Le Bureau de la concurrence a annoncé le 11 avril 2025 qu’il avait obtenu une ordonnance judiciaire de la Cour fédérale « pour faire progresser une enquête sur Express Scripts Canada ».

Cette ordonnance permettra au Bureau de la concurrence d’exiger qu’Express Scripts Canada produise des documents, des réponses écrites et une déposition orale en lien avec son enquête. 

Filiale d’Express Scripts, une entreprise américaine détenue par Cigna Group, Express Scripts Canada est connu pour ses services de paiement électronique des réclamations en assurance collective des médicaments. L’entreprise offre ces services aux assureurs, aux tiers payeurs et aux pharmacies.

Express Scripts Canada est aussi connu pour son Rapport sur les tendances en matière de médicaments, qui scrute annuellement l’évolution des coûts absorbés par les régimes collectifs privés.

Dans son communiqué, le Bureau de la concurrence précise qu’Express Scripts Canada exploite également quatre pharmacies par correspondance à travers le Canada, sauf au Québec. 

Réseau de pharmacies sous la loupe 

Le Bureau de la concurrence veut examiner « des comportements potentiellement anticoncurrentiels pouvant empêcher ou limiter la concurrence sur le marché de la pharmacie de détail ». 

L’orientation du choix des patients est l’un des comportements sous la loupe de l’organisme indépendant chargé d’appliquer la Loi sur la concurrence fédérale. Il veut vérifier si une telle orientation pourrait survenir à travers des réseaux de fournisseurs privilégiés qui obligent ou incitent les patients à « utiliser les pharmacies détenues par Express Scripts Canada ou qui lui sont associées au lieu de la pharmacie de leur choix ». 

Le Bureau de la concurrence veut aussi enquêter sur un comportement qu’il qualifie de « compression des marges ». En vertu de cette pratique, le fournisseur de services de paiement réduit la marge bénéficiaire de ses concurrents en pharmacie de détail en augmentant ses frais de service, « et en exigeant un processus d’audit coûteux et contraignant ». 

Le Bureau de la concurrence dit qu’il n’a pour le moment tiré aucune conclusion quant à l’existence d’un acte répréhensible. 

Pratique controversée au Canada… 

Les réseaux de pharmacies privilégiées soulèvent les passions depuis quelques années déjà. Le 23 août 2024, le ministère des Finances de l’Ontario a lancé une consultation le 23 août sur le rôle des réseaux de fournisseurs privilégiés dans le secteur de l’assurance médicaments parrainée par les employeurs dans la province, a rapporté un article du Portail de l’assurance publié le 5 septembre 2024.

Au début de 2024, Manuvie avait annoncé un accord avec Loblaw qui devait permettre que la couverture de 260 médicaments de spécialité ne soit offerte que dans 300 pharmacies appartenant à cette bannière à travers le pays, a rappelé un autre article du Portail de l’assurance, paru le 25 février 2025. Devant les réactions négatives du public et des médias, Manuvie avait fait marche arrière peu après, annonçant que ses assurés pourraient obtenir ces médicaments dans la pharmacie de leur choix. 

… et interdite au Québec 

La pratique des réseaux de pharmaciens privilégiés est interdite au Québec. L’article 2 de la Loi sur l’assurance maladie dispose que rien ne doit limiter la liberté d’une personne de choisir un professionnel de la santé. 

Les régimes privés n’y échappent pas. L’article 42.2.1 de la Loi sur l’assurance médicament dit que nul contrat d’assurance collective ou régime d’avantages sociaux ne peut restreindre la liberté du bénéficiaire de choisir son pharmacien.

Enfin, l’article 50 du Code de déontologie des pharmaciens mentionne entre autres que le pharmacien ne doit accepter aucun avantage relatif à l’exercice de sa profession, en plus de la rémunération à laquelle il a droit, sauf un remerciement ou un cadeau de valeur modeste. Il ne doit pas non plus verser à quiconque un avantage relatif à l’exercice de sa profession.

L’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) a pourtant demandé à la Cour supérieure, le 12 juin 2024, d’autoriser une action collective contre dix de ses membres propriétaires de six pharmacies, trois gestionnaires de programmes de soutien aux patients (PSP) et trois réseaux de cliniques de perfusion. « À l’heure actuelle, l’ensemble des pharmaciens propriétaires se voient privés de revenus importants en raison de pratiques commerciales interdites et fautives perpétrées par quelques-uns de leurs collègues », avait allégué l’AQPP. 

L’action collective de l’AQPP « suit son cours et n’a pas encore été acceptée », a répondu au Portail de l’assurance la porte-parole de l’AQPP, Marilie Beaulieu-Gravel, dans le cadre du présent article.