plus favorable », dit-elle.

Comme le MIB, Mme Edwards remarque une baisse des propositions d'assurance vie soumises au sein du holding ces derniers mois. Celle-ci ne s'est pas encore traduite dans les résultats puisque les ventes demeurent à la hausse chez le trio d'assureurs, tous produits confondus. « L'indice du nombre de propositions met habituellement deux à trois mois à se répercuter dans les ventes », explique Mme Edwards. Elle se dit confiante de connaître des ventes soutenues en 2009. Habituellement, les ventes d'assurance vie sont vigoureuses en période de volatilité, remarque-t-elle.

Aussi considérés comme des concurrents de marque dans ce marché, Manuvie et Transamerica Vie Canada constatent aussi un regain de leurs affaires en assurance temporaire.

Chez Manuvie, Natasha Krivokapic dit connaître des ventes très satisfaisantes en assurance temporaire, sans vouloir préciser davantage. La directrice des produits d'assurance temporaire observe en effet que T10, T20, et T100 dans une moindre mesure, se montrent très populaires en ces temps difficiles. « L'assurance temporaire est un refuge fiable pour les gens inquiets de la situation économique actuelle », croit-elle.

Selon Mme Krivokapic, les gens sont prudents comme jamais avec leur revenu disponible. Ils perçoivent l'assurance temporaire comme un produit peu coûteux. Du même coup, ils ont ensuite la flexibilité d'accéder à un produit plus durable grâce au droit de transformation intégré au produit temporaire.

Le marché est très concurrentiel, ajoute Mme Krivokapic. Elle dit en effet avoir observé que plus de 10 fournisseurs ont rajusté leurs prix en assurance temporaire depuis un an, incluant Manuvie.

Le groupe de compagnies de Great-West a aussi rajusté le prix de l'ensemble de ses produits temporaires il y a un an. « Nous voulions revenir parmi les trois assureurs les plus concurrentiels du marché », a dit Mme Edwards.

Réforme majeure chez Transamerica

Bob Barney confirme cette ruée vers la baisse des prix de temporaires qui stagnaient depuis deux ans. « Deux autres assureurs prévoient revoir leur taux de temporaire en mars pour devenir plus compétitifs, dont Transamerica », révèle-t-il. Par exemple, la T10 coûte actuellement 415 $ par an chez Transamerica pour un homme non fumeur de 40 ans qui souscrit 500 000$ à taux préférentiel. Cette prime aura passé à 385 $ après la baisse annoncée pour le 16 mars par Transamerica, a-t-il confié peu avant de mettre sous presse.

Transamerica fait plus que baisser les prix. Dans un message envoyé à tous ses conseillers indépendants à la fin de février, l'assureur annonçait son intention de bouleverser son portefeuille de produits dès le 16 mars. Il abandonne entre autres son produit de vie entière, et écarte d'une de ses vies universelles les coûts d'assurance qui s'éloignent le plus de la notion de temporaire. Exit, donc, les coûts payables en 20 ans.

Seul le coût nivelé (T100) et deux options de coût temporaire renouvelable annuellement subsistent sur la vie universelle AvantagePatrimoine. (Voir encadré en page 32).

Transamerica conserve tout de ses produits temporaires. L'assureur les considère d'ailleurs comme le joyau de ses activités, avec la vie universelle. Le document aux courtiers traitait aussi de la baisse des prix du temporaire.

Particulièrement prudente, la filiale d'assurance vie d'Aegon a tenu à répondre au Journal de l'assurance par courriel. Vice-président et actuaire en tarification pour les produits d'assurance vie, Joe Kordovi a écrit que si les choses se passent comme lors de la récession de 2002, Transamerica connaîtra une croissance substantielle de ses ventes d'assurance temporaire. Une croissance qui sera stimulée par la baisse des prix.

M. Kordovi répond en outre qu'il peut y avoir une certaine migration des produits permanents vers les produits temporaires. Lors de la dernière récession, le nombre de polices vie universelle vendues est demeuré solide, fait-il toutefois remarquer. Les assurés ont plutôt réduit les contributions excédentaires à leurs produits universels. Joe Kordovi s'attend également à ce que les assurés en vie universelle ajoutent à leur police des avenants temporaires pour compléter leur couverture d'assurance de façon moins coûteuse.

Malgré les résultats qu'elle observe actuellement en assurance temporaire dans l'industrie, Saundra Edwards ne croit pas que ce segment d'affaires supplantera l'assurance permanente.

En raison du vieillissement de la population, ce sont les produits permanents comme la vie entière et la vie universelle qui connaîtront une croissance majeure à long terme, croit-elle.

Besoins en hausse

Mme Edwards rappelle que les besoins de transfert d'actif et de protection du patrimoine s'accroîtront. La majorité des ventes de produits permanents qui en découleront seront de nouvelles émissions, mais certaines proviendront de la transformation de produits temporaires. « Les gens transformeront leur polices temporaires en couverture permanente, disons dans les dix à 15 prochaines années », pense Mme Edwards.

Selon un sondage du réassureur vie Munich Re, intitulé Individual Insurance Survey 2008, 11% des nouvelles affaires en vie universelle proviennent de transformation d'assurance temporaire.

Pour l'instant, la T10 tient le haut du pavé dans l'ensemble des ventes d'assurance temporaire. Ce produit n'est toutefois pas le seul à bénéficier des conditions économiques actuelles. « L'assurance temporaire 20 ans est de plus en plus populaire au Canada », lance d'emblée Bob Barney, de Compulife.

« La T10 demeure notre meilleur vendeur même si nous voyons la part de la T20 augmenter constamment », observe Saundra Edwards chez Great-West. Mme Edwards ajoute que la T20 est favorisée par un besoin croissant d'assurer des prêts et des hypothèques.

La possibilité chez certaines compagnies de transformer une T10 en T20 sans examen médical ni autre preuve de santé dans les cinq premières années du contrat favorise aussi les ventes d'assurance temporaire 20 ans. C'est ce qui se produit chez les compagnies du Groupe Great-West et chez Manuvie.

Pour sa part, Transamerica a accru les ventes de son produit temporaire 30 ans lancé il y a un peu plus d'un an. La T30 qui représentait 2,5 % des ventes totales de temporaire chez Transamerica le 20 février 2008 en représentait 5 % au début de mars, a révélé Joe Kordovi par courriel.

Cette tendance se trouve toutefois quelque peu freinée par la récession. « Le contexte économique actuel incite les acheteurs à préférer les produits moins coûteux à court terme, donc la T10 et la T20 », ajoute-t-il.