Internet est un autre vecteur que doivent développer les courtiers pour conserver leurs parts de marché et même les accroître dans les prochains 1 000 jours. Ne pas le faire serait une erreur, mettent en garde des assureurs.Bernard Boiteau est catégorique : « Si les courtiers n’adhèrent pas à Internet ce n’est pas un pas en arrière, c’est un grand pas en arrière! »
Louis Gagnon, d’ING, voit Internet avant tout comme une occasion plutôt qu’une menace. « Internet n’arrêtera pas de se développer. Le réseau de courtage doit s’y adapter et créer des liens sur le web. Nous sommes le seul réseau qui a autant d’occasions d’affaires avec le face-à-face et le téléphone. Avec Internet, nous avons maintenant la possibilité d’offrir un autre axe de communication. Nous sommes les seuls à être aussi flexibles. Il y en a qui ont déjà commencé à utiliser Internet, mais ce sera un élément essentiel des prochaines années. Il faut absolument développer cet aspect », dit-il.
Comment survivre?
Bernard Boiteau, d’AXA, va plus loin. Il se demande comment le courtier survivra s’il n’a pas mis en place son propre site web d’ici cinq ans. Il cite le rapport Celent, sorti en juillet 2007, qui indique que 90 % des achats en assurance automobile seront influencés par le web en 2011. Le rapport ajoute que près de 60 % des achats seront initiés sur Internet et que 30 % des achats seront effectués en ligne. « Si on ne se préoccupe pas de ça, on est vraiment à côté de nos pompes et à côté du marché », dit-il.
AXA vient d’ailleurs de lancer un nouveau site pour vendre de l’assurance auto aux jeunes de 16 à 29 ans : www.donnetonminimum.com. Lancé à la mi-novembre 2007, ce site avait déjà permis à AXA de signer une quinzaine de contrats après quatre semaines. Le site reçoit de 400 à 500 demandes de soumissions par semaine et reçoit plus de 1 000 visites. AXA travaille aussi à améliorer son portail pour que ces clients puissent bénéficier d’un soutien en ligne d’un courtier. Ce nouveau système devrait être en place d’ici octobre 2008, le temps de l’implanter chez les courtiers qui sont partenaires d’AXA.
Ces nouvelles affaires en provenance d’Internet iront au courtage, affirme M. Boiteau. Les cabinets retenus seront cependant choisis. Ils devront détenir un volume de ventes de un million de dollars chez AXA, ils seront déjà partenaires avec l’assureur, et devront rencontrer des exigences de services comme un retour d’appel à l’intérieur de 24 heures, par exemple.
M. Boiteau dit qu’AXA investit dans de telles initiatives pour montrer aux consommateurs qu’il peut suivre le rythme imposé par Internet et pour préparer les courtiers à cette nouvelle façon de faire des affaires. « Un assureur se doit d’avoir les mains dans tout ce qu’il y a comme forme de distribution. Le réseau de courtage a besoin de support pour progresser et pour avoir une meilleure visibilité. On devient un support à la vente au bureau de courtage », affirme-t-il.
Pour démontrer le succès d’Internet en assurance de dommages, il donne en exemple l’expérience d’AXA en Allemagne, qui n’y comptait aucun assuré en IARD en 2005. AXA s’y est lancé avec Internet seulement et comptait 318 000 clients en mai 2007.
« Il y a de la place pour le web au Québec. Si ça devient le marché alternatif par rapport au courtage et aux directs, on veut être dedans le plus rapidement possible avec notre réseau de courtage. C’est du nouveau business et on remarque qu’on attire les clients des directs avec les initiatives qu’on lance », précise M. Boiteau.
Consolidation à venir
Les trois dirigeants ayant participé au Congrès de l’assurance et de l’investissement 2007 croit que les prochains 1 000 jours se passeront dans un marché mou, mais qu’une consolidation s’y fera. Martin-Éric Tremblay, de Co-operators, souligne que l’industrie continuera à jouer sur le prix, ce qui fera l’affaire des assureurs directs. Selon lui, le courtage continuera de perdre 1 % par an au cours des cinq ou six prochaines années à cause de cette concurrence sur la prime.
« Si on continue avec un marché mou, ça veut aussi dire que les assureurs verront diminuer leur marge de profit. On devrait donc revoir une autre vague d’acquisition au cours des prochaines années, car des assureurs seront moins profitables à la fin du marché mou», prédit M. Tremblay.
Ce dernier croit aussi qu’il y a beaucoup trop d’assureurs au Québec et au Canada. Le marché est beaucoup trop instable à son avis et il dit souhaiter que le marché de l’assurance de dommages en vienne à ressembler à celui de l’assurance vie.
« C’est une mauvaise nouvelle pour les représentants, mais une excellente nouvelle pour le marché et pour les clients. Quand il y a moins d’assureurs, le marché devient plus stable et la clientèle se retrouve avec une prime beaucoup plus stable », précise M. Tremblay.
Louis Gagnon dit aussi voir une consolidation du courtage au cours des 1 000 prochains jours. « Les assises sont là pour voir beaucoup de fusions, d’acquisitions et de changements. Le prix des cabinets, les transactions et les choses qui se passent dans le marché présentement montrent qu’il y a un grand appétit pour avoir des plus gros bureaux et des plus grosses organisations. Ça ne va pas nécessairement donner des résultats plus positifs qu’aujourd’hui, mais ça va ressembler à ça. C’est écrit dans le ciel », dit-il.
M. Gagnon ne croit cependant pas que le marché québécois prendra le virage européen, où les assureurs développent une multitude de réseaux. « On est probablement passé à côté de cette tendance. Au Québec, on a plutôt un réseau de directs fort et un réseau de courtage fort. Ils sont là pour se développer en parallèle. Je ne suis pas convaincu que le modèle européen serait très profitable au Québec à cause des développements importants en technologie. On peut s’attendre à voir des joueurs se transformer ou des joueurs investir le marché, comme Toyota par exemple », mentionne-t-il.
De son côté, Bernard Boiteau croit que le marché de l’assurance de dommages évoluera rapidement. Les changements qu’on imagine survenir dans dix ans pourraient se faire dans moins de cinq ans à son avis.
« J’ai la certitude qu’AXA sera encore une compagnie à courtage dans cinq ans, mais elle ne sera pas la même, car le courtier ne sera plus le même qu’aujourd’hui. Il aura besoin d’être supporté par les compagnies, de travailler différemment et d’avoir une approche client différente. Si l’assurance auto devient une commodité ou un mal nécessaire, ce ne sera pas très difficile à vendre. Le consommateur verra le produit sur son écran. Il n’aura qu’à faire son choix. Le courtier devra donc avoir converti son bureau pour travailler d’une façon différente, avec des gens différents et devra avoir de nouvelles méthodes de travail », soutient M. Boiteau.