Dans un rapport de 44 pages publié le 27 août, l’Association des marchés de valeurs mobilières et des investissements (AMVI) propose un plan visant à moderniser ce qu’elle qualifie de système d’épargne-retraite « désuet » au Canada.
L'AMVI, anciennement l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), soutient que « la crise de l’abordabilité au Canada fait en sorte qu’il est de plus en plus difficile pour de nombreux Canadiens d’épargner en vue de la retraite ». Elle ajoute que « les politiques publiques ne tiennent pas compte des réalités actuelles en matière de régimes de retraite ».
Dans son rapport intitulé Le casse-tête de la retraite au Canada: la nécessité de placer l’épargne privée au cœur de la réforme, l’association affirme que l’épargne privée représente actuellement 4,5 billions de dollars de la richesse financière des Canadiens et contribue à environ 46 % du revenu de retraite total des aînés canadiens. « De plus, l’actif total détenu dans l’épargne privée dépasse de loin l’actif combiné du Régime de pensions du Canada (RPC), du Régime de rentes du Québec (RRQ) et de tous les autres régimes de pension agréés (RPA) du Canada, ce qui souligne le rôle essentiel que joue l’épargne privée pour assurer la retraite de la population canadienne. »
Épargner devient plus difficile
Le problème, selon l'AMVI, c’est que l’épargne devient de plus en plus ardue pour les Canadiens, en raison notamment de l’inflation, du coût élevé du logement, de la stagnation des salaires et du niveau d’endettement des ménages. « Si aucune mesure n’est prise, l’écart entre les besoins des Canadiens pour leur retraite et ce qu’ils peuvent épargner de façon réaliste ne va que s’agrandir », avertit l’association.
Les politiques publiques actuelles ne tiennent pas compte de l’évolution des réalités, ajoute-t-elle. « Elles sont fondées sur des hypothèses datant de plusieurs décennies concernant l’âge de la retraite, l’espérance de vie et le type de soutien dont les travailleurs bénéficient pendant leurs années de travail. Ce décalage crée des risques réels. »
Recommandations stratégiques
Parmi les recommandations de l’association figure la modernisation des règles relatives à la retraite pour mieux refléter l’allongement de l’espérance de vie. À l’heure actuelle, les Canadiens doivent convertir leur régime enregistré d’épargne-retraite (REER) en fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) à l’âge de 71 ans et commencer à retirer des fonds à 72 ans. « Cette règle, mise en place lorsque l’espérance de vie était plus courte et les gens travaillaient moins longtemps, ne reflète pas les réalités d’aujourd’hui », peut-on lire dans le rapport.
L’AMVI propose de repousser la limite de conversion à 73 ans afin de permettre une croissance à l’abri de l’impôt pendant deux années supplémentaires. Ce changement permettrait un meilleur « arrimage avec la réalité, puisque de nombreux Canadiens restent plus longtemps sur le marché du travail ou retardent leur départ à la retraite », note l’association.
Elle suggère aussi que les retraités ayant moins de 200 000 $ dans leur FERR puissent se soustraire aux retraits obligatoires. Cela éviterait une imposition inutile et la récupération des prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV) et du Supplément de revenu garanti (SRG) pour les retraités à revenu moyen, tout en leur permettant d’éviter de vendre des placements en période de repli boursier simplement pour satisfaire aux règles de retrait minimal, précise le rapport.
Créer des conditions équitables
Le deuxième axe d’intervention de l’AMVI vise à créer des conditions équitables pour tous les épargnants. Cela passerait par l’abolition de la TPS/TVH sur les frais de gestion des fonds de placement. L’association souligne que les Canadiens qui investissent dans des fonds communs de placement ou des fonds négociés en bourse (FNB) paient actuellement une taxe de vente sur les frais de gestion (au taux mixte d’environ 11 %).
« Cela ne s’applique pas aux placements individuels en actions ou en obligations, qui sont plus courants chez les investisseurs fortunés », précise le rapport. La suppression de cette taxe permettrait d’éliminer « une pénalité injuste sur les produits de placement les plus accessibles et diversifiés, soit les produits sur lesquels les Canadiens à revenu moyen comptent le plus », avance l'AMVI.
Instaurer des conditions équitables suppose également une réduction des frictions réglementaires, affirme l'association. « De nombreux règlements sont bien intentionnés, mais leur fardeau cumulatif peut freiner l’innovation et réduire l’accès. »
L’AMVI propose que les réformes incluent la nécessité de réaliser une analyse des défaillances du marché avant d’introduire de nouvelles règles, un virage vers une réglementation fondée sur des principes qui préserve la protection des investisseurs tout en favorisant la souplesse et l’innovation, ainsi que des études d’impact pour s’assurer que les nouvelles règles n'entrent pas en conflit avec des objectifs plus larges comme la formation du capital, l’inclusion financière et la suffisance de l'épargne.
Accès élargi aux conseils financiers
Le rapport plaide aussi pour un meilleur accès aux conseils financiers. « Le fait d’avoir recours à des conseils financiers est associé à une accumulation de deux à quatre fois plus élevée de patrimoine. À mesure que de plus en plus d’investisseurs se tournent vers les canaux numériques et les placements autogérés, les politiques publiques doivent évoluer pour s’assurer que ces investisseurs ne sont pas laissés pour compte. »
Pour y parvenir, l'AMVI invite les décideurs à « soutenir des modèles hybrides personnalisés pour les conseils (humains + numériques) qui répondent aux besoins des investisseurs là où ils se trouvent; moderniser les directives pour préciser les formes de directives et de conseils qui sont permises, y compris pour les investisseurs autonomes; encourager le développement de plateformes de conseils évolutives pour les épargnants à revenu moyen. »
Faciliter l’épargne en milieu de travail et sensibiliser
Le troisième volet de la proposition de l'AMVI consiste à faire de l’épargne l’option par défaut dans les régimes en milieu de travail. Cela impliquerait de faciliter l’adhésion automatique, les retenues à la source et l’augmentation d’un échelon supérieur des cotisations dans les régimes collectifs de REER et des régimes à cotisations déterminées afin de hausser la participation.
« Le système d’épargne-retraite volontaire du Canada laisse trop de gens de côté, observe l’AMVI. Les données internationales démontrent que l’adhésion automatique augmente considérablement les taux de participation et d’épargne. »
L'AMVI propose aussi des initiatives de formation menées en collaboration avec l’industrie « pour aider les employés à comprendre les avantages et le fonctionnement de l’épargne automatique afin de dissiper les idées fausses et d’accroître la confiance à l’égard de la participation ».
Le rapport recommande enfin d’intégrer l’épargne privée aux programmes nationaux d’éducation financière et aux curriculums scolaires. Les outils comme les REER, les CELI et autres véhicules d’épargne privée sont souvent sous-représentés dans les programmes d’éducation financière, fait remarquer l’association.
« Notre plan présente des stratégies réalisables et fondées sur des données probantes qui renforceront la sécurité de la retraite, amélioreront la flexibilité, réduiront la pression sur les programmes publics et soutiendront la croissance économique à long terme, a affirmé Andy Mitchell, président et chef de la direction de l'AMVI, dans un communiqué annonçant la publication du rapport. Il est urgent que le Canada modifie et modernise ses politiques afin de combler les lacunes du système, de manière à ce que davantage de Canadiens puissent profiter des options d’épargne privée volontaire pour financer adéquatement leur retraite. »