Passer par Facebook pour rejoindre sa clientèle est-il un choix évident lorsqu’on est entré dans la vie active sous le murmure des influenceurs ? Pour Annie Pelletier, conseillère en sécurité financière depuis 2017, l’innovation dans l’approche des clients s’imposait.
Son arrivée dans l’industrie a eu lieu après l’entrée en vigueur de lois interdisant diverses formes de sollicitation. D’autres réglementations restreignant l’accès aux commissions se préparaient. Après s’être fait suggérer le porte-à-porte, avoir participé à des salons coûteux et avoir tenté sa chance sur tous les réseaux sociaux, elle s’apprêtait à jeter l’éponge.
Pourtant, aujourd’hui, elle est la première modératrice du groupe Facebook L’Argent ne dort jamais, qui compte plus de 90 000 membres. Elle a en plus fondé sa propre page, Mamans, papas & futurs parents : Faites rayonner vos finances ! où interagissent 2 000 membres.
Mais comment cette conseillère, qui n’avait jusqu’ici utilisé ses réseaux sociaux que pour échanger des photos de famille, est-elle parvenue à créer sa marque dans un réseau qui l’occupe dorénavant à temps plein ? Voici huit leçons de vie qui ont joué un rôle dans son parcours.
Professionnaliser sa compétence
Les premiers grands revirements de son parcours passèrent par des rencontres, dont celle de Youcef Ghellache, le fondateur de « L’Argent ne dort jamais » et celle d’un coach qui lui a offert une formation personnalisée sur les réseaux sociaux. Une démarche d’abord coûteuse, mais qu’elle n’a jamais regrettée.
Elle signale, en passant, qu’il existe des formations moins coûteuses, mais qu’il est dommage de s’en passer et de chercher à errer seul dans le désert de la toile. Ce qui amène trop de professionnels à renoncer en cours de route : « Il faut le voir comme étant un investissement. Ça nous donne quelques raccourcis pour produire quelque chose de bien et atteindre nos objectifs. On profite de l’expérience de personnes qui sont rendues là où on voudrait être », dit-elle.
Trouver sa niche
Un des premiers conseils retenus de ce mentorat est de préciser son auditoire. « Si on veut rester trop générique tout le temps, on ne parle à personne. Il faut se demander à qui on s’adresse. Est-ce à Jessica, qui a 25 ans et qui a un enfant, ou à Ginette, de 67 ans, qui est à la retraite ? J’essaie de garder cet avatar en tête lorsque je crée du contenu. C’est cela qui va aider à fidéliser mon lectorat », précise-t-elle.
Annie Pelletier avait été touchée par l’anxiété des parents, lorsqu’elle démarchait des clients dans les salons consacrés à la paternité et la maternité. Elle craignait toutefois de restreindre son réseau en ne s’adressant qu’à eux. Mais ce choix lui a finalement permis d’élargir ses horizons à travers des membres qui se sont reconnus dans ses messages dans tout le Québec.
Cette clientèle est devenue d’autant plus accessible que les parents qu’elle accompagne, où qu’ils soient, préfèrent une rencontre par Zoom à la gestion des contraintes entourant une approche en tête à tête.
Informer avant de vendre
Mais avant de créer un lien de confiance, encore faut-il parvenir à répondre à une demande bien réelle. Annie Pelletier a vite compris que les parents cherchaient avant tout de l’information fiable. C’est donc en évitant d’inciter directement à la vente qu’elle a encouragé le plus naturellement sa clientèle à faire appel à ses services pour une approche personnalisée.
Un contenu informatif et soigné donne non seulement aux membres de sa communauté le goût de revenir la lire, mais cela peut être réutilisé et revenir en vedette lorsqu’une question récurrente se présente : « Lorsque cela arrive, la publication ne reste pas en haut de la page pendant toute la journée : cela représente 10 ou 15 minutes. Cela fait en sorte que d’autres personnes peuvent la voir. »
Investir dans la constance
Afin d’obtenir ce résultat, Annie Pelletier consacre en moyenne deux heures par jour aux deux plateformes auxquelles elle contribue. Elle a cependant dû faire preuve d’une bonne dose de persévérance avant de parvenir à trouver suffisamment de clients pour combler son horaire. « Il est normal qu’au début, les gens étudient la page, mais ne soient pas prêts tout de suite à commenter ou même à adhérer au groupe. C’est avec la constance et au fur et à mesure que la popularité arrivera », dit-elle.
L’investissement en valait la peine, puisque plusieurs membres sont restés fidèles à la page depuis 2018. Cette fidélité amène cependant la nécessité de produire de nouveaux contenus pour nourrir leur curiosité. Annie Pelletier s’impose donc comme discipline de publier au moins deux nouveaux contenus par semaine.
Heureusement, avec l’habitude, le temps de production de chaque publication est passé de quelques heures à dix ou quinze minutes, pour un contenu plus approfondi et davantage relié aux demandes du moment.
Privilégier la collaboration et la diversification
Cette Facebookeuse a aussi compris l’avantage de s’entourer de collaborateurs afin de soutenir ce rythme. Ils apportent leur expertise sur des sujets qu’elle ne maîtrise pas à un niveau aussi élevé. « J’ai communiqué avec des amis notaires, et ils ont commencé à faire du contenu pour les gens qui sont intéressés par cela. C’est la même chose pour les achats de maison », explique-t-elle. Ceux qui contribuent ainsi à ce tour d’horizon y font également rayonner leur expertise.
