Le Bureau d’assurance du Canada (BAC) appuie dans sa quasi-totalité le projet de loi 141.
Il se montre toutefois inquiet, voire défavorable à une de ses dispositions qui permettraient le développement d’une nouvelle forme d’assurance au Québec, les unions réciproques. Celles-ci sont mieux connues sous le nom de plateformes de partage de risques entre particuliers. Son vocable anglais peer-to-peer risk sharing, est aussi souvent utilisé pour désigner ce type d’assurance.
Le projet de loi 141 a fait l’objet d’une première journée de consultation en commission parlementaire le 7 décembre. Le BAC était représenté par sa vice-présidente, Québec, Johanne Lamanque, sa vice-présidente, directrice affaires techniques et juridiques, Marie-Pierre Grignon, et le président de son conseil d’administration pour le Québec Jean-François Desautels. Ce dernier est aussi premier vice-président au Québec d’Intact Assurance.
Sérieux doutes
Lors de leur audience devant la commission des finances publiques, où le ministre des Finances du Québec Carlos J. Leitão était présent, les représentants du BAC ont émis des sérieux doutes sur la nécessité d’un tel joueur dans le marché. Selon la Loi sur les assureurs, une union réciproque est un ensemble de personnes liées par contrat d’assurance.
Carlos J. Leitão aux audiences du projet de loi 141 | Photo : Denis Méthot
Le projet de loi 141 introduit cette possibilité au Québec, analyse le BAC. Cette forme d’assurance a été créée au Canada il y a plusieurs années pour répondre à des besoins précis. Plusieurs plateformes de partage de risques (peer-to-peer insurance) ont vu le jour.
Johanne Lamanque a affirmé aux élus que l’industrie de l’assurance au Québec n’a pas été informée des objectifs qui justifieraient aujourd’hui leur création dans la province. Le BAC n’en voit pas le besoin.
Le grand reproche que le BAC fait aux unions réciproques, c’est qu’elles sont régies par des règles moins contraignantes que les assureurs autorisés et elles échappent à l’ensemble des lignes directrices mises en place par l’Autorité des marchés financiers en matière de solvabilité et de pratiques commerciales. Ce système parallèle d’activités d’assurance, affirme Johanne Lamanque, bénéficie d’un allègement très important en matière d’encadrement.
Des concurrents aux règles différentes
Interrogée par le député péquiste Nicolas Marceau, qui croit que les unions réciproques sont appelées à croître de façon très significative dans le futur, la vice-présidente du BAC, Québec, convient que ce secteur pourrait devenir gros. Les plateformes technologiques permettent aujourd’hui aux personnes de se lier entre elles contractuellement pour différentes raisons. Les membres du BAC s’inquiètent qu’on ouvre la porte à la création de concurrents qui ne seraient pas soumis aux mêmes règles du jeu que les autres joueurs de l’industrie.
« On a de la difficulté à voir ce que vise exactement le gouvernement. La loi vise un ensemble de personnes qui pourraient s’allier par contrat d’assurance, a précisé Marie-Pierre Grignon. Des producteurs agricoles, par exemple, pourraient utiliser ce type d’assurance. Mais avec le libellé, on peut penser que c’est assez large pour lier également des individus qui voudraient faire de l’assurance de pair à pair ».
« C’est là qu’on a un certain inconfort avec ce qui est proposé, a-t-elle ajouté lors d’un échange avec les députés. Au niveau de la protection du consommateur, on dit qu’il y a peut-être un régime à deux vitesses qui pourrait s’installer, car les unions réciproques ne sont pas encadrées de la même façon que les autres assureurs. Elles ne sont pas soumises aux lignes directrices sur les pratiques commerciales ».
« Il y a peut-être certaines unions réciproques dans le reste du Canada ou ici même au Québec qui justifient un régime qui lui est propre. Il faudrait baliser davantage », a ajouté Johanne Lamanque. Elle a demandé au législateur de se montrer prudent.
Adoption rapide souhaitée
En dehors de cet aspect, le BAC a accordé un soutien quasi entier au projet de loi 141 face à l’urgence de moderniser le cadre législatif qui permettra à l’industrie d’innover et d’offrir plus de choix au consommateur. Johanne Lamanque a dit souhaiter que le gouvernement adopte rapidement ce PL141 afin d’éviter qu’il ne meure au feuilleton.