À son passage à la Journée de l’assurance de dommages 2014, le 12 mars, le PDG de l’Autorité, Louis Morisset, a clarifié ses attentes envers les assureurs dans le traitement équitable des consommateurs. Le régulateur a jugé cette mise au point nécessaire après avoir observé certaines pratiques de distribution indésirables, entrainées par les changements climatiques. Si rien ne change, gouvernements et régulateurs pourraient s’en mêler.La Journée de l’assurance de dommages 2014 qui s’est déroulée à Montréal, le 12 mars a donné l’occasion au PDG de l’Autorité des marchés financiers, Louis Morisset, de s’exprimer pour la première dois devant l’industrie de l’assurance de dommages depuis son entrée en fonction, en juillet dernier. Conscient que l’industrie a dû essuyer des dommages de 3,2 milliards de dollars (G$) au Canada en 2013 en raison de conditions climatiques extrêmes, M. Morisset a dit reconnaitre qu’elle s’est adaptée.

morisset_louis_article« Nous n’avons constaté aucune détérioration notable du niveau de solvabilité des assureurs qui aurait été entrainée par les changements climatiques, a-t-il dit. Même du point de vue de la rentabilité, on constate que les assureurs font beaucoup de travail et veillent au grain. » Les assureurs ont par exemple ajusté leurs modèles de gestion des risques et leurs produits. Ils ont sensibilisé gouvernements et municipalités sur l’importance de bonnes infrastructures, en plus de se faire davantage présents sur le terrain lors de catastrophes. Plusieurs ont aménagé des politiques spécifiques pour l’atténuation des impacts des réclamations liées aux dommages par l’eau.

M. Morisset souligne toutefois que les variations de températures extrêmes ont entrainé d’autres changements moins opportuns. « C’est plutôt en ce qui concerne le traitement des consommateurs, dans le cadre de la distribution des produits d’assurance, que l’on constate des changements qui pourraient susciter des questionnements », a-t-il lancé.

Par exemple, l’Autorité a remarqué que certains assureurs ont déjà annoncé des augmentations de primes de l’ordre de 10 % à 20 % pour 2014. Celles-ci surviennent en plus des hausses qui ont été observées depuis les derniers mois et les dernières années, a précisé M. Morisset. Le régulateur a dit remarquer en outre l’augmentation des franchises, des limitations des montants d’assurance et des exclusions de certaines couvertures ainsi que le retrait de certains risques et l’accès limité à l’assurance dans certains secteurs. « La hausse du nombre de réclamations, de demandes d’information et de plaintes qu’on reçoit à l’égard des réclamations liées aux dommages par les eaux et aux inondations nous interpelle tout particulièrement », a dit M. Morisset.

Le Centre d’information de l’Autorité a dénoté depuis 2011 une croissance continue du nombre d’appels concernant les dégâts d’eau, les inondations et les exclusions aux contrats d’habitation. « Cette tendance est évidemment en lien avec le nombre accru de réclamations. Elle est peut-être aussi indicatrice des resserrements observés dans le marché, tant sur le plan des protections que dans le cadre des règlements », a-t-il dit.

Les attentes du régulateur

Dans un tel contexte, M. Morisset invite l’industrie à poursuivre ses actions d’éducation et de prévention auprès des consommateurs. Il juge primordial que les contrats d’assurance habitation soient expliqués de manière simple et claire. « Je pense ici à tout le travail de vulgarisation qui s’est fait pour les polices en assurance automobile. Cette initiative dans laquelle l’industrie s’est pleinement investie me semble une voie à suivre en assurance habitation », a-t-il suggéré.

L’industrie devra aussi participer aux actions de concertation des différents paliers de gouvernement et de régulateurs. Ce dialogue est essentiel pour que les assureurs puissent jouer pleinement leur rôle tout en répondant aux besoins des consommateurs, a souligné M. Morisset.

« À court terme, la tangente prise par certains assureurs de resserrer leurs conditions se défend, et se justifie tout à fait du point de vue actuariel. À plus long terme, cette façon de faire a pour effet de transférer davantage de couts relatifs à ces sinistres à la société en général. Et je vous mets en garde que tout cela pourrait inciter nos gouvernements à s’impliquer et à imposer de nouvelles contraintes à l’industrie », a-t-il prévenu.