Annie Pelletier a aussi perçu la visibilité qu’elle-même pourrait trouver à contribuer à une autre page que la sienne. Ces collaborations constituent des façons de prévenir les risques associés au choix de publier sur une plateforme appartenant à Facebook et non à son auteur.
Le contrôle de la page peut, en effet, être mis en péril par un mot mal interprété par les algorithmes de Facebook ou encore par un problème informatique qui fait perdre les accès à son principal utilisateur. La multiplication des administrateurs et des plateformes permet alors de s’assurer qu’au moins une personne gardera accès à sa plateforme et que l’on pourra assurer une présence ailleurs.
Imposer un cadre (et le faire respecter)
Accepter quelques partenaires ne signifie toutefois pas de laisser la porte ouverte à tous ou à tous les commentaires. Ainsi, la conseillère s’assure que les aspirants membres de sa page sont réellement des parents ou le deviendront bientôt avant de les accepter. Elle évite ainsi que sa page devienne une plateforme d’autopromotion pour d’autres conseillers financiers. Elle doit également demeurer vigilante envers les membres qui tendraient à déroger aux règles du groupe, par des propos trop intempestifs, des conseils malavisés ou des suggestions de titres financiers.
Elle affirme que sa plateforme de 2 000 membres se gère encore assez bien. La programmation de mots clés potentiellement explosifs qui doivent être automatiquement signalés sur la page facilite la tâche des modérateurs. Mais, pour le groupe « L’Argent ne dort jamais », la collaboration des 90 000 membres pour signaler les propos inconvenants devient une contribution notable et fort encouragée.
Prévenir les coups passe aussi par la manière de formuler les publications. « Il y a des publications qui se veulent vraiment informatives et qui n’appellent pas de commentaire. Par contre, c’est certain que si je demande aux gens, par exemple : ‟Quels sont tes meilleurs trucs pour économiser sur l’épicerie ?”, je m’attends à avoir des commentaires », indique-t-elle.
Demeurer un professionnel attentif
Lorsque certains membres ne réagissent pas comme on s’y attendrait, Annie Pelletier explique qu’elle tente d’apporter des précisions objectives, plutôt que de passer immédiatement au mode de l’accusation ou de l’exclusion.
Selon elle, autant sur Facebook que dans une activité de réseautage « en présentiel », manifester de l’impatience envers un interlocuteur peut donner un rude coup à sa propre image. Elle souligne aussi le bien-fondé de maintenir une ambiance qui suscite l’interaction et la fidélisation de ses membres, puisque ce sont souvent les membres récurrents qui la gardent au parfum des préoccupations du moment, afin de viser juste avec ses prochaines publications.
De plus, l’expérience a appris à la conseillère qu’une mise au point bien placée envers un internaute réactif permet souvent d’aider son public à comprendre la nécessité de l’appel à un expert.
« J’ai eu beaucoup de commentaires de gens qui me disaient : ‟Je pensais comme cette personne-là et je n’avais jamais pris d’assurance invalidité. Maintenant, je comprends que, s’il m’arrive quelque chose, sans assurance invalidité, je vais vraiment me retrouver dans une position difficile.” Ces débats m’ont donc menée à plusieurs ventes d’assurance », dit-elle.
Gérer son image et son intimité
Est-ce dire que Facebook est un outil essentiel pour tous ? Pour cette conseillère et entrepreneure, il s’est imposé comme un incontournable ; à ses yeux, ce choix dépend avant tout du besoin de faire du démarchage et de l’identification de la plateforme qui conviendra le mieux au profil de sa clientèle. Annie Pelletier juge qu’il serait toutefois illusoire de penser exclure Facebook de sa vie seulement parce que l’on n’a pas décidé d’en faire son outil de prédilection.
Elle rappelle que les clients, tout comme les employeurs, ont tendance à visiter les pages personnelles des professionnels pour voir si ça va cliquer. Afin que le réseau social ne joue pas de mauvais tours, Annie Pelletier suggère alors d’éviter les propos choquants ou le relais de propos pouvant être perçus comme de fausses nouvelles, mais aussi le simple partage de passions à travers lesquelles les clients potentiels risqueraient de ne pas se reconnaître.
Mais une intimité bien gérée peut aussi produire l’effet inverse, au point où la majorité des 2 000 membres de la page « Mamans, papas & futurs parents : Faites rayonner vos finances ! » ont dorénavant ajouté Annie Pelletier à leurs réseaux Facebook personnels.
Pour cette conseillère, il s’agit d’un atout non négligeable, puisque les algorithmes de Facebook font que les publications à partir d’un profil privé ont une portée sans commune mesure avec celles d’une page commerciale, sans compter la multiplication des chances de partager la référence de quelqu’un qui semble déjà faire un peu partie de la famille.
« Lorsqu’un nouvel enfant arrive dans la famille, moi, je suis au courant déjà. Il y a même une femme qui est venue me rencontrer dans un salon sur la famille. Elle savait que j’allais être présente. Et elle m’a dit : ‟C’est drôle, on ne s’est jamais rencontrées en vrai, mais j’ai l’impression que tu es rendue de nos amies.” Il y a donc vraiment ce lien qui se forge entre les personnes grâce à Facebook », dit-elle.