L’Autorité s’attend donc à ce que l’industrie trouve des solutions créatives et avantageuses pour les consommateurs qui achètent les produits, a affirmé M. Morisset, plutôt que de miser essentiellement sur des hausses de primes et des réductions de couvertures. « En étant plus proactifs, nous croyons que vous serez plus en mesure de conserver la souplesse et la marge de manœuvre qui font l’envie des assureurs de beaucoup d’autres provinces du Canada. »

À la lumière du budget fédéral du 11 février dernier, et en lien avec le lancement, le 18 février, de la politique québécoise de sécurité civile 20142024, M. Morisset a révélé que l’Autorité a l’intention de poursuivre sa participation active aux discussions sur les enjeux liés aux catastrophes naturelles et aux changements climatiques.

Enfin, M. Morisset s’attend à ce que les dossiers de réclamation des assurés soient rapidement pris en charge par un expert en sinistre, même en cas de sinistres de grande envergure. « Une inondation, un épisode de grêle ou de forts vents, par exemple, peuvent entrainer un très grand nombre de réclamations à traiter en même temps : une éventualité dont doivent tenir compte tous les assureurs de dommages », a-t-il dit.

Une question importante se pose sur ce dernier point, souligne M. Morisset. Il rappelle que le Québec compte actuellement 2 942 experts en sinistre, dont 750 sont indépendants. « En tenant pour acquis que les assureurs ont mis en place les politiques et les procédures nécessaires pour réagir adéquatement en cas de nombre élevé et soudain de réclamations, est-il possible que le bassin d’experts en sinistre certifiés au Québec ne suffise tout de même pas à la tâche? »

Le régulateur a ainsi révélé que l’Autorité et le Bureau d’assurance du Canada se penchent actuellement sur cette question. S’il y avait effectivement pénurie, M. Morisset a rappelé que la certification des experts en sinistre employés par les assureurs dans d’autres provinces est maintenant facilitée par l’Accord sur le commerce intérieur et les récentes modifications au Règlement relatif à la délivrance et au renouvèlement du certificat de représentant.

61 % de femmes dans l’industrie

Durant son allocution, le PDG de l’Autorité a rappelé que l’assurance de dommages est un secteur clé au Québec. En 2013, il regroupait 180 assureurs, plus de 1 300 cabinets, sociétés et représentants autonomes et plus de 14 600 agents, courtiers et experts en sinistre, dont 61 % sont des femmes. « Si on cherche des raisons pour lesquelles cette industrie va si bien, je viens peut-être d’en trouver une », a-t-il blagué.

Le PDG de l’Autorité a en outre souligné que les obligations des représentants en assurance de dommages prennent une importance particulière si les réclamations susceptibles de ne pas être couvertes par les polices augmentent comme prévu. « Il y a un besoin nécessaire et important de conseil. Il faut expliquer le contrat pour que le consommateur comprenne ce à quoi il souscrit, et comment il sera protégé pour éviter les mauvaises surprises en cas de réclamations », a-t-il précisé, en insistant sur l’obligation de bien expliquer les exclusions et les garanties.

Son PDG reconnait aussi le rôle de l’Autorité, par exemple sensibiliser et informer pour soutenir le consommateur dans sa démarche d’achat de produits financiers. « On vise à le familiariser notamment sur le langage du professionnel et ses obligations à son égard », a dit M. Morisset. L’Autorité souhaite aussi poursuivre le dialogue avec les assureurs pour se conforter sur la capacité financière et opérationnelle de l’industrie à braver les impacts des changements climatiques.

M. Morisset a conclu sur l’importance cruciale pour tous les acteurs de maintenir la confiance du public dans un environnement où les variations de températures extrêmes continueront à se manifester et à augmenter, tant en fréquence qu’en intensité. « La confiance est encore plus critique lorsque survient un sinistre ou encore un évènement plus dramatique, comme une inondation massive ou une tragédie humaine comme celle vécue à Lac-Mégantic, l’été dernier. »

La confiance est essentielle pour favoriser la croissance du secteur, a ajouté M. Morisset. « L’Autorité prendra très à cœur son rôle de générateur de confiance », a-t-il affirmé. Le PDG de l’Autorité souligne que ce rôle reviendra aussi à tous les acteurs de l’industrie, y compris la Chambre de l’assurance dommages.